Temple Grandin : une femme de science autiste qui transforme les conditions d’élevage

Temple Grandin est une femme autiste dévouée aux animaux d’élevage qui a doublement marqué l’histoire. Elle est la scientifique qui a révolutionné les conditions d’élevage des animaux aux États-Unis, mais également la première personne souffrant du syndrome d’Asperger à avoir mis en lumière la vie intérieure des individus atteints de cette spécificité. Ce que le corps enseignant appelait « difficultés », Temple Grandin a choisi de les nommer « capacités ». C’est grâce à cette vision d’elle-même qu’elle a pu ouvrir des portes bien trop longtemps fermées, notamment sur le génie et la sensibilité d’individus qui méritent toute notre attention. Cette femme d’exception a osé sortir du moule dans lequel la société l’a placée pour devenir la messagère des animaux et le porte-parole des personnes autistes. C’est avec toute l’humilité qui la compose que cette militante nous montre qu’il n’y a pas d’être inférieur, seulement une façon de penser différente et porteuse de changement.

Une jeune fille étrange parmi le commun des mortels

L’enjeu de la petite enfance : s’intégrer malgré la différence

Temple Grandin est née le 29 août 1947 aux États-Unis, dans la ville de Boston. Alors qu’un bébé lambda ressent le besoin d’être cajolé pour se sentir en sécurité, la petite fille, quant à elle, se raidit dans les bras de sa maman. Vers l’âge de 3 ans et demi, elle ne parle toujours pas, semble être dans sa bulle et hypersensible à certains stimuli. Elle était déjà aux yeux de son entourage « différente » des autres enfants. Temple Grandin se rappelle qu’elle tentait de se faire comprendre en criant et en secouant ses mains.

Dans les années 1950, le trouble du spectre de l’autisme était difficilement diagnostiqué et les profils atypiques étaient associés davantage à une maladie mentale plutôt qu’à un handicap. Grâce à sa mère, Temple Grandin a été accompagnée pour apprendre les règles de la vie sociale et a bénéficié de nombreuses séances d’orthophonie qui lui ont permis d’emprunter les chemins de l’école.

Une adolescente plus proche des chevaux que des Hommes

Au collège, elle était victime de moqueries au quotidien et dit que les enfants la traitaient de « débile » ou de « magnétophone », car elle répétait souvent les mêmes phrases. Sa maman, toujours soucieuse de son intégration, pris à nouveau une bonne décision pour son avenir et décida de l’inscrire dans un internat pour élèves doués et souffrant de problèmes émotionnels.

« Les animaux m’ont sauvée. », L’interprète des animaux, Temple Grandin

se former à la rédaction web

Temple Grandin a 14 ans et c’est dans ce lieu où elle cohabite avec les chevaux qu’elle se sent enfin à sa place. Elle dit que les animaux étaient aussi perturbés psychologiquement que les adolescents, car ils avaient été maltraités par le passé. Malgré certaines chutes et morsures, elle passait tout son temps libre à prendre soin d’eux, à les observer, à tel point qu’elle pouvait décrire chacun de ses petits protégés dans les moindres détails. Temple Grandin affirme que les animaux et les Hommes sont faits pour vivre ensemble et que la fréquentation de l’espèce équine est très bénéfique pour un public en situation de handicap. De nos jours, c’est ce qu’on appelle la zoothérapie.

L’invention de la machine à câlin : une étape clé

Une connexion spéciale avec les animaux

Temple Grandin a évolué avec des questionnements permanents sources d’incompréhension et d’anxiété. Elle raconte pour anecdote que lorsqu’elle était jeune, elle rencontrait des difficultés pour différencier les petits chiens et les chats, car elle avait associé l’espèce canine à un animal de grande taille. Passionnée par les animaux depuis son enfance, elle n’a cependant pas réalisé immédiatement qu’elle avait un lien privilégié avec eux. Ce n’est qu’après ses 40 ans qu’elle a compris qu’elle voyait des choses que la plupart des humains ne percevaient pas.

« L’autisme est une sorte de stade intermédiaire entre l’animalité et l’humanité, ce qui met les gens comme moi dans une position idéale pour traduire le langage animal dans notre langue. », L’interprète des animaux, Temple Grandin

Si vous souhaitez découvrir davantage cette femme inspirante, je vous conseille de lire son autobiographie « Ma vie d’autiste ». En revanche, si vous préférez une approche plus romancée, regardez le film qui reprend les grandes étapes de sa vie « Temple Grandin ».

