Wangari Muta Maathai, celle qui semait la paix en plantant des arbres

Première femme africaine à remporter le prix Nobel de la paix, Wangari Muta Maathai a consacré sa vie à défendre celle des autres. Consciente que l’humanité ne pourrait pas se développer éternellement dans un environnement menacé, elle a fait de l’écologie sa priorité. Son objectif ? Planter des arbres à grande échelle pour reboiser la planète. Écoféministe engagée, elle a eu l’intelligence d’associer la protection de l’environnement au développement des droits humains. Son combat pour la liberté, la démocratie, l’égalité des sexes et la justice sociale a été déterminant dans l’évolution de son pays. Portrait de celle dont la détermination et le courage ont amené de la lumière à toutes les branches de la société.

Le respect de la nature ancré dans ses racines

L’histoire de Wangari Muta Maathai débute le 1er avril 1940 dans le petit village d’Ihithe, au Kenya. Ses parents sont paysans, membres de la tribu des Kikuyus. Ils profitent de terres fertiles pour cultiver des céréales et élever du bétail. Conformément aux principes des Kikuyus, Wangari apprend, dès son enfance, à respecter la nature. Elle comprend rapidement que la faune, la flore, l’eau et la terre ont une valeur inestimable.

Grâce aux convictions de ses parents, Wangari intègre l’école primaire d’Ihithe alors que très peu de filles y ont accès. Brillante tout au long de sa scolarité, elle décroche une bourse, en 1960, qui lui permet d’accéder aux universités américaines. Après six ans d’études au Kansas et en Pennsylvanie, elle revient au Kenya avec une licence et un mastère en biologie. Sa vie américaine ne lui aura pas apporté uniquement des connaissances scientifiques et des diplômes. En effet, en pleine période de lutte contre les discriminations raciales aux États-Unis, Wangari développe un fort esprit critique et une volonté d’agir contre l’injustice sociale.

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Forte de tout ce qu’elle a appris, elle intègre l’institut universitaire de Nairobi et y obtient, en 1971, un doctorat en sciences. Elle devient la première femme d’Afrique de l’Est et centrale à détenir ce titre. Mariée à un homme politique kényan et mère de trois enfants, Wangari se retrouve professeur et directrice du département d’anatomie vétérinaire.

Sa carrière prend toutefois un tournant en 1979, lorsque son mari l’accuse d’adultère et demande le divorce. Elle revendique le droit à une vie sexuelle épanouie et crée un scandale auprès de l’élite politique du pays. Licenciée de l’université, elle se recentre sur ce qui l’importe le plus, les droits des femmes et l’environnement. Elle concentre alors son énergie dans une ONG qu’elle a créée en 1977, Green Belt.

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Green Belt Movement : organisation écoféministe engagée pour la planète

Un reboisement massif au secours de la biodiversité

Scientifique avant tout, Wangari Muta Maathai veut lutter contre les actions humaines qui menacent l’écosystème. Elle cible notamment les pratiques agricoles non durables qui engendrent une déforestation à outrance. En effet, le Kenya connaît une forte croissance économique grâce à la production ainsi qu’à l’exportation de thé et de café. L’utilisation de fertilisants pour augmenter les rendements pollue les sols et accroît leur érosion. Le commerce du bois et l’exploitation forestière accélèrent la déforestation et entraînent la diminution des terres communautaires qui perdent l’accès à l’eau potable ou à la végétation.

C’est avec ce constat qu’elle fait germer son idée : planter des arbres à grande échelle pour reboiser les terres africaines. Élue au Conseil National des Femmes du Kenya (CNFK), Wangari a également pour objectif de répondre à leurs besoins. Traditionnellement, au Kenya, ce sont les femmes qui ont pour rôle de collecter l’eau, le bois et les denrées afin d’alimenter leur foyer et faire vivre le bétail. Avec la disparition des forêts et zones humides, elles doivent parcourir beaucoup plus de distance et n’ont pas le temps de trouver des moyens pour s’adapter. Le lien entre la déforestation et la dégradation des conditions de vie des femmes devient ainsi une évidence. La création du Green Belt Movement aussi.

Les femmes au premier plan de la lutte contre le changement climatique

Considérant que la dégradation de l’environnement, la pauvreté et les conflits sont liés, Wangari veut inverser la tendance. Le mouvement est alors initié auprès des populations locales afin d’identifier leurs besoins et de réfléchir à des solutions. Les femmes peuvent ainsi s’impliquer dans les actions à mener et valoriser leur image dans la société. Ce fonctionnement recrée des liens sociaux et fédère hommes et femmes autour d’un objectif commun, la préservation de leur environnement.

