Pocahontas, récit sans filtre d’une vie entre deux mondes

Pocahontas, sa vraie histoire est longtemps restée dans l’ombre et même, soigneusement camouflée. Et pour cause, la trajectoire fulgurante de la princesse amérindienne reste bien éloignée du conte à l’eau de rose de Disney. Si la superproduction américaine n’a retenu que son idylle avec John Smith, la réalité fut toute autre. À l’heure où les revendications des peuples autochtones se font plus pressantes, il est temps de désacraliser le célèbre mythe. Pocahontas, récit sans filtre d’une légende amérindienne.

L’enfance d’une princesse powhatan au caractère bien trempé

Un nom prédestiné

1595, Werowocomoco, dans l’actuelle Virginie. C’est dans la capitale de la tribu des Powhatans que voit le jour la jeune Pocahontas (« petite impudique » en langue algonquienne). Il faut dire que ce nom sied à merveille à son tempérament fougueux et intrépide. Au même titre que Rebelle ou Mulan, il y a là matière à un parfait conte féministe des temps modernes.

Mais déjà un premier rectificatif s’impose. Ce n’est qu’a posteriori qu’elle fut baptisée ainsi, lors de ses premiers contacts avec les colons anglais. Certes, il faut y voir là un clin d’œil à sa personnalité bouillonnante. Mais il s’agit aussi d’une manœuvre de sa propre tribu destinée à impressionner les nouveaux arrivants. Alors, quel était le vrai nom de Pocahontas ? La princesse répondait en réalité au doux nom de Matoaka qui signifie « petite plume de neige » en langue algonquienne.

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Une pépite promise à un brillant avenir

Pocahontas est fille de chef. Son père, Wahunsunacock, n’est autre que le seigneur de la tribu des Powhatans, à la tête d’une vaste confédération amérindienne. Dès sa plus tendre enfance, la vivacité d’esprit et la personnalité affirmée de la jeune enfant font mouche auprès de son illustre paternel. De toute évidence, Pocahontas est destinée à briser les codes et promise à un destin hors du commun.

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Pocahontas, la vraie histoire de sa romance avec John Smith

Une rencontre revisitée par Disney

Représenté sous les traits d’un jeune et séduisant capitaine, John Smith faisait partie de la première expédition de colons anglais. C’est en 1607 que la petite centaine d’individus fonde la ville de Jamestown… sur les terres des Powhatans.

Capturé par la tribu autochtone, l’homme fort de la colonie aurait été condamné à mort. La jeune Matoaka se serait alors précipitée afin de le sauver. Vaste quiproquo en réalité, la pseudo mise à mort étant en fait une cérémonie rituelle. Il faut voir dans l’intervention de la jeune intrépide un jeu de rôle, et non une tentative romanesque de sauver son amant.

 

aux pieds d un arbre Pocahontas s interpose entre son pere et John Smith pour l'empecher de le mettre a mort
Le geste de sauvetage de John Smith par Pocahontas, une reconstruction a posteriori (illustration américaine de 1870). Source : Wikimedia Commons, domaine public.

 

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Un coup de foudre monté de toutes pièces

Alors qu’en est-il de leur soi-disant romance ? Il semblerait qu’elle ait été fabriquée par John Smith lui-même. Une jeune « sauvage » subjuguée par les attraits d’un bel anglais : voilà un scénario idéal pour démontrer la supériorité de la civilisation européenne.

A posteriori, cette histoire impossible à la Roméo et Juliette se prête parfaitement bien à la propagande coloniale. Elle permet par ailleurs de gommer les terribles crimes de la conquête dans le récit national états-unien.

Enfin, un dernier élément écarte toute possibilité de liaison. Un rapide calcul nous permet d’estimer l’âge de Pocahontas à 12 ans lors de sa rencontre avec John Smith. Les studios de Disney ont fait l’impasse sur ce petit détail.

Matoaka, une graine d’ambassadrice sur fond de colonisation

Une colombe de la paix

Passé les premiers malentendus, les deux communautés parviennent à surmonter leurs antagonismes pour laisser la place à une entente cordiale. Il faut dire que chacune a tout intérêt à l’apaisement des tensions. En effet, rien n’est épargné aux colons anglais. À Jamestown, la famine laisse planer sans cesse son épée de Damoclès sur la communauté moribonde. Dès lors, un système de troc s’installe. En échange d’outils et d’armes, la colonie survit grâce aux vivres fournis par les Powhatans.

C’est alors que la pétillante Pocahontas entre une nouvelle fois en scène. Son père lui confie une mission de haut vol : se rendre régulièrement à Jamestown afin de nouer des relations amicales avec les nouveaux arrivants. Ce choix laisse deviner l’ampleur des talents de la jeune fille : communication, sens de la diplomatie et recherche du consensus.

