No Bra | Interview de Gala Avanzi, celle qui a osé libérer sa poitrine

En 2018, le #NoBrachallenge invitant les femmes à retirer leurs soutiens-gorge est devenu viral sur les réseaux. Une étude IFOP de juillet 2020 révèle que 18 % des femmes de moins de 25 ans ont décidé de ne plus en porter à la suite du confinement, alors qu’elles étaient seulement 4 % auparavant. Comment expliquer ce « boom », cette quasi « révolution » ? Ce phénomène d’émancipation s’apparente à celui du body positive, ayant pour but de décomplexer les femmes et d’accepter son corps tel qu’il est. Celles qui Osent a interviewé Gala Avanzi, autrice, rédactrice de presse écrite et créatrice des comptes instagram @gala.av et @sorcieretamere. Elle dénonce les injonctions sociétales (souvent contradictoires) de « devoir être belles » et parfaites, subies par les femmes. Le 22 septembre 2021 est sorti son livre No Bra — ce que ma poitrine dit de moi aux éditions Flammarion. « No bra » signifie littéralement « pas de soutien-gorge ».  Pour certains, le sujet semble anecdotique, superficiel et inintéressant. Pourtant, Gala Avanzi lui consacre un essai questionnant un système de domination peu à peu remis en cause par les femmes. Décryptage.

Le No Bra à l’heure où la poitrine reste un symbole du contrôle patriarcal

Gala Avanzi introduit son livre par une liste d’idées reçues :

« Il paraît qu’elle en dit long sur moi, ma poitrine. Il paraît que mes tétons me trahissent […] Il paraît qu’elle doit être grosse, mais pas trop sinon c’est vulgaire […] il paraît que si je mets des soutiens-gorge rembourrés, je suis une tricheuse. […]– Il paraît que si elle est refaite, je suis superficielle. »

annonce sortie livre Patiente de Violaine Berlinguet

Zone érotique, objet de fantasme, la poitrine fait parler depuis longtemps. Hypersexualisé, dans notre société à travers les médias et la publicité, le corps féminin, cantonné à un rôle d’objet de désir fait vendre parce qu’il fait rêver.

Dans l’imaginaire collectif, les femmes doivent être guidées ; elles sont donc infantilisées par les hommes, qui décident à leur place de leurs propres choix. À travers l’histoire, le patriarcat semble avoir toujours voulu contrôler l’image de la poitrine féminine. Plus qu’un accessoire de mode, le soutien-gorge est un outil conçu dans une logique de séduction, pour répondre aux attentes du plaisir masculin.

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Le soutien-gorge uniformise les poitrines

Pour les jeunes adolescentes, le soutien-gorge est un rite de passage.

« Il fallait que j’en aie un, en tant que petite fille, pour devenir une femme. »

Pourtant, dès qu’elle a arrêté d’en porter, Gala Avanzi raconte qu’elle s’est sentie libre, physiquement et psychologiquement. La lingerie ne lui comprime plus la cage thoracique et les diktats de beauté ne l’atteignent plus désormais. « On essaie de nous faire rentrer dans une case, celle d’une poitrine parfaite, unique, ronde, en demi-pomme, rebondie, bien remontée, ferme, blanche et au grain de peau fin ». Impossible ! Toutes sortes de poitrines existent, et le soutien-gorge tend à les uniformiser. Petite, grosse, en gant de toilette : la beauté de nos seins est plurielle, diverse, multiple. La société encense les corps normés, contrôlés, conformes aux attentes de fermeté, de jeunesse, de couleur, etc. Des critères inatteignables. Les conséquences néfastes vont du complexe à la mésestime de soi ; du profond mal être, à la dépression jusqu’au trouble compulsif…

Il faut que les seins soient fermes, mais les soutiens-gorge aggravent le phénomène d’affaissement. Un comble ! Dans certains cas, son port est douloureux, les bretelles ou armatures trop saillantes ou les bonnets mal ajustés. On remettra d’ailleurs plus généralement en cause les mauvais choix de l’acheteuse que l’inconfort des soutiens-gorge !

La mode est faite pour les femmes qui portent des soutiens-gorge

Les adeptes du No bra souhaitent s’affranchir de tous ceux qui ont des choses à leur vendre : le marché très lucratif de la lingerie s’élève à 82,1 milliards de dollars (Statista – juillet 2019). Le soutien-gorge n’endosse pas uniquement le rôle de maintien des seins.

Pour 81 % des Françaises, il est un atout de séduction indispensable ; il sexualise la poitrine. Il semblerait que ce vêtement nécessite une approbation masculine. Gala Avanzi soulève aussi un autre problème : l’industrie de la mode et les vêtements féminins ne sont pas tous « compatibles » avec le No Bra : tissus transparents, décolletés plongeants, matières irritantes… (ce qui n’est pas le cas pour les habits masculins). Visiblement, la mode est faite pour les femmes qui portent des soutiens-gorge…

Pour certains, l’absence de port de sous-vêtement est même un manquement à l’hygiène et la conséquence d’un laisser-aller.