Très impliquées dans le mouvement, les Kényanes reboisent progressivement les alentours des villages. Des animaux font leur retour et les habitants bénéficient à nouveau de ressources pour cuisiner et gagner de l’argent. Mais ce n’est que le début. Très rapidement, les pépinières sont dépassées par l’importante demande de plants. De nombreuses femmes sont alors formées à la création et à la gestion de pépinières. Cette situation leur permet de créer des emplois et de générer de nouvelles sources de revenus.

Après avoir semé la première graine au Kenya, Wangari cherche à développer ce modèle à travers l’Afrique. Mais aussi dans le monde entier, grâce au soutien de l’ONU. Un de ces plus beaux combats pour l’environnement s’effectue d’ailleurs dans la forêt du bassin du Congo. Elle y protège le deuxième massif forestier tropical au monde, véritable poumon vert de la planète. Au cours des 40 années suivant la création du Green Belt Movement, 51 millions d’arbres sont plantés, rien qu’au Kenya. De quoi redonner un bon bol d’oxygène à la planète.

Wangari Muta Maathai et sa culture de la démocratie

La réussite du mouvement lui prouve que la détermination et la solidarité sont indispensables pour améliorer les choses. Le but n’est plus seulement de semer des végétaux, mais de semer des idées. Wangari développe la communauté pour permettre aux Kényans de trouver des solutions durables sans dépendre des décisions du gouvernement. Elle s’engage alors en politique et prône le respect des libertés d’expression et de pensée pour faire évoluer la société.

Militante engagée, elle démarre un véritable combat pour la démocratie en prenant part à de multiples batailles. Elle anéantit des projets immobiliers gigantesques qui nécessitent la destruction de zones vertes indispensables au bon équilibre de l’écosystème kényan. Signe de sa force, elle effectue également une grève de la faim d’un an pour faire libérer des prisonniers politiques. Le mouvement ayant désormais un tronc solide, il ne lui manque plus qu’à alimenter ses racines pour développer ses branches.

Pour permettre aux branches d’aller le plus haut possible, Wangari sait qu’un bon positionnement politique est indispensable. Terrain machiste et peu ouvert au développement de la société civile, le gouvernement kényan des années 1990 est en totale opposition avec Wangari. Mais ses convictions et sa volonté d’instaurer une dynamique écologique sont telles qu’elle est prête à tout affronter.

Jugée non habilitée à se présenter aux élections législatives de 1982 pour améliorer les droits des femmes, Wangari candidate à nouveau en 1997 lors des présidentielles. Elle se heurte au président Daniel Arap Moi contre qui elle s’oppose depuis plusieurs années. Ces élections sont encore un échec, mais elle retente tout de même sa chance, aux législatives, en 2003. Elle fonde le parti vert Mazingara, remporte un siège et devient ministre déléguée à l’environnement et aux ressources naturelles. Un succès qui lui permet enfin de récolter les fruits de sa détermination.

Un prix Nobel en guise de récolte

En 2004, à 64 ans, Wangari Muta Maathai reçoit le prix Nobel de la paix. Première Africaine de l’histoire à obtenir cette distinction, elle est récompensée pour son engagement en faveur de l’environnement, de la démocratie et de la paix. Bien qu’il soit le plus glorieux, ce prix n’est que la partie visible de l’iceberg.

Elle commence par décrocher le prix Nobel alternatif en 1984 pour son action de reboisement massif au Kenya. En 1991, elle remporte le prix du leadership africain pour la fin durable de la faim et le prix Goldman pour l’environnement. L’année du prix Nobel, en 2004, elle gagne également le prix Sophie (récompense pour l’environnement et le développement) en Norvège et le prix Petra Kelly (militante du Mouvement de la paix) en Allemagne. Enfin, elle est décorée de la Légion d’honneur française en 2006 puis du Grand Cordon de l’Ordre du Soleil Levant japonais en 2009.

Sa disparition le 25 septembre 2011 laisse un vide aussi grand que sa reconnaissance internationale. D’un courage exceptionnel, Wangari n’a jamais renoncé face aux embûches semées sur son chemin pour défendre la nature et la justice sociale. Quitte à sacrifier sa sécurité, son confort de vie et son intimité.

Un prix a été créé par le Collaborative Partnership on Forests pour lui rendre hommage, le Wangari Maathai Award. L’université de Pittsburgh aux États-Unis a même construit, à sa mémoire, un monument vivant constitué d’arbres et de jardins. Celle qui fut surnommée « la maman des arbres » incarnait l’essence même de l’écoféminisme africain et du militantisme collectif qui le définit. Un modèle d’avenir à semer dans le monde entier.

« Si personne n’applaudissait cette grande femme d’Afrique, les arbres applaudiraient à leur place. »

Nnimmo Bassey, président de l’ONG Amis de la Terre.

Découvrez le portrait de Greta Thunberg, militante engagée qui a pris le relais de Wangari Muta Maathai dans la lutte pour la protection de l’environnement.

Quentin Mercier, pour Celles qui osent

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