Développement personnel : pour ou contre ?

Vous étiez prise dans le refrain d’une chanson que vous adorez quand tout à coup, une fenêtre de pub s’ouvre, avec un volume sonore démesurément énervant. Un nouveau coach de vie inconnu au bataillon vous propose d’apprendre à méditer en moins de 6 séances GRATUITEMENT. Seulement maintenant, vous êtes tendue comme une arbalète et votre méditation, ce serait de fermer définitivement le clapet à la pub. Ce n’est pas comme ça que ça va se passer. Au cours de votre soirée, vous verrez défiler à échéances régulières des propositions de gourous pour apprendre à vivre mieux, devenir la meilleure version de vous-même ou enfin vous épanouir. Mais vous n’avez rien demandé ! Personne ne peut vous laisser en paix avec votre musique ? Bref, le développement personnel aujourd’hui, ça ressemble parfois à une succession de stimulus agaçants quand il n’y a pas tout simplement des dérives. Ne soyons pas mauvaises langues et critiques. C’est vrai que dans le lot, il y a des formations et des coachs qui font envie. Certains chefs d’entreprise y ont même eu recours pour booster leur mindset et ça leur a plus que réussi. Alors, Celles qui Osent se lance dans une question très actuelle : le développement personnel, pour ou contre ?

Pour le développement personnel ! Il faut se changer soi avant de changer la société

En Norvège et dans les pays scandinaves, le développement personnel est ancré dans la culture depuis longtemps et ce sont les pays où on enregistre le plus d’avancées sociales, le taux de stress le plus bas et la plus grande qualité de vie. Dès la petite section, les élèves apprennent à gérer leurs émotions et à communiquer avec leurs camarades pour exprimer ce qu’ils ressentent sans endommager l’intégrité morale des autres. On considère donc que l’épanouissement social passe par un épanouissement personnel et relationnel, ce qui se défend complètement.

Soigner ses blessures intérieures

Certains philosophes s’engagent pour transposer ce modèle aux écoles françaises et à la société tout entière. C’est le cas par exemple de Thomas d’Ansembourg, l’auteur de Du Je au Nous, qui entend faire de l’art de la communication une culture. Dans une interview pour le magazine Kaizen portant sur la démocratie, il explique que pour lui, la corruption, la manipulation et la domination en société découlent toujours de blessures individuelles qui n’ont pas été soignées. La paix en revanche doit être la continuité d’une confiance intérieure d’où émane l’empathie, la stabilité et la générosité. Le travail pour une société plus égalitaire et des relations apaisées commence donc par soi. Dans cette veine, le développement personnel pour Thomas d’Ansembourg n’est rien d’autre qu’une hygiène sociale, qu’il faut tenir à jour dans sa propre vie. Si on devait résumer cette idée plus familièrement, on dirait « Avant de regarder la paille qu’il y a dans l’œil du voisin, il faut d’abord voir la poutre qu’il y a dans le sien ! ».

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Se construire avec et pas contre les autres

L’écrivaine Nancy Huston, qui participe beaucoup aux évènements sur la non-violence, explique son point de vue à l’occasion d’une interview sur France Inter. Pour elle, l’histoire des guerres tient au fait que nous nous construisons toujours contre quelqu’un, une communauté ou un avis. Quand nous ne sommes pas d’accord, nous instaurons systématiquement un rapport de tension avec notre interlocuteur et nous avons tendance à exacerber les défauts de son propos, pour avoir raison, au lieu de comprendre. Quel dommage ! Ce type de débat stérile dérive souvent sur de l’ad hominem et chaque partie se renforce dans ses idées, au point de devenir extrême. En politique ? Les principaux conflits ne sont que la continuité de discussions qui n’aboutissent pas à une écoute mutuelle, mais à un rapport de force. Si on y pense, la guerre n’est-elle pas l’exacerbation de ce raisonnement ? Un pays est en désaccord avec un autre et pour trancher la question, on sort les canons.

Ne pourrait-on pas trouver des compromis et développer des rapports d’inclusion, en synergie les uns avec les autres ? Ce qui nous importe n’est pas en effet de nourrir son petit égo pour avoir raison, mais de discuter pour aboutir à une solution qui nous convient. Dans certains habitats participatifs, on a mis en place le vote à l’unanimité, ce qui est une manière de prendre les décisions en respectant les idées de chaque personne. Le principe ? Si quelqu’un n’est pas d’accord avec le vote à la majorité, on met la prise de décision en suspens. Les autres membres doivent réformer leurs solutions jusqu’à ce que tout le monde y trouve son compte. Si on n’y arrive pas, le sujet est abandonné. Curieusement, cette manière de fonctionner n’est absolument pas bloquante comme on pourrait le croire ! Elle aboutit même à de bons résultats et les décisions avancent ! On peut en effet partir du principe que si une idée est importante pour quelqu’un, c’est qu’on doit nécessairement la prendre en considération.

Lien vers des formations en écriture digitale

Le développement personnel de cette manière, on est pour !