De la liberté à la captivité

Cependant, la lune de miel entre la tribu amérindienne et les colons sera de courte durée. L’arrivée d’un nouveau gouverneur en 1611 accélère le processus de colonisation. Les demandes en vivres s’accroissent, portant la tension à son paroxysme. Pris en tenaille, les Powhatans forgent alors le projet d’exterminer la colonie. Partagée entre son attachement à sa tribu et son engagement en faveur de la paix, Pocahontas finit par alerter John Smith, évitant ainsi un bain de sang généralisé.

Revers de la médaille, son statut de princesse au grand cœur en fait aussi une cible idéale. Sa capture par un capitaine britannique sonne alors le glas d’une jeunesse insouciante. Retenue prisonnière au sein de la colonie, Pocahontas est contrainte de troquer sa parure amérindienne contre des vêtements européens. L’inévitable processus d’acculturation se met en marche. Forcée de renier son identité, elle doit apprendre l’anglais et surtout, adopter à bras ouverts la religion chrétienne. À l’âge de 19 ans seulement, Pocahontas n’est plus, Rebecca est née.

Pocahontas, récit sans filtre de son mariage arrangé

Côté cœur, la jeune princesse aurait été mariée à un certain Kocoum. C’est cependant au cours de sa captivité que Pocahontas entame une liaison avec John Rolfe. Ce planteur de tabac en tombe éperdument amoureux et décide de l’épouser. Il faut dire que les unions entre captives et colons ont bel et bien existé, comme nous le raconte Yaa Gyasi dans No home.

Mariage d’amour, oui, mais surtout mariage d’intérêt. D’un côté, les Powhatans y gagnaient une trêve avec leurs voisins européens. De l’autre, les colons pouvaient reprendre leurs activités commerciales en toute quiétude. Encore une fois, Pocahontas est sacrifiée sur l’autel de la paix entre les deux communautés.

Cette union porte rapidement ses fruits. En 1615, la jeune mariée donne naissance à un petit Thomas. Toutefois, les bénéfices de ce mariage en reviennent surtout aux Anglais. C’est grâce aux techniques agricoles enseignées par Pocahontas que la colonie survit et connaît un essor économique sans précédent. Sur le plan politique, ces noces illustrent la victoire du christianisme et de la civilisation européenne.

De Jamestown à Londres, l’envers du décor du dernier voyage de Pocahontas-Rebecca Rolfe

D’emblée, les colons perçoivent le formidable potentiel de la figure de Pocahontas-Rebecca. C’est alors le début d’une opération de communication destinée à glorifier la colonisation. En 1616, Lady Rebecca s’embarque à bord d’un navire pour un long périple à destination de l’Angleterre, afin d’y être introduite à la cour.

Objet de curiosité, l’hôte métisse se retrouve alors sous le feu des projecteurs. Mais instrumentalisée par la propagande, Pocahontas ne s’appartient plus. Son seul et unique portrait réalisé à cette occasion nous la présente sous les traits d’une dame de la cour à la peau blanche. Ainsi, toute trace de son identité amérindienne est gommée. Il faudra attendre le XIXe siècle pour voir surgir les stéréotypes sur les communautés autochtones. C’est d’ailleurs l’objet d’une passionnante exposition d’art à Lyon jusqu’au 8 août 2022.

portrait en noir et blanc du vrai visage de pocahontas-rebecca rolfe portant un chapeau à plumes
Vrai visage de Pocahontas sous les traits de Lady Rebecca, par Simon van de Passe (1616). Source : Wikimedia Commons, domaine public.

 

Traversant son époque telle une étoile filante, Pocahontas est emportée par la maladie à l’aube de ses 20 ans seulement. Mais déjà la postérité s’en empare : sous la plume de ses contemporains, elle rejoint le mythe fondateur des futurs États-Unis d’Amérique.

Ce récit sans filtre de Pocahontas nous dévoile une jeune femme entreprenante et pétrie de convictions. Loin du conte fleur bleue de Disney se dessine un parcours exceptionnel, qui la mènera des paysages sauvages de la Virginie jusqu’à la cour d’Angleterre. C’est donc en toute légitimité qu’elle rejoint enfin le panthéon de Celles qui Osent.

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Annabelle Palmisano pour Celles qui Osent
Article rédigé lors du cursus de formation en rédaction web chez FRW

Sources :
https://www.franceculture.fr/histoire/la-vraie-histoire-de-pocahontas
https://www.geo.fr/histoire/la-veritable-histoire-de-pocahontas-205168
https://www.larousse.fr/encyclopedie/personnage/Pocahontas/180387
https://time.com/5548379/pocahontas-real-meaning/

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