Angela Davis : portrait d’une icône des luttes sociales

Un visage singulier et une coupe afro indissociable du mouvement de libération des Noirs aux États-Unis, Angela Davis est une militante des droits de l’homme radicale et inspirée. La vie de cette intellectuelle révolutionnaire est marquée par une multitude de luttes. Figure du féminisme, antiraciste et anticapitaliste, elle se bat contre le système carcéral, la brutalité policière, la peine de mort et toutes les formes d’oppression, sans trêve, depuis les années 60.

La liberté et l’émancipation des peuples sont au cœur de ses convictions. Klu Klux Klan, Black Panthers, FBI, prise d’otage, traque, prison, procès et Rolling Stones, découvrez avec Celles qui Osent l’histoire incroyable d’Angela Davis. La vie de cette icône des luttes sociales est digne des thrillers les plus fous ! 

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Une militante du Black Power engagée dans la lutte anti-raciste

Une enfance dans le « Deep South » ségrégationniste américain

Angela Yvonne Davis est née en 1944 à Birmingham Mississippi, dans l’Alabama, un État emblématique des luttes contre la ségrégation raciale grâce à la rébellion de Rosa Parks et au combat de Martin Luther King. En 1948, la famille Davis et d’autres Afro-Américains s’installent dans un quartier majoritairement blanc de la ville. Cette nouvelle mixité sociale exacerbe les tensions raciales et un premier attentat à lieu en 1949 à l’encontre des habitants noirs. Il est suivi d’une longue série d’attaques mortelles perpétrées par le Klu Klux Klan. Le quartier se voit bientôt doté du surnom, tristement célèbre, de « Dynamite Hill ».

Le quotidien de la petite Angela est marqué par le racisme, la ségrégation et les lois Jim Crows. Ses parents sont des militants anti-racistes activistes. Ils l’encouragent à étudier pour résister au système d’oppression et elle développe très tôt une conscience politique. C’est ainsi qu’à l’âge de 14 ans, elle obtient une bourse pour intégrer un école secondaire privée de New-York. Ses enseignants progressistes la sensibilisent aux luttes sociales. 

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Une figure incontournable du combat pour les droits civiques des Noirs 

En 1962, Angela Davis entre à l’université de Brandeis dans le Massachusetts sur fond de mouvement de libération des Noirs et de discours de Martin Luther King. L’année suivante, elle part étudier la littérature française puis la philosophie politique en Europe : à Biarritz, à la Sorbonne, en Allemagne. En août 1965, une émeute sanglante éclate à Watts, un quartier noir de Los Angeles, faisant de nombreuses victimes. Frustrée de ne pas pouvoir participer au combat pour la libération de sa communauté, elle rentre aux États-Unis et s’installe en Californie. 

Angela Davis ne souscrit pas directement au mouvement noir californien. Elle se reconnaît dans le radicalisme des Black Panthers Party. Elle y adhère quelque temps mais elle se positionne contre le séparatisme, le Black Nationalism, qui fait des adeptes dans le parti. Son engagement dans la lutte anti-raciste reste néanmoins au coeur de tous ses combats et Angela Davis devient rapidement une icône du Black Power

Une révolutionnaire marxiste dans une Amérique anticommuniste

Le militantisme politique d’Angela Davis date de son adolescence à New-York. Au lycée, elle découvre le Manifeste du Parti Communiste et intègre une organisation pour la jeunesse marxiste-léniniste nommée Advance. Ses études supérieures en philosophie politique renforcent ses convictions. À l’université de San Diego, en Californie, elle intègre le club des étudiants « radicaux » de l’université. En 1968, elle rejoint le Che Lumumba Club, une section du Parti communiste américain où militent beaucoup d’Afro-Américains. 

En septembre 1969, Angela Davis obtient un poste d’enseignante en philosophie à l’université de Californie. Elle est rapidement renvoyée en raison de son adhésion au Parti communiste. L’engagement politique d’Angela Davis et son activisme lui valent d’être surveillée par le FBI. L’Amérique conservatrice de l’après guerre froide est encore sous l’influence de la « peur rouge » et les idéaux révolutionnaires de la jeune professeure de philosophie dérangent. 

Une icône des luttes sociales aux portes de la peine de mort

L’affaire des « frères de Soledad »

En janvier 1970, trois prisonniers noirs sont accusés d’avoir tué un gardien dans la prison de Soledad en Californie. Selon leurs avocats, il n’y a aucune preuve contre les trois hommes. Ils sont ciblés en raison de leur couleur de peau et leur militantisme radical. L’un d’eux, George Jackson, a été accusé en 1960 à un an de prison, renouvelable, pour avoir volé 70 dollars dans une station service. Il n’a jamais été libéré. Angela Davis prend la tête du comité de soutien de ceux que l’on appelle désormais les « frères de Soledad ». Elle devient bientôt un symbole de la lutte pour la libération des prisonniers politiques.