Une cage à contention à travers le prisme de l’autisme

Lors d’un séjour chez sa tante en Arizona, Temple Grandin assiste à une scène qui la fascine : le travail à ferrer. En l’espace de quelques secondes, elle avait intégré le fonctionnement de l’appareil et analysé les réactions de l’animal. Aussi surprenant que cela puisse être, cette trappe d’apparence rustique procurait une sensation de bien-être chez la vache. Sa conclusion fut instantanée : l’effet de pression administré par les barres de fer était l’équivalent d’un massage chez l’être humain.

Temple Grandin a 18 ans lorsqu’elle manifeste le désir de construire son propre dispositif appelé squeeze machine ou hug box. L’objectif ? Retrouver rapidement son calme quand elle fait une crise d’angoisse. Elle fait part de son idée à l’un de ses professeurs et mentor, puis crée un modèle à sa taille. Le résultat est fulgurant, elle est apaisée sous l’effet de la pression. Cette expérience est décisive pour Temple Grandin, car c’est ce qui l’amènera à diffuser à l’échelle mondiale une cage de contention à visée thérapeutique capable de réduire le stress chez les personnes autistes.

Temple Grandin : la femme autiste dévouée aux animaux d’élevage

Un cerveau atypique loin des pensées standards

À l’université, Temple Grandin a choisi d’étudier la zoologie, c’était le domaine idéal pour cette interprète innée des animaux. En effet, à défaut de ne pas toujours réussir à décoder l’attitude de ses semblables, elle comprenait aisément la conscience animale. Tout comme eux, Temple Grandin ne pense pas verbalement, mais de façon visuelle : dès qu’elle entend un mot, les images se bousculent les unes après les autres pour n’en former qu’une, comme un puzzle. D’ailleurs, en 1995, elle a rédigé un essai autobiographique « Penser en images » qui dévoile les avantages que confère cette particularité.

Lorsqu’elle a commencé à étudier les animaux dans leur milieu naturel, Temple Grandin s’est instinctivement focalisée sur leur environnement visuel. Pendant que les enseignants proclamaient que les bêtes étaient dénuées d’émotions et d’intelligence, Temple Grandin rentrait dans l’enclos avec les bovins pour décrypter leurs ressentis. Elle disait que pour comprendre l’effet de l’environnement sur le troupeau, il fallait essayer de voir ce qu’il voit et de vivre ce qu’il vit.

« Si une vache voit s’agiter un ciré jaune posé sur une barrière, elle panique. Mais à moins d’avoir une intelligence visuelle, on ne remarque pas toujours qu’il y a un ciré jaune sur la barrière. L’image ne s’impose pas à une personne normale comme elle s’impose à moi ou à un animal. », L’interprète des animaux, Temple Grandin

Un regard innovant pour dépoussiérer les élevages et l’industrie de la viande

Temple Grandin a travaillé pendant 30 ans avec des professionnels du secteur agroalimentaire afin de concevoir des pratiques plus respectueuses du bien-être animal. Ils faisaient du refus d’obtempérer du bétail une grande énigme, alors que Temple Grandin résolvait l’équation très rapidement à chaque intervention.

Au fil du temps, elle est devenue la voix des animaux telle une mentaliste capable de lire dans leurs pensées, pourtant la solution était simple : se mettre à la place du troupeau et observer. De toute évidence, Temple Grandin n’apporte pas seulement une solution à un problème donné, elle a également un rôle préventif auprès d’une société à l’intelligence visuelle déficiente.

« Cela m’amuse toujours d’entendre dire que les autistes « vivent dans leur propre univers ». À force de travailler avec les animaux, j’ai constaté que les gens normaux font exactement la même chose. Le monde est là, immense et magnifique, sous leurs yeux, et ils s’en aperçoivent à peine. », L’interprète des animaux, Temple Grandin

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C’est dans un univers majoritairement masculin que Temple Grandin a su imposer sa vision des choses et susciter l’intérêt des plus grandes firmes telles que McDonald’s, Burger King, etc. Pionnière dans son domaine, elle n’a pas hésité à pointer du doigt la façon dont les Hommes appréhendent les animaux : avec des œillères ! Pour deux combats, une seule et même mission : être une passerelle entre plusieurs mondes ! C’est pour donner vie à ses ambitions que cette auteure et conférencière intervient régulièrement auprès du plus grand nombre pour expliquer qu’il n’y a pas qu’une seule façon de penser et que la science a besoin de toutes sortes d’esprit pour avancer. Symbole d’audace et de persévérance, Temple Grandin a même inspiré l’artiste David Anderson qui lui a dédié une sculpture en bronze à son effigie, « J’espère que cette œuvre honorera le Dr Grandin, mais contribuera également à élargir l’impact qu’elle a eu sur le bien-être du bétail et la compréhension de l’autisme. ».

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Pauline Moret, pour Celles qui Osent

Sources :

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