L’histoire de la chute de Rome fascine le monde. Le 4 septembre 476, jour de l’abdication du dernier empereur romain Romulus Augustule, l’Europe s’Ă©croule. Depuis, toutes les thĂ©ories possibles ont Ă©tĂ© envisagĂ©es, allant de l’empoisonnement par le plomb des canalisations, Ă la chute d’une civilisation dĂ©cadente. Tous les grands lettrĂ©s et intellectuels de leur temps ont cherchĂ© Ă fournir une explication Ă ce drame. Eduard Meyer, grand historien allemand du dĂ©but du 20e siècle, disait de cet Ă©vĂ©nement qu’il est « […] le plus important et le plus intĂ©ressant de l’histoire universelle. » DĂ©couvrez la chute de l’Empire romain racontĂ©e par Celles Qui Osent.
Le sac de Rome de 410 : l’Ă©vĂ©nement qui annonce la chute de l’Empire romain d’occident
« Plus l’herbe est drue, plus il est facile de la faucher. » Alaric Ier, roi des Wisigoths
Le plus grand empire qu’ait jamais connu le monde ne s’est pas Ă©teint du jour au lendemain, vous vous imaginez bien. InviolĂ©es depuis un peu plus de cinq siècles, ses frontières sont peu Ă peu grignotĂ©es par les barbares – comprendre ici les personnes extĂ©rieures et Ă©trangères Ă la civilisation romaine. Ces peuplades chevelues repoussent peu Ă peu les frontières d’un empire fragilisĂ© par sa taille gigantesque et sa gestion politique calamiteuse. Le limes de Germanie supĂ©rieure et de RhĂ©tie est rĂ©gulièrement attaquĂ©, et les avant-gardes romaines postĂ©es sur place tuĂ©es. Au mĂŞme titre que le mur d’Hadrien en Écosse, cette bordure situĂ©e grosso modo en Allemagne et en Autriche est davantage une barrière psychologique qu’une frontière vĂ©ritable. Dès le milieu du 3e siècle, le limes est dĂ©truit par les Alamans, un ensemble de tribus germaniques Ă©tablies le long de l’Elbe, frontière naturelle de l’Empire romain. BientĂ´t, la ville qui a dominĂ© le monde va tomber.
Car c’est bien de lĂ que le malheur va fondre sur l’Empire romain ! En 410 de notre ère, Alaric, roi des Wisigoths, saccage la Ville Ă©ternelle sans trouver aucune forme de rĂ©sistance. Pourquoi, me direz-vous ? Eh bien, d’une part, les empereurs d’Occident dĂ©cident dès 402 d’installer leur cour Ă Ravenne, dans le nord-est de l’Italie. Rome devient dès lors moins prioritaire Ă garder par les lĂ©gions romaines, qui ont par ailleurs fort Ă faire le long du limes. D’autre part, la population romaine aisĂ©e a dĂ©sertĂ© l’ancienne capitale, et vit retranchĂ©e dans ses propriĂ©tĂ©s quand elle n’a pas suivi la cour Ă Ravenne. Tout a Ă©tĂ© abandonnĂ© aux pauvres laissĂ©s sur place. Ces derniers vont paradoxalement s’enrichir en s’appropriant les biens oubliĂ©s par les riches familles. Cette aisance très opportune leur fait dĂ©velopper une forme d’apathie qui causera leur perte. C’est cette population grassouillette et mollassonne que va rencontrer Alaric Ier, roi des Wisigoths, en 410. Ce dernier est chrĂ©tien, comme la plupart des Romains en cette première moitiĂ© du 5e siècle. Cet Ă©pisode n’est qu’un avant-goĂ»t de la chute de l’Empire romain, dont vous devinez la pluralitĂ© des causes.
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L’oisivetĂ©, mère de tous les vices : la dĂ©cadence de l’Empire romain
Les Romains de la décadence du peintre Thomas Couture est une parfaite illustration des théories historico-sulfureuses qui ont nimbé de mystères orgiaques le crépuscule de l’Empire romain. Du temps où l’histoire antique était perçue comme une affaire de morale, l’imagination est allée bon train, surtout dans le très pudibond et victorien 19e siècle. Un puissant empire s’écroule ? Qu’à cela ne tienne, c’est certainement une conséquence de l’immoralité et des excès en tout genre de ses habitants ! Ce tableau, conservé au musée d’Orsay, met en scène un lendemain de fête où tout a été permis semble-t-il. Ces hommes et ces femmes repus, confus et hébétés, devinent peut-être malgré eux le mal qui va bientôt s’abattre sur eux. L’invasion des barbares est préfigurée par l’amoncellement de sombres nuages dans le ciel en arrière-plan.
« Luxuria incubuit, victumque ulciscitur orbem » (Le vice s’est abattu et venge l’univers vaincu.) Juvenal, fin du 1er, début du 2e siècle de notre ère.