Le 7 août 1970, Jonathan Jackson, le jeune frère de George Jackson et membre actif du comité de soutien aux « frères de Soledad », se rend au tribunal de Marin County en Californie. Il souhaite kidnapper le juge de la cour supérieure, Harold Haley, dans l’objectif de faire libérer son frère et les autres prisonniers. La prise d’otage tourne mal et fait quatre morts dont Jonathan Jackson et le juge. L’une des armes utilisées lie l’affaire à Angela Davis. 

Une femme à abattre sur la « Most wanted list » du FBI

Angela Davis se retrouve sur la liste des 10 personnes les plus recherchées du pays par le FBI. Convaincue par l’iniquité du système de justice, elle décide de fuir. Sa cavale dure 2 mois. Le 13 octobre 1970, elle est arrêtée dans un hôtel miteux de New York par une dizaine d’agents du FBI. Le 5 janvier 1971, elle est officiellement inculpée pour enlèvement, conspiration et meurtre par l’État de Californie. Elle risque la peine de mort.  

Angela Davis ne cesse de clamer son innocence. En août 1971, George Jackson est tué d’une balle dans le dos par un gardien lors d’une émeute dans sa prison de Soledad. La militante afro-américaine est certaine que le prisonnier est mort en raison de sa couleur de peau et qu’elle sera condamnée pour la même raison. Sa détention entraîne un mouvement de solidarité qui prend rapidement une ampleur internationale. 

Le mouvement international « Free Angela Davis »

L’opinion publique mondiale se range du côté de la prisonnière politique et un comité de soutien « Free Angela Davis » voit rapidement le jour. Elle devient, plus que jamais, un symbole de la lutte contre le système judiciaire et carcéral. De nombreuses personnalités lui manifestent leur soutien. Les Rolling Stones lui consacrent une chanson, Sweet Black Angel, John Lennon et Yoko Ono chantent Angela, Jacques Prévert lui écrit un poème et Jean-Paul Sartre lui envoie des lettres en prison. Des manifestations ont lieu partout dans le monde pour la libération de l’icône des luttes sociales. 

Face à cette mobilisation et à la pression de l’opinion publique, Angela Davis est libérée sous caution, 16 mois après son arrestation. Son procès, très médiatisé, a lieu le 4 mai 1972 face à un jury composé uniquement de blancs. Elle choisit deux avocats afro-américains pour sa défense et entre dans la salle d’audience le poing levé. Elle s’attèle à montrer les incohérences de l’accusation et pointe la dimension politique du procès. Le 4 juin 1972, le jury rend son verdict et déclare Angela Davis libre de tous les chefs d’accusation.

Une figure du féminisme entre Black Feminism et intersectionnalité des luttes

Son engagement dans les mouvements pour la libération des Noirs, à la fin des années 60, amènent Angela Davis à se questionner sur la place des femmes. Elle s’insurge contre le machisme des adhérents du Black Panthers Party et fustige la tendance de ses membres à vouloir se libérer du joug de l’homme blanc tout en reléguant la femme noire aux rôles subalternes. Elle se confronte au sexisme des leaders masculins qui se sentent attaqués dans leur virilité à l’idée qu’elle puisse prendre une place de meneuse. 

Angela Davis s’interroge sur l’émancipation de la femme noire. Elle pense que le féminisme est lié de manière intrinsèque au racisme en raison de son rapport à la violence. Selon elle, certaines personnes se trouvent à la croisée des oppressions. Pour se libérer, la femme noire doit lutter simultanément contre le sexisme, le racisme et l’oppression économique déterminée par sa classe sociale. C’est la notion d’intersectionnalité des luttes. Les enjeux spécifiques aux femmes de couleur sont très éloignés des revendication des féministes blanches. Angela Davis devient une figure du féminisme Noir, le Black Feminism.

 

L’intérêt d’Angela Davis pour la philosophie féministe, le Black Feminism et les luttes anti-racistes, la pousse à écrire plusieurs livres sur le sujet, dont son oeuvre majeure, Femmes, race et classe, paru en 1981. En 1994, elle devient directrice du département des études afro-américaines et féministes de l’université de Santa Cruz en Californie. Pour Angela Davis, la lutte n’est jamais terminée. Aujourd’hui encore, elle continue de se battre en faveur des minorités et contre toutes les formes d’oppressions. À l’heure où l’Amérique fait face à la violence policière et au Black Lives Matter, cette icône des luttes sociales nous donne toujours de grandes leçons d’humilité et de combativité

 

Séverine HEBERT pour Celles qui Osent

 

Sources :

https://ancrages.org/wp-content/uploads/2012/02/feminisme-noirleger.pdf

https://www.lefigaro.fr/histoire/2017/06/02/26001-20170602ARTFIG00270-cinq-choses-a-savoir-sur-la-pasionaria-angela-davis.php

https://www.contretemps.eu/angela-davis-feminisme-intersectionnel/

https://journals.openedition.org/chrhc/3344

https://www.cairn.info/revue-ballast-2014-1-page-30.htm

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