De George Sand à Vandana Shiva : ces femmes visionnaires en matière de risques environnementaux

Dans une interview donnée au journal Le Courrier de l’UNESCO, en décembre 2001, l’écoféministe Vandana Shiva, évoque la place privilégiée des femmes dans la sauvegarde de l’environnement : « Les femmes distinguent, par leur intuition de la vie, ce qui est vraiment vital […] cela les rend sensibles à ce qui est en péril dans le monde. » Depuis le 19e siècle et l’intensification de l’activité humaine, elles ont osé prendre position et alerter le public sur les risques environnementaux. Elles ont eu l’audace de dénoncer de grandes menaces telles que la déforestation, l’appauvrissement des sols ou le réchauffement climatique. Qui sont ces femmes qui avaient prédit la catastrophe écologique ? De George Sand à Vandana Shiva, découvrons le portrait de ces icônes visionnaires.

George Sand : une conscience écologique précoce

Ces femmes qui avaient predit la catastrophe écologique : portrait de George Sand
Portrait de George Sand réalisé par Félix Nadar en 1864. Source : Wikimédia.

Romancière talentueuse et prolifique, George Sand est une figure féministe du 19e siècle, aux mœurs scandaleuses pour son époque. Connue pour ses écrits politiques, elle s’intéresse également aux sciences naturelles et à la foresterie.

Dès 1870, dans sa correspondance avec Gustave Flaubert, elle s’alarme des désastres de son temps : « Nous avons ici des 40 et 45 degrés de chaleur à l’ombre. On incendie les forêts : autre stupidité barbare ! […] Les arbres quittent leurs feuilles et peut-être la vie. L’eau à boire va nous manquer… »

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Deux ans plus tard, elle se lance dans le sauvetage de la forêt de Fontainebleau, consciente de l’enjeu écologique d’une telle action. L’État souhaite alors transformer en partie ce paradis bucolique et y planter des pins. Il voit là une fabuleuse occasion d’exploiter de manière rentable et intensive Fontainebleau.

Pour contrer ce projet, George Sand mobilise, avec succès, sa plus belle arme de contestation : l’écriture ! Elle publie en 1872 un texte dans le journal Le Temps. Elle y sensibilise ses lecteurs à de nombreuses problématiques environnementales : la déforestation, l’appauvrissement des sols et le dessèchement de l’atmosphère. Elle évoque aussi l’épuisement des ressources et la nécessité d’éduquer les enfants à la beauté de la nature.

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Avec une véritable clairvoyance, elle conclut de la manière suivante :

« Quand la terre sera dévastée et mutilée, nos productions et nos idées seront à l’avenant des choses pauvres et laides qui frapperont nos yeux à toute heure. »

Ellen Swallow Richards : le concept d’écologie humaine au centre de ses recherches

Première femme à être admise à l’Institut de technologie du Massachusetts (MIT) en 1871, Ellen Swallow Richards est une pionnière en génie sanitaire. Cette brillante chimiste américaine, issue d’un milieu modeste, possède un parcours exemplaire. En 1887, elle conduit une étude minutieuse sur l’eau potable dans l’État du Massachusetts. Ses travaux rigoureux permettent d’établir les normes de qualité de l’eau ainsi que des plans de traitement des eaux usées jusque-là inexistants.

Elle éduque aussi progressivement l’Amérique au concept d’écologie humaine à l’aide de ses recherches. Elle démontre que la préservation du monde est essentielle pour l’avenir de l’humanité. Pour vivre et prospérer, les hommes et les femmes doivent avoir à cœur de conserver et protéger la nature. De la sorte, ils créent un cercle vertueux. Un milieu sain favorise la bonne santé des personnes qui sont ensuite à même de transmettre leurs valeurs aux générations suivantes. Dans le cas contraire, le cadre de vie se dégrade et affecte durablement les civilisations. Ellen Swallow Richards l’explique ainsi :

« L’environnement dans lequel les gens vivent est l’environnement auquel ils doivent s’adapter et qu’ils perpétuent. Si cet environnement est bon, tant mieux, mais s’il est mauvais alors la qualité de vie qu’il offre l’est aussi. »

Elle tente, par ses actions, d’éveiller les consciences et de prévenir le cycle infernal de la détérioration de l’habitat humain et de la nature.

Rachel Carson : une des femmes qui avaient prédit la catastrophe écologique

Ces femmes qui avaient predit la catastrophe écologique : portrait de Rachel Carson
Photographie de Rachel Carson conservée aux Smithsonian Institution Archives. Source : Wikimédia.

Rachel Carson est une biologiste marine, passionnée par l’écriture et les océans. Son premier best-seller international, publié en 1951, s’intitule La mer autour de nous. Son objectif est de vulgariser les connaissances scientifiques pour sensibiliser le public aux problèmes environnementaux. Elle écrit : « L’obligation de subir nous donne le droit de savoir. »

En 1962, elle bouscule littéralement la société américaine avec son livre Printemps silencieux. Dans cet ouvrage, Rachel Carson apporte la preuve des désastres écologiques dus à l’utilisation non mesurée des pesticides. Elle s’attaque aux menaces que représente le puissant insecticide appelé DDT.

