Depuis la seconde moitié du vingtième siècle, le féminisme est devenu un véritable courant de pensée, avec ses philosophes, ses penseuses, et ses débats. Plusieurs questions divisent aujourd’hui le mouvement féministe. La lutte pour les droits des femmes s’est diversifiée et déclinée dans plusieurs thématiques. Quels sont les sujets qui divisent les féministes ? Et pour quelles raisons ? Celles qui Osent tente de vous apporter des réponses, à l’aide d’un article non exhaustif.
Avant de commencer cet article, il nous paraît important de souligner que le féminisme est souvent attaqué à propos de ses divisions internes, et il ne s’agit rien ici de dénoncer le mouvement et sa pensée, mais plutôt de comprendre les enjeux des thèmes clivants.
Que pensent les féministes de la prostitution ?
Le débat n’est pas nouveau. La prostitution a toujours animé le courant féministe, opposant les « abolitionnistes » (en faveur de son interdiction) et les « pro-sexe » (en faveur d’une meilleure réglementation de la prostitution, mais pas de son interdiction). En France, le point de vue pro-sexe est par exemple incarné par l’autrice Virginie Despentes , qui écrit dans son essai King Kong Theorie :
« Le monde économique aujourd’hui étant ce qu’il est, c’est-à-dire une guerre froide et impitoyable, interdire l’exercice de la prostitution dans un cadre légal adéquat, c’est interdire spécifiquement à la classe féminine de s’enrichir, de tirer profit de sa propre stigmatisation. »
La prostitution telle qu’elle est considérée par les pro-sexe peut également être envisagée comme un instrument de réappropriation de sa sexualité, à condition bien sûr que les prostituées soient respectées et exercent leur profession dans un cadre juridico-légal prédéfini.
Les abolitionnistes au contraire vont plutôt envisager la prostitution comme un instrument de domination patriarcale. Selon elles, la violence est inhérente à la prostitution, peu importe la manière dont elle est encadrée. Ce combat est notamment porté par l’association Osez le féminisme, selon laquelle la loi de la pénalisation des clients (2016) est un début, mais n’est pas suffisante. Ses activistes considèrent que le législateur devrait également s’attaquer aux proxénètes, et proposer un accompagnement financier et social aux prostituées.
Le port du voile, un sujet clivant chez les féministes aussi
Le débat est né dans les années 1980-1990. La première fois que la question du voile a été abordée dans la société française, c’était en 1989, avec l’affaire dite « des foulards de Creil ». Trois jeunes filles, alors collégiennes, s’étaient rendues voilées à l’école, et s’étaient vues refuser l’entrée de l’établissement. Depuis, la question du voile ponctue régulièrement le débat public.
Les thèses intersectionnelles, selon lesquelles les femmes racisées, de classe sociale inférieure, ou issues de la communauté LGBT sont plus sujettes aux discriminations du fait du cumul de leurs différents statuts, défendent l’idée selon laquelle le choix de porter, ou non, un vêtement, relève de la seule volonté des femmes.
Pour les féministes dites « universalistes », comme la philosophe Élisabeth Badinter ou l’ancienne ministre chargée de l’égalité hommes-femmes Laurence Rossignol, la religion, peu importe laquelle, est un instrument d’oppression patriarcale. Les universalistes estiment que la priorité du féminisme est de défendre les intérêts individuels et collectifs des femmes avant les intérêts de classe ou de communauté.
La question de la GPA (gestation pour autrui) dans le mouvement féministe
Tout comme le voile, la question de la GPA ne divise pas que la sphère féministe, mais est devenue une véritable question de société et d’éthique. La gestation pour autrui est une pratique médicale visant à lutter contre l’infertilité féminine. Elle consiste en la transplantation d’un embryon dans l’utérus d’une autre femme, appelée « mère porteuse », qui portera l’enfant jusqu’à sa naissance. Aujourd’hui, la GPA est interdite en France.
Pour les féministes en faveur de la GPA, il s’agit pour les femmes de disposer librement de leur corps, même si cela signifie porter l’enfant de quelqu’un d’autre. Les GPA éthiques sont souvent un argument mis en avant par ces dernières, qui insistent sur la nécessité du caractère bénévole de l’échange. La législation doit donc aller dans ce sens, et protéger les mères porteuses des potentielles dérives et de la marchandisation des corps.
Pour celles qui s’opposent à la GPA, cette pratique médicale est similaire à la prostitution, et serait donc un instrument de domination patriarcal. Elles craignent également que des femmes, contraintes par une situation de grande précarité, deviennent mères porteuses par nécessité, et non par choix. En février 2011, plusieurs grandes figures du féminisme, comme Gisèle Halimi, avaient pris position contre la GPA dans une tribune publiée dans Le Monde :
« Loin d’être un progrès, toute légalisation de cette pratique représenterait une régression du droit, une extension du domaine de l’aliénation et un mauvais combat pour la gauche et pour les femmes. »
Le féminisme vous intéresse ? Lisez notre article dédié à l’histoire du féminisme français. Bonne lecture !
Victoria Lavelle pour Celles qui Osent
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