Interview d’une thanatopractrice : préparer les morts à l’ultime voyage

Lucie, fondatrice du média Celles qui Osent, a rencontré Maud, thanatopractrice, afin d’échanger sur son parcours mais aussi son métier, trop peu (re)connu. Dans la vie, cette touche-à-tout passionnée de sciences prépare les morts, leur parle et les accompagne d’une rive à l’autre pour leur ultime voyage. Telle une passeuse psychopompe, elle effectue dans l’ombre, un travail de soin, permettant à l’entourage d’entamer un processus de deuil. Dans cette interview exclusive, disponible en version audio dans notre podcast Celles qui Osent, Maud nous parle de son rapport quotidien et personnel à la mort et du tabou sociétal qu’elle représente encore. Découvrez-vite l’article issu de son interview passionnante !

Thanatopraxie : préparer les morts à l’ultime voyage

Maud est thanatopractrice et préparatrice en anatomie pour une faculté de médecine. Avec son accent chantant du sud de la France, elle déclare :

« Je n’ai pas choisi ce métier, c’est ce métier qui m’a choisi. »

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Elle s’occupe des défunts, de la simple toilette mortuaire aux soins de conservation. L’objectif est de stopper la thanatomorphose, la décomposition des corps, afin de pouvoir les présenter « à ceux qui restent ». Maud maquille les visages, les cicatrices, pour que les défunts soient présentés de la façon la plus agréable qui soit lors des funérailles. Le sang et les fluides du défunt sont remplacés par un antiseptique afin de suspendre la décomposition de la dépouille pour 2 à 3 semaines. D’un point de vue psychologique, ce soin est important ; il permet aux proches de faire convenablement leur deuil. L’entourage peut toucher le corps ou l’embrasser sans risque de contamination bactérienne.

La thanatopraxie n’est pas toujours compatible avec la religion et les croyances ; elle est admise chez les catholiques et les protestants, mais interdite par la religion musulmane et juive, sauf dans le cas d’un rapatriement vers les pays d’origine « pour des raisons sanitaires ».

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Maud nous explique que ce métier passion la comble, il nécessite de la polyvalence, de la technicité et une grande précision. Elle touche, soigne les êtres humains qui ne peuvent plus s’occuper d’eux-mêmes, du bébé à la personne âgée. Après le déshabillage et le lavage avec des produits désinfectants, Maud masse les membres pour diminuer leur rigidité. Elle ferme leurs yeux et veille à ce que leurs bouches soient maintenues dans une expression naturelle.

Elle n’obtient que peu de reconnaissance de son travail de l’ombre, qui permet pourtant aux gens d’entamer leur processus de deuil. D’ailleurs, elle se bat également contre les clichés sur les « croque-morts » antipathiques…

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Approcher quotidiennement la mort

Dans notre monde occidental, la mort est taboue, c’est un fait. Cet état irréversible est totalement occulté, « alors que c’est une certitude : nous allons tous mourir ! » dit-elle. Nous évitons tous de côtoyer les morts, en fuyant cette réalité triste, effrayante.

« C’est légitime d’avoir peur de mourir, c’est la fin de tout. Le vide est angoissant. Personnellement, j’ai plus peur de la mort de mes proches que de la mienne. »

Cette passeuse qui accompagne quotidiennement, avec respect, les morts, d’une rive à l’autre, conserve énormément d’empathie et d’émotions pour ces défunts inconnus.

« Je me rappelle que l’individu dont je m’occupe a été l’enfant de quelqu’un, qu’il a un passé, une histoire. Je ne juge jamais ce qu’il a pu faire durant son existence. » Avec beaucoup d’humanité et de respect, Maud parle aux défunts. « Je les remercie. Je les encourage. Je décris ce que je fais. Un être humain décédé n’est pas un bout de viande. »

Préparer les corps donnés à la science

Aujourd’hui, Maud travaille pour une faculté de médecine, en tant que préparatrice en anatomie. Elle met des corps donnés à la science à disposition, dans un but d’enseignement, de recherches et de formation. Ainsi, elle accompagne les étudiants en médecine dans leurs travaux pratiques de dissection.

Maud reçoit les corps amenés par les pompes funèbres dans son laboratoire, puis les anonymise afin de préserver la confidentialité. « Je suis la seule à connaître l’identité des personnes. » Ils sont acheminés selon des règles logistiques et des contraintes d’hygiène strictes : « par exemple, on ne peut pas recevoir un corps 48 h après le décès. Il ne doit pas y avoir d’obstacles médico-légaux, de maladies contagieuses… » De plus, une personne qui a fait don de soi à la science doit être inscrite de son vivant.

Après une série de vérifications administratives, Maud s’attèle au nettoyage du défunt et de tous les orifices. Elle l’oriente en fonction des thématiques des enseignements.

Si elle effectue un soin de conservation, un « embaumement », le corps tient longtemps comme dans du formol, mais les structures changent de couleur. Si elle propose un corps « frais », laissé tel quel, non touché chimiquement, il se conserve moins longtemps. À l’issue des travaux pratiques, les corps sont emmenés au crématorium et, dans son service, les cendres peuvent être restituées aux familles.

Des expériences paranormales inexplicables

Non croyante, scientifique et plutôt cartésienne, Maud nous explique « qu’au contact des défunts, la peur de la mort se dissipe, car à ce moment-là, je suis maîtresse de cette cérémonie. » Elle a déjà vécu des expériences inexpliquées et ressenti des choses déconcertantes. Pour elle, les meilleurs comédiens ne pourront jamais simuler la mort.

« Jamais personne ne pourra reproduire le vrai regard d’un mort. C’est un regard dans le vide, mais dans un vide auquel nous n’avons pas accès. »

À la fin de l’interview, Maud se souvient de certains moments extraordinaires, comme la fois où en salon funéraire, un corps a changé de visage ; son rictus s’est inversé suite à la visite de proches que la défunte n’aimait pas. Sans raison, une autre fois, un œil s’est mis à pleurer… Les morts ressentiraient-ils encore des émotions avant de partir effectuer leur « grand voyage » ?

« Personne ne demande à venir au monde. Quand on est parent, on se doit de guider ses enfants et de les préparer aux différentes fins auxquelles nous sommes confrontés au cours de notre vie. » Maud, thanatopractrice et jeune maman de 38 ans, veille à bien dissocier sa vie professionnelle et familiale. Cela ne l’empêche pas de ressentir de vives émotions au contact des défunts, ou d’avoir peur de la mort. Celle-ci fait partie intégrante de sa vie, mais son équilibre réside dans une forme d’acceptation, car personne n’y échappera…

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