« Je ne pourrai jamais éviter le jugement, alors je l’ignore. » Gala Avanzi

Les tétons et l’allaitement en public : zones censurées

Dès 2012 aux États-Unis naît le mouvement Free The Nippe « Libère tes tétons », dénonçant la censure des tétons dans les médias. Il s’insurge contre le fait que les hommes puissent être torse nu en public, mais pas les femmes. Sur les images, à la télévision ou sur les podiums, la « zone téton » est souvent floutée, censurée. « Une trop grande partie de la population considère qu’un téton apparent est une provocation. » Ainsi, 69 % des jeunes femmes craignent de retirer leurs soutiens-gorge pour ne pas montrer leurs tétons (sondage IFOP 2020). De plus, les poitrines et les tétons féminins sont supprimés sur les réseaux sociaux. Sur Instagram, il demeure une véritable discrimination entre les tétons masculins et féminins. Le culte de la pudeur cohabite difficilement avec l’hypersexualisation des seins…

Parallèlement, en 2021, la question de l’allaitement en public semble toujours problématique. Les femmes qui allaitent se sentent jugées et subissent des remarques déplacées parce qu’elles dévoilent un sein pour nourrir leurs enfants. Les femmes doivent le faire pour être de bonnes mères, mais paradoxalement, à l’abri des regards. Beaucoup trop de personnes sont embarrassées par cette pratique, pourtant parfaitement normale. Preuve qu’il y a encore beaucoup de chemin à faire pour que l’allaitement en public soit totalement banalisé…

⏩ À lire aussi : Allaitement long, bienfaits, regards et préjugés

Ne plus porter de soutien-gorge : un choix militant

D’après l’étude menée dans 40 pays, « The Breast Size Satisfaction Survey » (BSSS), 70,7 % des femmes se disent insatisfaites de la taille de leur poitrine (échantillon de 18 541 femmes). Elles veulent de plus gros seins pour plaire à leurs conjoints. Gala explique en partie la fétichisation des grosses poitrines par le fait que certains hommes les symbolisent primitivement comme « nourriciers ».

Ces envies ou complexes poussent parfois les femmes à franchir le pas de la chirurgie esthétique. La plastie mammaire est une intervention coûteuse, douloureuse, mais pas anodine. Or les magazines féminins minimisent les risques et banalisent presque cet acte. Gala rappelle tout de même le scandale sanitaire survenu en 2010 avec les prothèses PIP (Poly Implant Prothèse).

De nombreux mouvements militent donc pour désexualiser la poitrine. Citons le très célèbre FEMEN, connu pour mener des actions politiques non violentes seins nus. Elles utilisent leurs corps pour écrire des slogans « Nous étions ignorées, nos voix n’étaient pas entendues. Personne ne voulait écouter les femmes, mais tout le monde était excité de les regarder. Nous avons décidé de les forcer à voir nos messages et nos revendications. […] Nos corps sont devenus nos voix. »

Les hastags #Nobra, #jekiffemondécollleté, ou le #Chèrepoitrine de la créatrice de contenu sexo Masha Sexplique, encouragent les femmes à se libérer du regard des autres, à faire tomber les carcans oppressants du patriarcat. Le mouvement No Bra consiste presque pour certaines à faire un choix militant qui désexualise la poitrine.

⏩ Pour poursuivre votre lecture, vous pouvez lire notre article intitulé pourquoi j’ai décidé d’arrêter le soutien-gorge ou notre interview de Gaëlle Prudencio.

« Nous avons besoin de normes pour que le monde fonctionne, mais nous pouvons chercher des normes qui nous conviennent mieux. » Judith Butler, Trouble dans le genre

Le No bra demeure un acte militant et un choix de vie individuel. Selon Gala Avanzi, le soutien-gorge encourage la construction sociale patriarcale qui vise à s’approprier et contrôler le corps des femmes. À travers son livre, elle donne des pistes de réflexion pour se défaire des idées reçues et nous encourage à opérer nos choix librement. Pour elle, le No Bra ne doit pas devenir une nouvelle injonction (encore une !). De plus en plus de femmes se réapproprient leurs corps et revendiquent leur liberté grâce, entre autres, à la libération de leurs poitrines.

Et vous, Celles qui Osent, êtes-vous prêtes à ébranler des représentations ancrées depuis des générations et à révolutionner le monde ?

⏩ Pour adopter pour une vie plus « minimale », n’hésitez pas à lire notre article vous présentant les 4 avantages d’oser le minimalisme dans son quotidien.

Violaine B — Celles qui Osent

Celles qui osent instagram
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