Traumatismes gynécologiques et obstétricaux : levons le voile sur ce tabou médical

« Ne vous plaignez pas, toutes les femmes ont des douleurs pendant leurs règles. » « Mais, vous êtes un peu jeune pour prendre la pilule. » « La nature est bien faite, vous en ferez un autre. » Ces réflexions qui sont pourtant dures, je les ai entendues à plusieurs reprises en discutant avec des amies. Elles ne sont pas avouées facilement, comme si elles étaient honteuses. Comme si, les femmes devaient intérioriser ces maltraitances médicales faites à leur corps, à leur esprit et à toute leur féminité. Je dois être honnête, j’ai sans doute été victime moi-même de ces traumatismes gynécologiques, sans clairement les identifier. Alors, en creusant le sujet, j’ai mis un mot sur ces maux : les violences gynécologiques. Le terme est fort, mais criant de vérité. Pour Celles qui Osent, je lève le voile sur ces violences silencieuses, réel fléau médical.

Violences gynécologiques : des actes sexistes qui méprisent la santé des femmes

Absence de consentement, paternalisme, condescendance… C’est en 2014, sous le hashtag #PayeTonUtérus, que des dizaines de femmes ont dévoilé les maltraitances médicales dont elles ont été victimes. Lors de leur suivi gynécologique ou durant leur accouchement, elles ont été parfois humiliées. Lassées, elles ont fini par dire tout haut ce qui se passe derrière la porte des cabinets médicaux.

Les violences gynécologiques et obstétricales, c’est quoi ? Définition

En 2017, Marlène Schiappa commande un rapport au Haut Conseil à l’égalité entre les hommes et les femmes (HCE) sur la question du sexisme dans les pratiques médicales. Cette demande provoque la colère du Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF) qui réfute les accusations.

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Les violences gynécologiques sont désignées par le HCE comme les « actes sexistes les plus graves » qui peuvent se produire dans le cadre du suivi gynécologique et obstétrical des femmes. Concrètement, ce sont « des gestes, propos, pratiques et comportements exercés ou omis par un·e ou plusieurs soignant·es sur une patiente » et qui portent atteinte à sa dignité.

Vous pensez pouvoir y échapper ? Dites-vous qu’une femme consulte un.e gynécologue (ou profession associée) en moyenne 50 fois au cours de sa vie. Difficile de faire exception…

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Réflexions moralisatrices, refus non justifiés de réaliser un acte médical, agressions… Ces conduites peuvent toucher l’intégrité physique et mentale des femmes. À cela s’ajoute l’aspect légal, car, soyons honnêtes, l’absence de consentement constitue une vraie violence.

Des maltraitances médicales très diverses qui bafouent la dignité des femmes

Le HCE a défini 6 types d’actes sexistes afin de rendre ces traumatismes gynécologiques et obstétricaux plus lisibles.

  • La non-prise en compte de la gêne de la patiente, liée au caractère intime de la consultation.
  • Les propos porteurs de jugements sur la sexualité, la tenue, le poids qui renvoient à des injonctions sexistes.
  • Les injures sexistes.
  • Les actes exercés sans recueillir le consentement ou sans respecter le choix ou la parole de la patiente.
  • Les actes ou refus d’acte non justifiés médicalement.
  • Les violences sexuelles : harcèlement sexuel, agression sexuelle et viol.

Vous pensez que les hommes sont les seuls auteurs de ces actes ? Détrompez-vous ! Obstétriciennes, infirmières, aides-soignantes… ces violences sont aussi perpétrées par des femmes sur des femmes. Rappelons qu’en moyenne 8 accouchements non instrumentalisés sur 10 sont réalisés par des sages-femmes (chiffres de 2016 — Conseil de l’Ordre des sages-femmes). Il est grand temps de faire changer les choses !

⏩ À lire également : Et si certaines méthodes contraceptives naturelles étaient dignes de confiance ?

Des chiffres qui attestent d’un phénomène répandu dans le suivi gynécologique

En France, le phénomène est mal appréhendé, car les victimes ne sont pas toujours conscientes des violences auxquelles elles ont été confrontées. Les maltraitances sont souvent banalisées et la douleur est intériorisée.

Cela peut sembler presque irréel dans un pays comme la France aussi moderne dans ses infrastructures et les soins médicaux dispensés. Toutefois, les chiffres prouvent que le chemin est encore long.

  • 1 femme ayant subi une épisiotomie sur 2 déplore un manque ou l’absence totale d’explications sur le motif de l’acte.
  • 6 % des femmes se déclarent « pas du tout » ou « plutôt pas » satisfaites du suivi de leur grossesse ou de leur accouchement (environ 50 000 femmes par an).
  • 3,4 % des plaintes déposées auprès de l’Ordre des médecins en 2016 concernent des agressions sexuelles ou viols commis par des professionnels de santé.

Des traumatismes gynécologiques et obstétriques bien réels qui montrent la nécessité d’agir

Les conséquences des violences gynécologiques et obstétricales

Inévitablement, ces maltraitances médicales provoquent des traumatismes à court ou long terme. Les conséquences peuvent être psychiques telles que la culpabilité ou la perte de l’estime de soi. Ces femmes se reprochent, par exemple, de ne pas avoir réagi face à une remarque humiliante comme le prouvent certains témoignages.

CITATION : « Mon métier est de défendre les droits des personnes. Je connais la loi, je suis juriste. Le jour où ça m’est arrivé, je n’ai pas su répondre et me défendre moi-même ». Claire, juriste et victime de violences gynécologiques lors de son interruption volontaire de grossesse.