Le sujet est délicat. En effet, dès les années 1940, aux États-Unis, les agriculteurs ont massivement recours au DTT pour lutter contre les nuisibles. Toutefois, l’épandage par voie aérienne est catastrophique. Le produit n’atteint pas seulement sa cible, les insectes. Il contamine tout un écosystème : le sol, les animaux, les plantes et les hommes.

En dévoilant l’étendue des dommages, Rachel Carson provoque un véritable cataclysme. Elle fait l’objet d’attaques et de calomnies recevant même le titre de « femelle hystérique et émotive ». Cependant, la richesse et la solidité de ses travaux l’emportent sur les accusations de ses détracteurs. Le DDT est interdit aux États-Unis en 1972.

Printemps silencieux est une œuvre majeure dans la transformation de la société américaine. Son impact est souvent comparé à celui provoqué par le roman La Case de l’oncle Tom en matière d’esclavage, au 19e siècle. Pour l’environnementaliste Al Gore, le livre de Rachel Carson marque la naissance du mouvement écologiste moderne.

Wangari Muta Maathai : une femme visionnaire en matière de risques environnementaux

L’ancien Secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, a décrit Wangari Maathai comme « une pionnière dans l’articulation du lien entre droits de l’Homme, pauvreté, protection de l’environnement et sécurité ». Cette citation nous permet de mesurer l’étendue du combat mené par cette militante écologiste née au Kenya en 1940.

Première femme titulaire d’un doctorat en Afrique Centrale et de l’Est, elle poursuit ses études aux États-Unis et en Allemagne. En 1977, elle fonde le Green Belt Movement. Ce dernier a pour vocation de planter des arbres dans tout le Kenya. Sa campagne est un succès avec 30 millions d’arbres plantés. Elle inspire des programmes identiques dans de nombreux pays avec le soutien de l’ONU.

Wangari Maathai est convaincue que la protection de l’écosystème est essentielle dans la lutte contre la pauvreté. La déforestation et l’érosion des sols sont les causes de la précarité. Elle l’explique ainsi :

« Une personne pauvre abattra forcément le dernier arbre pour préparer son dernier repas […] mais plus vous dégradez l’environnement, plus vous vous enfoncez dans la pauvreté. »

Son discernement la pousse à agir sans relâche en faveur de la protection de l’environnement pour éviter la catastrophe écologique. En 2004, celle que l’on surnomme « la maman des arbres » reçoit le prix Nobel de la paix. Le jury récompense alors son « approche holistique du développement durable, qui englobe la démocratie, les droits humains et en particulier ceux de la femme ».

➡️ Si vous souhaitez mieux connaître « la maman des arbres », consultez la biographie de Wangari Muta Maathai

Vandana Shiva : une militante indienne à l’assaut des multinationales

Ces femmes qui avaient predit la catastrophe écologique : portrait de Vandana Shiva
Photographie de Vandana Shiva prise lors de la COP 21 à Paris en 2015. Source : Wikimédia.

Physicienne et philosophe, Vandana Shiva est également une ardente défenseuse du droit des femmes et de l’écologie. C’est dans sa région natale de l’Uttaranchal en Inde qu’elle entame ses premiers combats. Selon elle, « chaque fois que nous consommons ou que nous produisons au-delà de nos besoins, nous nous engageons dans la violence ».

En 1991, elle crée l’ONG altermondialiste Navdanya qui signifie « 9 graines » en hindi. Son but est de promouvoir une agriculture durable. En parallèle, elle s’attaque à de grandes multinationales. Elle lutte contre les OGM et les pesticides de Monsanto. Elle accuse aussi Coca-Cola d’avoir asséché les nappes phréatiques de son pays.

Vandana Shiva reçoit le prix Nobel alternatif en 1993, qui récompense l’ensemble de ses actions. Pour autant, son engagement ne faiblit pas. Consciente des dangers environnementaux qui guettent les populations les plus fragiles, elle se lance dans la bataille contre le réchauffement climatique. De même, elle dénonce publiquement les effets de la mondialisation. Elle défend la protection de l’eau, du sol, du climat en tant que bien commun. Pour elle, les lois de la nature doivent être respectées pour préserver la biodiversité et l’avenir de l’humanité :

« Nous sommes des graines, nous devons donc prendre soin du sol, de la terre et être une mère pour elle. »

➡️  Si le destin de cette écoféministe vous intéresse, lisez la biographie de Vandana Shiva

Déforestation, pesticides, réchauffement climatique… peu importe le sujet, ces femmes sont conscientes des risques environnementaux qui menacent notre planète. Visionnaires et éclairées, elles ont mis en garde le public et prédit la catastrophe écologique. Elles ne se sont pas contentées d’être de simples lanceuses d’alerte. Elles se sont engagées et ont proposé des solutions. Elles ont osé se battre pour leurs convictions sans craindre la critique. Leur but : sauver la Terre et l’avenir de notre civilisation.

🌱 Pour poursuivre votre lecture sur la thématique environnementale :

Audrey Croiset, pour Celles qui Osent

Sources :

George Sand, Correspondance : 1812 – 1876
George Sand, Impressions et souvenirs, 1873
Ellen Swallow Richards et le concept d’écologie humaine
France Culture, Rachel Carson et le Printemps silencieux, 01/11/2012
Préface du Printemps silencieux par Al Gore
Vie et héritage de Rachel Carson
Wangari Maathai, Biographie
France Culture, La voix est libre avec Vandana Shiva, 25/02/2018

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