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Pour ! Coachs et psys permettent de bénéficier d’un soutien moral et d’avancer dans sa vie

Le développement personnel, c’est comme le coaching sportif. On peut avoir besoin d’un œil extérieur pour bénéficier d’une analyse détaillée sur nos actions. Comme les bons conseilleurs, même bien intentionnés, sont souvent les mauvais payeurs, il est déconseillé de faire une confiance à son entourage pour régler nos problèmes perso. La YouTubeuse de la chaîne « La Carologie » prévient d’ailleurs que ses bavardages sont « un partage d’expérience » et qu’en aucun cas elle ne se revendique thérapeute. Cette honnêteté est bien rare aujourd’hui et mérite d’être soulignée. Qu’il s’agisse en effet d’un psychologue ou d’un coach de vie, il faut que le thérapeute soit neutre et réellement professionnel pour aider. À la condition que les coachs de vie soient compétents pour traiter des cas psychologiques complexes (ou du moins, ne pas faire plus de dégâts), tout roule ! Le problème, c’est que c’est loin d’être toujours le cas…

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Contre ! Devenir meilleur, c’est un dogme qui peut virer malsain

Devenir leader, winner, avoir la positive attitude, agir en fonction de l’amour et non pas de la peur… On ne sait pas vous, mais l’appel à la perfection constante, ça nous donne un sacré mal de crâne ! Car ce qui fait la beauté de l’humanité, c’est le contraste, les petits couacs tâtonnants qui peuvent aboutir à de belles surprises. Une manière d’être magnifiquement imparfaite, à des années-lumière des recettes toutes faites. Ces routines téléguidées qui noient la spontanéité, assorties à des manières de communiquer aseptisées, est-ce vraiment un bon point ?

On peut d’ailleurs se demander ce que deviennent les loosers ou les « personnes toxiques » dans un monde où seuls les leaders et les winners ont de la visibilité. Doit-on les euthanasier comme dans les films futuristes ? Si tout le monde est invité à une constante croissance de son personnel dans ce monde où les ressources sont à l’agonie, plus personne ne sera gagnant à la fin !

À l’heure actuelle, même la méditation et le dénuement sont monétisés, ce qui est un comble. Là où les religions monothéistes étaient un lien entre les membres d’un même canton, le développement personnel ressemble à une nouvelle secte mondaine, qui accélère la destruction des valeurs. Au XXe siècle, après la messe, dans les villages, on allait aux champs s’entraider entre voisins. Aujourd’hui, on rejoint des communautés virtuelles derrière nos écrans, qui nous enseignent comment sortir du lot de manière spectaculaire. Jésus qui avait demandé à ce qu’on chasse les marchands du temple aurait été un peu déçu que la spiritualité se monétise… Une célèbre carte postale de Voutch montre un moine en haut d’une montagne et un fidèle qui formule ce souhait « Je veux accéder à l’humilité. Je veux même devenir le numéro 1 mondial de l’humilité ! » À peine caricatural, n’est-ce pas ?

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© Voutch

Contre ! Savoir identifier les dérives et les gourous du développement personnel

On va faire du féminisme pur et dur, mais c’est irrésistible. Avez-vous remarqué que la figure archétypale du coach en développement personnel, c’est un homme, blanc, qui a un compte en banque à faire frémir le Dalaï-Lama (de qui il se revendique) et qui explique à une assemblée de femmes quinquas désespérées comment se passer de confort matériel ?

La conception de l’argent de certains coachs peut poser problème, ou en tout cas engager des débats légitimes. Le principe pour eux, c’est que les prix sont une affaire de perception et qu’ils sont une énergie censée représenter l’engagement et la motivation. Il y a du vrai là dedans, c’est indéniable. Mais toute proportion gardée. Car, ceux qui sont dans la misère le sont-ils parce qu’ils manquent de motivation, ou parce que la richesse est monopolisée ailleurs ?

Comment se fait-il que pendant que certains jouent avec l’argent, d’autres puissent en avoir besoin pour manger ? Pire, comment un « appreneur de comment vivre » peut-il ignorer que pour bien vivre, il faut avant tout partager ? N’était-ce pas Voltaire dans sa maison hospitalière de Ferney, qui affirmait ne pouvoir être heureux en sachant que des milliers de miséreux mourraient dans l’anonymat ? Ça avait tout de même une tout autre allure que ces grands colloques entre huiles, dont le principe est de s’entre-caresser dans le sens du poil. Certes, la monnaie se crée à chaque seconde dans le monde et ce n’est pas une affaire de vases communicants. Mais, l’immense majorité des gens vivent cette dure réalité qui consiste à penser, très basiquement, que si quelqu’un a un surplus indécent, c’est au détriment d’un autre, qui manque. Étant donné que les ressources sont limitées, si quelques milliardaires ont de quoi s’acheter plusieurs fois le monde, on ne risque pas de retrouver de sitôt la mesure où le soin de notre environnement…

Enfin, ce qui nous gêne, c’est le développement personnel qui vire en culte de la personnalité, en égobésité. On peut bien sûr se dire que si un coach a un immense succès, c’est qu’il a su se faire un nom auprès d’un public satisfait et que c’est gage de qualité. Attention toutefois aux bons communicants qui égarent leurs bonnes intentions sur le chemin de la notoriété. Il serait dommage de prendre un coaching avec un ponte, non pas parce qu’il peut nous aider à avancer, mais parce qu’il est célèbre.

Merci d’être arrivée à la fin de cet article critique sur le développement personnel, chère lectrice. Nous n’y sommes pas allées de main morte, mais Celles qui Osent s’est donné pour objectif d’être honnête avec vous. La mode du développement personnel, on est pour si c’est éthique, honnête et efficace. Si l’objectif, c’est de décupler son égoïsme sans complexe pour réussir matériellement, l’affaire sera classée sans suite. Nous espérons que vous avez apprécié ce contenu et que consciente de vos besoins, vous ne vous laisserez pas avoir par un charlatan. Si en revanche vous connaissez un(e) super coach de vie qui vous a aidé, parlez-nous-en !

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Charlotte Allinieu, journaliste web pour Celles qui Osent

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