Biographie de Naziq al Abid, révolutionnaire et féministe

Première femme générale de l’armée syrienne et militante féministe, Naziq al Abid est une figure incontournable de la lutte pour les droits des femmes dans le monde arabe. Cette jeune fille de bonne famille, à la détermination sans faille, s’est éveillée très tôt contre les inégalités. Elle prend position pour le droit de vote en faveur des femmes et lutte ardemment pour l’indépendance de son pays. Découvrez la biographie de Naziq al Abid, la « Jeanne d’Arc du Levant », une vie faite d’exil et d’engagement en faveur des opprimés.

Biographie de Naziq al Abid, une bourgeoise de bonne famille devenue militante

Une petite fille qui s’éveille contre les injustices

C’est à Damas, capitale de la Syrie, que Naziq al Abid voit le jour en 1898. Naziq, dont le prénom signifie « douce et courtoise », grandit dans une riche famille d’origine kurde. Son père fait partie de la cour du Sultan et il est le gouverneur de Mossoul.

Ils mènent une vie aisée et la petite Naziq reçoit une éducation de qualité. Très jeune, elle apprend le piano et la danse et elle maîtrise plusieurs langues étrangères. Tout est mis en place afin de faire d’elle une aristocrate accomplie qui servira les valeurs du régime ottoman.

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Mais un sens de la justice aigu germe en elle et vient bouleverser une destinée toute tracée. Elle prend conscience des inégalités qui règnent dans son pays, et elle ne le supporte pas. La vie de Naziq al Abid est jalonnée de prises de position affirmées. Elle exige de manger à la même table que les domestiques et demande à travailler aux champs. Elle troque ses vêtements et ses atours de riche jeune fille pour une tenue simple et confortable.

Une étudiante qui découvre le militantisme

Naziq al Abid part en Turquie afin d’étudier l’agriculture à la Women’s College d’Istanbul. Là-bas, elle constate que le traitement réservé aux étudiantes d’origine arabe n’est pas le même que celui des étudiantes turques. Elle décide de fédérer un petit groupe de personnes révoltées contre ces discriminations. Ensemble, elles manifestent et tentent d’éveiller les consciences.

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Ces revendications ne sont pas du goût de l’université qui l’accueille et elle est renvoyée en Syrie. Son entourage se rend bien compte que Naziq ne se pliera pas aux injonctions sociales et familiales. Surnommée « La Rebelle », elle se fait  connaître pour ses prises de position étonnantes pour une jeune fille de bonne famille de cette époque.

Une vie marquée par l’exil et la lutte pour l’indépendance

Contre l’Empire ottoman, elle écrit pour résister

Le rejet de l’Empire ottoman est arrivé très vite dans le parcours de Naziq al Abid. À son retour d’Istanbul, elle rédige des articles dans la presse locale de Damas. Dans ses écrits, elle s’insurge contre le fait que le pouvoir en place privilégie les Ottomans dans l’accès aux postes les plus importants. Ses articles paraissent sous un pseudonyme masculin. À l’époque, une femme (qui plus est aussi jeune) n’est pas autorisée à rédiger pour un journal ou une revue.

Elle rassemble d’autres jeunes filles autour de la même cause et elles créent ensemble un groupe de lutte pour les droits des femmes en Syrie. Le gouverneur ottoman de Damas ne cautionne pas ce frémissement de révolte et l’envoie en exil en Égypte, avec toute sa famille. Ce n’est que lorsque la Première Guerre mondiale met fin à la domination de l’Empire ottoman que Naziq et sa famille ont le droit de regagner leur pays.

Contre l’occupation française, elle est la Jeanne d’Arc du Levant

Mais la jeune femme n’en a pas fini avec la lutte contre les inégalités. La Syrie sort de 400 ans de domination ottomane et elle est très convoitée par de grandes puissances telles que les États-Unis, mais aussi la France. Le pays est occupé par les troupes françaises. En 1920, les nationalistes syriens proclament l’indépendance du pays, alors que de l’autre côté la pression militaire internationale place la Syrie sous mandat français.

Le roi Fayçal cède, mais le ministre de la Défense lance un appel à la résistance. Le conflit éclate et Naziq n’hésite pas une seconde à prendre les armes contre l’envahisseur. Elle devient une véritable icône et porte fièrement l’uniforme militaire face aux objectifs des journalistes du monde entier qui ne tardent pas à la surnommer la « Jeanne d’Arc du Levant ».

Elle participe à la fameuse bataille de Mayssaloun, et sera une des seules survivantes. Naziq devient la première femme générale de l’armée syrienne. Au total, le pouvoir français l’enverra trois fois en exil, en Turquie, en Jordanie et au Liban. Quel que soit le pays où elle est envoyée, elle n’aura de cesse de poursuivre ses actions et elle reviendra dans son pays toujours plus déterminée.

Naziq al Abid, une vie dédiée aux droits des femmes

Naziq al Abid, la suffragette du monde arabe

Dès 1919, alors qu’elle et sa famille rentrent de leur premier exil à Istanbul, la jeune femme décide de militer pour le droit de vote pour les femmes. Elle fonde Nour al-Fayha, la lumière de Damas, la première ONG de femmes dans son pays.

En 1920, en pleine révolte contre l’occupant français, elle fonde le Croissant-Rouge syrien, une organisation qui vient en aide aux blessés de guerre.

En 1922, elle crée « L’Union des femmes ». Elle est accompagnée par deux autres militantes féministes libanaises. Leur intention de départ est de nature sociale, mais l’organisation finit par prendre une ampleur politique, ce qui n’est pas pour plaire au régime en place. Elles militent pour le droit des femmes à accéder à l’éducation et à prendre place dans l’espace public. Elles font également entendre leur voix en faveur des prisonniers, des malades et des personnes âgées.

Un couple uni autour d’un même engagement

En 1927, exilée une fois de plus, elle s’installe au Liban. Elle y retrouve Muhammad Jamil Bayhum, un homme politique syrien qui a été d’un grand soutien lorsqu’elle militait pour le droit de vote des femmes quelques années plus tôt. Ils se marient et Muhammad Jamil Bayhum devient un soutien indéfectible pour Naziq. Il admire ses combats intellectuels et ses engagements et elle sait la chance qu’elle a d’avoir un époux si compréhensif et bienveillant.

Il finance ses projets et lui permet de publier des auteures féministes. C’est à ses côtés qu’elle fonde l’association des travailleuses du Liban en 1935, une organisation pour l’égalité des femmes au travail et l’institution du congé maternité. Pendant la guerre israélo-arabe de 1948, elle vient en aide aux réfugiés palestiniens et finance la construction d’un hôpital pour enfants. Ensemble, le couple adopte trois petites filles.

Naziq al Abid était destinée à mener une vie calme et fastueuse. Pourtant, elle a choisi de porter la voix du peuple. Son combat pour le droit des femmes et sa détermination à éradiquer les inégalités et l’injustice ont fait d’elle une des figures marquantes du féminisme et du nationalisme dans le monde arabe. Son parcours hors du commun, retracé en bulles et en dessins par la talentueuse Pénélope Bagieu dans le tome 2 de Culottées, en fait une figure incontournable du féminisme engagé. Lorsqu’elle décède, à l’âge de 61 ans, les intellectuels et les écrivains de tout le pays sont présents pour rendre un dernier hommage à cette militante infatigable qui a mis son existence au service des opprimés.

Anissa Bensmaïn pour Celles qui Osent.

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