Portrait de Keny Arkana, la voix de la rue

Keny Arkana, de son vrai nom Onora Dafor, naît le 21 décembre 1982 à Boulogne Billancourt d’un père argentin et d’une mère française. C’est dans les rues de Marseille qu’elle trouve sa place et se fait un nom dans la musique urbaine. La biographie de Keny Arkana, cette femme audacieuse et courageuse va vous transporter dans son univers musical unique. Découvrez la vie et l’actualité de la rappeuse marseillaise qui ose.

Keny Arkana : biographie d’une écorchée vive dès l’enfance

Keny Arkana biographie d'une rappeuse engagee

La chanteuse vit une enfance compliquée et mouvementée. Entre son père qu’elle n’a pas connu et sa mère réduite à enchaîner les petits boulots pour subvenir à leurs besoins, les problèmes familiaux et les ennuis s’accumulent. En rupture avec le monde qui l’entoure, la jeune fille commet bêtises et fugues qui la conduiront de foyer en foyer. Elle garde des traumatismes de cette époque et dénonce d’ailleurs avec virulence la gestion des hébergements de l’aide sociale à l’enfance dans le titre évocateur Eh connard ! dans lequel elle s’adresse à l’un de ses anciens directeurs. Elle commence à rapper dès ses quatorze ans, inspirée par la dureté de son environnement et portée par le contexte musical prolifique de l’époque. À l’école de la rue, ses enseignants sont des rappeurs connus comme Assassin ou NTM.

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Une ascension sans concession dans le monde du RAP

Les débuts de la rappeuse

Les années 90 voient émerger de nombreux rappeurs de talents et particulièrement à Marseille, la ville où Keny vit désormais. Entre I AM, la Fonky Family et les Psy 4 de la Rime pour les plus renommés, la cité phocéenne connaît l’âge d’or du RAP français. La jeune rappeuse suit les pas de ses aînés et écrit des textes incisifs et percutants. Un petit bout de femme qui n’a peur de rien ni de personne, culottée et déterminée. Elle choisit son nom de scène « Arkana », apposé à son surnom, en référence à la magicienne de la série Les mondes engloutis. Keny Arkana adhère à un collectif underground nommé État-Major, qui lui permet d’acquérir une notoriété régionale.

L’envol de l’artiste

En 2004, sa carrière décolle à l’échelle nationale. Elle fait la première partie du rappeur Sinik devant un public parisien qui découvre son titre Le Missile est lancé. Elle fonde également son collectif La Rabia del Pueblo, littéralement La Rage du Peuple en français, à Noailles, quartier populaire du centre-ville marseillais. En 2005, elle sort enfin sa première mixtape L’Esquisse, suivie de son premier album en 2006, Entre ciment et belle étoile. On y trouve des titres variés : coup de poing comme La Rage, une introspection très personnelle dans Le Fardeau et même un rap proche du slam dans Clouée au sol. Mais Keny supporte mal la notoriété et a besoin de s’évader.

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La rappeuse marseillaise : une personnalité aux multiples facettes

La baroudeuse

La rappeuse est une adepte des voyages et une véritable aventurière. Simple, naturelle et entière, Keny ressent le besoin, à chaque étape importante de sa carrière, de partir se ressourcer avec son sac à dos dans des contrées lointaines. Elle fuit le chahut de la civilisation pour revenir chaque fois plus forte et plus inspirée. Sur les traces de ses origines latino-américaines, elle a vécu une partie de sa vie en Amérique du Sud et notamment au Chiapas. En effet, invitée par une communauté zapatiste pour trois semaines, elle est finalement restée un an dans cette région pauvre du sud du Mexique. Elle a partagé avec les Indiens le goût d’une existence authentique et sensée, à l’opposé du monde moderne artificiel qu’elle dénonce.

La secrète

Impossible de connaître la vie privée de la rappeuse. Contrairement à beaucoup d’artistes qui étalent leurs relations amoureuses, elle cultive son jardin secret. On ne sait si Keny Arkana est en couple ou mariée ni si elle a des enfants. Elle cache ses amours comme elle cache ses cheveux sous un foulard barré d’un bandeau estampillé « La Rabia del Pueblo ». Avec ses allures de pirate des temps modernes, Keny Arkana entretient le mystère. Elle ne dévoile ni ses convictions religieuses ni politiques, et se revendique électron libre dans la vie comme dans la musique.

La militante

La voix du peuple

« Appelle-moi la Marseillaise, plus révolutionnaire que ton chant sanguinaire ».

