Qui sont les femmes entrées au Panthéon ?

Aux grands hommes, la patrie reconnaissante ? Et les femmes dans tout ça ? Jusqu’à présent, elles étaient cinq à reposer au Panthéon, mausolée de la nation française, contre 75 hommes. Depuis le 30 novembre 2021, ce sont désormais six femmes qui y sont inhumées. Joséphine Baker, actrice, chanteuse, danseuse, résistante, icône des années 1920, vient d’y faire son entrée. L’occasion pour Celles qui Osent de revenir sur les femmes panthéonisées.

« Aux grandes femmes, la matrie reconnaissante »

En 2018, le collectif les MonumentalEs qui regroupe des architectes, sociologues, paysagistes, urbanistes, a été chargé d’un projet de réhabilitation de la place du Panthéon. Le nom d’environ 200 femmes « fières, puissantes, et de tous les jours » a été gravé sur des bancs installés en face du monument historique, venant remplacer un parking. Monique Witting, Sylvia Plath, Virginia Woolf… Elles sont artistes, penseuses, écrivaines, activistes et ont investi l’espace public d’un quartier fortement symbolique de Paris (le Ve arrondissement). Selon Chrise Blache, anthropologue et membre du collectif interviewée par Libération :

« Symboliquement, il était important de travailler sur l’extérieur : les femmes ont trop longtemps été cantonnées à l’intérieur. »

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L’entrée de femmes au Panthéon nous force à revoir notre vocabulaire, tout entier tourné vers l’association du concept d’humanité à celui du masculin. Cela nous oblige également à étudier l’idéal de héros de la nation sous un autre angle, davantage égalitaire. Dans son livre En finir avec l’homme : chronique d’une imposture, l’historienne de la littérature Éliane Viennot écrit :

« Les appellations au masculin empêchent de se projeter dans une société égalitaire, et de prendre conscience du chemin à parcourir. »

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1907 : Sophie Berthelot, première femme panthéonisée

Elle y est entrée en 1907… en sa qualité d’épouse de Marcellin Berthelot, le grand chimiste du XIXe siècle. Celui-ci avait en effet expressément demandé à être enterré aux côtés de sa femme, et refusait d’être inhumé au Panthéon si elle ne s’y trouvait pas. Sophie est décédée quelques heures seulement avant son mari qui, selon leurs enfants, est mort de chagrin suite à la disparition de sa femme.

Sophie Berthelot devient ainsi la première femme à entrer au Panthéon, et Aristide Briand, alors ministre de l’Instruction publique, prononcera les mots suivants lors de son enterrement :

« Mme Berthelot avait toutes les qualités rares qui permettent à une femme belle, gracieuse, douce, aimable et cultivée d’être associée aux préoccupations, aux rêves et aux travaux d’un homme de génie. Elle vécut avec Berthelot dans une communauté de sentiments et de pensées qui les groupa en un couple parfait où n’auraient tressailli qu’un même cœur et brillé qu’un seul esprit. »

1995 : Marie Curie est transférée au Panthéon

Il faudra attendre presque 90 ans pour qu’une nouvelle femme franchisse les portes sacrées ! C’est François Mitterrand qui décide, en sa qualité de Président de la République française, d’y transférer les corps de Pierre et Marie Curie. Rappelons que Marie Curie est la première femme à avoir reçu un prix Nobel, et la seule femme à en avoir reçu deux, dans des domaines distincts (physique en 1903 et chimie en 1911).

2015 : deux femmes entrent au Panthéon, Geneviève de Gaulle-Anthonioz et Germaine Tillion

Geneviève de Gaulle-Anthonioz et Germaine Tillion furent toutes deux de grandes résistantes durant la Seconde Guerre mondiale.

Geneviève était la nièce du Général de Gaulle. En raison de ses activités au sein de la résistance, elle fut arrêtée en 1944 par la Gestapo, puis déportée au camp de concentration de Ravensbrück d’où elle fut finalement libérée en avril 1945. Après la guerre, Geneviève de Gaulle-Anthonioz dédia sa vie à la lutte en faveur des droits de l’homme et contre la pauvreté à travers son engagement dans diverses organisations. Elle décéda en 2002. Un peu de terre de son cercueil fut transférée au Panthéon treize ans plus tard, sa famille ayant refusé de retirer son corps du caveau familial.

Germaine Tillion était quant à elle une anthropologue française spécialiste de l’Afrique née en 1907, résistante également, et connue pour avoir protégé des familles juives lors de la Seconde Guerre mondiale. Elle fut incarcérée à la prison de Fresnes en 1942 en raison de ses activités dans la résistance, puis déportée elle aussi à Ravensbrück. Après la guerre, elle intègrera le CNRS où elle travaillera sur les crimes nazis, puis sur la guerre d’Algérie. Elle entrera dans le sanctuaire au même moment que sa consœur résistante Geneviève de Gaulle-Anthonioz.

2018-2021 : Simone Veil et Joséphine Baker les deux dernières femmes panthéonisées

L’avant-dernière femme à être entrée dans le temple de la République française est la très célèbre Simone Veil. Survivante des camps de la mort (elle a été déportée à Auschwitz à seize ans), ministre ayant légalisé l’avortement en 1975, députée européenne… Dès le jour de sa mort, le 30 juin 2017, une pétition signée par des milliers de Françaises et Français circulait sur Internet, demandant sa panthéonisation. Simone Veil a été inhumée au Panthéon aux côtés de son mari, Antoine Veil, auprès duquel elle souhaitait être enterrée.

C’est à présent au tour de Joséphine Baker de faire son entrée au Panthéon. La grande dame y est transférée un 30 novembre, jour anniversaire de sa naturalisation française, obtenue grâce à son troisième mariage. Si elle a été fétichisée par les années 1920 en tant que première icône noire, elle fut aussi résistante, activiste bisexuelle en faveur des droits civiques et en lutte contre toutes les formes de discrimination. À l’heure où la question de l’immigration gangrène tout le débat politico-médiatique et à l’approche des présidentielles de 2022, la panthéonisation de Joséphine Baker intervient comme un symbole de diversité.

☕️ En savoir plus sur l’incroyable vie de la toute dernière femme entrée au Panthéon ? Lisez la biographie de Joséphine Baker.

Victoria Lavelle pour Celles qui Osent

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