Mais elles peuvent aussi être physiques et provoquer des séquelles qui auront des répercussions sur le long terme comme le précise Inès, qui après une épisiotomie ne pouvait plus mettre de pantalons pendant des mois.

👉 Vous vous sentez concernée par ces témoignages et vous avez besoin d’aide ? N’hésitez pas à contacter le Collectif interassociatif autour de la naissance (CIANE) et l’Institut de recherche & d’actions pour la santé des femmes (IRASF) qui peuvent vous accompagner dans votre reconstruction et vous apporter des réponses.

Violences gynécologiques : témoignages douloureux d’une féminité méprisée

En 2017, la journaliste Mélanie Déchalotte publie Le livre noir de la gynécologie dans lequel elle compile des dizaines de témoignages de victimes de violences gynécologiques. Dans une interview, elle explique que de nombreuses raisons sont à l’origine de son projet : son expérience, les discussions avec ses amies, le scandale des touchers vaginaux ou le lancement du hashtag #PayeTonUtérus sur Twitter.

Son ouvrage illustre le fléau des maltraitances gynécologiques et cela à tout âge. Voici quelques extraits de ces témoignages. Le constat est effarant !

  • Marie, 19 ans, qui consulte pour la première fois un gynécologue et à qui on refuse la pilule sans motif médical légal : « Vous êtes trop grosse. La pilule fait prendre du poids et vous, vous avez déjà de l’embonpoint.— Mais alors, comment je vais faire ? bredouille Marie.— Pour commencer, vous faites un régime. Et quand vous aurez perdu du poids, revenez me voir pour la pilule. »
  • Rachel, 33 ans, enceinte et en pleine séparation au moment de faits. Elle décide d’avoir recours à l’IVG. Le gynécologue lui demande de regarder le visage à l’écran : « Non, mais là, je ne vous avorte pas. Je ne suis pas un boucher. Regardez-le, madame. Regardez-le bien… »
  • Carine, 37 ans, doit se faire opérer d’un kyste. Elle indique au chirurgien qu’elle souhaite uniquement une ablation de l’ovaire en cas de cancer avéré. Après l’opération, le médecin lui annonce qu’il lui a enlevé l’utérus, « mais ce n’est pas grave ». « Vous plaisantez ? Vous n’avez pas fait ça ? », l’interroge Carine, anxieuse. « Si, je vous ai enlevé l’utérus, mais ce n’est pas grave. » Carine ne peut pas y croire : « Vous n’avez quand même pas fait une chose pareille ? » « Bien sûr que si, insiste le chirurgien. Je vous ai enlevé l’utérus, mais ce n’est pas grave. ». Carine est mutilée.

En lisant ces témoignages, j’ai été atterrée par la diversité des profils et la violence des échanges. En réponse à ces maltraitances, des femmes ont décidé de réagir.

Ces militantes qui luttent pour le respect du corps féminin

Elles sont journalistes, juristes, féministes engagées… En France, on les appelle les lanceuses d’alerte. Grâce à leurs actions, la question des violences gynécologiques a été mise sur le devant de la scène.

Marie-Hélène Lahaye et son blog Marie accouche-là

L’autrice de Accouchement : les femmes méritent mieux (janvier 2018, éditions Michalon) a favorisé l’émergence de la question des maltraitances obstétricales. Elle a notamment signé une tribune le 6 février 2015 sur les touchers vaginaux pratiqués sans consentement sur des patientes endormies lors d’anesthésies générales.

Sonia Bisch, fondatrice du collectif STOP aux Violences Obstétricales et Gynécologiques

STOP VOG, fondé en 2017 à la suite de la vague de témoignages sur Twitter, a pour but de briser l’omerta autour des maltraitances gynécologiques. Sonia Bisch précise que l’objectif est de défendre « le consentement libre et éclairé des patientes afin que les salles d’accouchement et les cabinets gynécologues ne soient plus des zones de non-droit. »

Le collectif féministe Gyn&co

Gyn&co ce n’est pas une, mais plutôt une dizaine de femmes de tous horizons qui partagent une même vision. Leur objectif ? Donner accès à une expérience médicale qui prend en compte l’intégrité des femmes, quelle que soit leur orientation sexuelle. Le concept de leur site Internet est simple, mutualiser les adresses des praticiens respectueux du corps de toutes les femmes. Et comme elles le disent si bien, Gyn&co c’est « enfin une liste de soignant·e·s féministes ! »

Les violences gynécologiques ont longtemps été intériorisées, car considérées comme honteuses par de nombreuses femmes. La libération de la parole féminine et le combat mené de front par certaines ont permis de mettre un mot sur ces maltraitances médicales. Grâce à des milliers de témoignages, les femmes sont, aujourd’hui, plus à même d’exprimer leurs droits. Mais ce fléau, véritable omerta, a encore la dent dure. À nouveau, le poids du changement pèse sur les femmes. Mais, je me demande s’il ne faudrait pas plutôt regarder de l’autre côté et envisager une formation plus empathique pour le corps médical ? À méditer…

⏩ Envie d’aller plus loin ? N’hésitez pas à lire notre article sur ces femmes courageuses qui ont signé le manifeste des 343 !

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Charline MARCHER pour Celles qui Osent

Sources :

Les actes sexistes durant le suivi gynécologique et obstétrical, rapport du HCE entre les hommes et les femmes, 26 juin 2018
Préconisations provisoires de l’IRASF contre les violences obstétricales et gynécologiques
Le livre noir de la gynécologie, Mélanie Déchalotte, First, 2017

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