Cette phrase, extraite de son premier album, donne un bon aperçu du personnage. Révolutionnaire, antisystème, anticonformiste, comme son homologue Megan Rapinoe dans le football, Keny Arkana se dresse de tout son talent contre les inégalités et ce qu’elle considère être des atteintes à la liberté. La chanteuse se définit elle-même non comme une rappeuse, mais plutôt « une contestataire qui fait du rap ». Engagée en faveur des sans-papiers et dans les combats populaires de chaque temps (manifestations anti-CPE, antivaccins), elle est le porte-voix des oubliés de la société. Sa musique est une forme de résistance à un système qui, selon elle, broie les faibles et ceux qui ne veulent pas rentrer dans les cases.

« On tombe dans l’obscurantisme à force de peur et de haine, des médias qui jouent avec les émotions des gens. On a tous à apprendre de l’autre. Nous sommes une même humanité et on vit tous sur une seule et même planète. Certes, les frontières nous divisent, mais toutes ces cultures, ces religions, ce sont des richesses. Heureusement que nous ne sommes pas des petits robots identiques les uns aux autres. On a tous nos singularités, nos différences. Je pense que c’est le moment de creuser en nous et de faire jaillir l’humain. Faut-il que l’on soit devenus aveugles et sourds pour ne pas se rendre compte que finalement on est les mêmes ! » Keny Arkana, dans une interview accordée à l’Humanité en 2016

L’engagement altermondialiste

Appelant à la désobéissance civile et plaidant pour un monde plus juste, Keny Arkana se produit dans des ZAD dont celle de Notre-Dame-des-Landes et chante en première partie de Manu Chao. Elle assume ses penchants altermondialiste et anarchiste, et sort, en 2008, le titre Désobéissance. Suivront L’Esquisse 2 en 2011, l’album Tout tourne autour du soleil en 2012, État d’urgence en 2016 et L’Esquisse 3 en 2017. Ironie du sort : deux de ses chansons dont l’une intitulée Nettoyage au karcher en référence aux propos de Nicolas Sarkozy, ont été détournées par l’extrême droite à des fins électorales. Évidemment, Keny ne s’est pas laissée faire et a attaqué le parti en justice. L’artiste livre des combats, mais attention : elle n’accepte aucune étiquette, pas plus celle de rappeuse que de militante politique. Elle se veut résolument libre et inclassable.

Actualité de Keny Arkana : son retour avant l’exode

En 2021, Keny revient avec un album qui colle avec l’actualité plus que jamais : Avant l’exode. Mettant en scène les quartiers populaires du centre de Marseille, comme à son habitude elle nous livre un hymne à la solidarité et à la résilience avec Mon frère. Puis elle retrouve sa fougue et sa violence pour dénoncer la gestion de crise sanitaire de la covid-19 dans Violence masquée. Pour l’artiste, pas question de se laisser dicter sa conduite par le pass sanitaire ni imposer la vaccination. Elle déclare : « Je n’ai pas confiance en votre monde malsain » et prévient qu’elle quittera définitivement la France pour des raisons politiques. La biographie de Keny Arkana n’a pas fini de nous surprendre et le meilleur reste sûrement à écrire !

 

La vie de la rappeuse marseillaise ressemble à sa musique : authentique, violente et tendre à la fois. Elle utilise le hip-hop comme moyen d’expression de ses idées, loin du rap « variété » vidé de son message qui existe aujourd’hui. Fidèle à la fonction originelle de cette musique contestataire, Keny Arkana ne transige pas avec ses valeurs. Elle a su transformer les épreuves de son histoire personnelle en force et mettre sa rage en chanson. La chanteuse ne calcule rien, elle agit « à l’instinct ». Ses pérégrinations lui donnent une vision humaniste et universaliste. Derrière la colère de sa voix et de ses mots, elle propose un univers alternatif porteur d’espoir, solidaire et proche de la nature. Comme Anna Marly et Cécilia Mangini, elle a su œuvrer à travers son art. Celle qui a connu la rue à neuf ans et les violences policières à treize n’a pas fini de livrer ses vérités pour le plus grand bonheur des amoureux du rap.

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Émilie Belafkih, pour Celles qui Osent.
Article rédigé lors du cursus de formation en rédaction web chez FRW.

Sources :

https://www.leparisien.fr/culture-loisirs/le-choc-keny-arkana-13-01-2007-2007676179.php
https://www.metalorgie.com/groupe/Keny-Arkana
https://www.humanite.fr/keny-arkana-besoin-damour-pour-soigner-les-peurs-610442

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