Il a longtemps Ă©tĂ© admis que le goĂ»t des plaisirs enfante la paresse. Un peu comme les Fables de la Fontaine, le crĂ©puscule de la prĂ©Ă©minence romaine Ă©tait perçu comme une allĂ©gorie moralisatrice. Encore une fois, les choses ne sont pas si simples. De la dĂ©bauche ? Ce n’Ă©tait pas l’apanage des Romains, et les populations barbares qui entouraient l’Empire n’en Ă©taient pas exemptes. Cette thĂ©orie, qui a longtemps circulĂ©, n’est plus d’actualitĂ©. L’Histoire est tout sauf linĂ©aire, et il est facile de pĂ©cher par simplification. Passons maintenant aux Ă©tudes actuelles beaucoup moins fantasques.
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La chute de Rome : un déclin dû à plusieurs facteurs
Un effondrement démographique inexorable
En premier lieu, l’Empire romain connaĂ®t une baisse dĂ©mographique sans prĂ©cĂ©dent. Des siècles de guerres et de famines ont raison de la motivation des femmes Ă avoir des enfants. Seule la classe aisĂ©e continue de bĂ©nĂ©ficier de privilèges et d’exemptions fiscales, notamment les grands propriĂ©taires terriens. En second lieu, la population croule sous les impĂ´ts, surtout depuis que Rome a perdu l’Afrique lors de la prise de Carthage par GensĂ©ric, roi des Vandales, en 439. Le grenier Ă blĂ© perdu, il faut bien trouver un moyen pour remplir les caisses. Mais bientĂ´t, l’or manque, et les empereurs distribuent les territoires des bordures de l’Empire aux tribus barbares. L’armĂ©e romaine elle-mĂŞme devient Ă majoritĂ© Ă©trangère : Rome ne trouve plus de citoyens romains Ă engager, et 50 % de ses lĂ©gions sont composĂ©es d’Ă©trangers. L’effondrement dĂ©mographique et le dĂ©sengagement du plĂ©bĂ©ien tournĂ© vers l’incivisme et le matĂ©rialisme participent au dĂ©clin de l’Empire romain.
Les causes et les explications de cette déliquescence à en perdre la raison
Alexander Demandt, historien allemand et professeur d’histoire antique à l’université libre de Berlin, a dénombré pas moins de 210 explications dans un article paru en 1984. Le principal motif retenu est le rejet du modèle culturel romain, surtout après le sac de Rome de 410. Le second réside dans l’intégration massive et progressive des peuples béotiens au sein même de l’Empire. Sous le règne d’Attila, roi des Huns, les tribus barbares étaient plus ou moins maintenues sous sa sujétion. À sa mort en 453, cette maîtrise géostratégique et démographique va voler en éclats : ces peuplades se tournent alors vers le cœur de l’Empire pour se l’approprier.
Comme le dit le proverbe chinois :
« Le poisson pourrit toujours par la tête. »
Bien avant le 5e siècle, Rome avait, si je puis dire, donné le bâton pour se faire battre aux fils aînés des chefs de tribus des bordures du limes. Ces derniers avaient été enlevés à leur famille, leur pays, leurs coutumes pour en faire les futures têtes pensantes et agissantes de l’Empire romain. En favorisant les chefs barbares, la Ville éternelle les pousse à retourner dans leur pays d’origine et à constituer des royaumes vassaux de l’Empire sous législation romaine. Ils seront les premiers à prendre leur revanche.
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La fin d’un empire, prĂ©mices d’un monde nouveau
De plus en plus, les historiens et les historiens de l’art parlent de Bas-Empire ou d’AntiquitĂ© tardive en Ă©voquant cette pĂ©riode. Au-delĂ de la fracture rĂ©elle avec la civilisation romaine, le modèle culturel va se renouveler, notamment sous l’Empire carolingien dès le dĂ©but du 9e siècle. Le souvenir de l’Empire romain est surtout ravivĂ© par la mise au grand jour de la Domus aurea de l’empereur NĂ©ron Ă la fin du 15e siècle, sur les pentes de l’Oppius Ă Rome. Cette dĂ©couverte va Ă©veiller un dĂ©sir de retour Ă cette ère fastueuse et grandiose. Elle va aussi avoir une grande influence sur l’architecture, les arts en gĂ©nĂ©ral, et la vision gĂ©ostratĂ©gique de l’Europe. Mais ça, c’est une autre histoire !
Il est difficile encore aujourd’hui de distinguer les causes internes et externes qui ont causĂ© la chute de Rome. Ce qui est sĂ»r, c’est que le modèle civilisationnel romain n’existe plus et est mĂŞme oubliĂ© jusqu’Ă cette fameuse dĂ©couverte de la « Maison d’or » de l’empereur NĂ©ron au 15e siècle.
Celles qui osent vient de vous faire voyager dans le temps en vous racontant la chute de l’Empire romain. Au final, que retenez-vous de ce rĂ©cit ? Quelle explication au dĂ©clin de Rome prĂ©fĂ©rez-vous ? Si vous avez aimĂ©, n’hĂ©sitez pas Ă partager !
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Anne-Olivia Cascalès, pour Celles qui osent.
Article rédigé lors du cursus de formation en rédaction web chez FRW.
Sources :
Montesquieu : Considérations sur les causes de la grandeur des Romains et de leur décadence, 1734
Edward Gibbon : Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain, 1776
https://www.persee.fr/doc/rebyz_0766-5598_1985_num_43_1_2179_t1_0285_0000_2
https://www.cairn.info/le-feminisme–9782130562023-page-27.htm
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