Rose Valland, l’art et la manière de la Résistance

Découvrez le destin de Rose Valland, une femme engagée dans le combat d’une vie, pour sauver les œuvres spoliées durant la Seconde Guerre mondiale. Son caractère la prédestine à faire de grandes choses, dès son plus jeune âge. Son courage et sa détermination se sont prouvés tout au long de son existence, de ses études à son poste de conservatrice. Sa passion dévorante pour l’art la poussera à entrer en Résistance dès le début de l’Occupation par l’ennemi nazi. Le musée du Jeu de Paume, où elle travaille, deviendra la plaque tournante d’un énorme trafic. Rose se retrouvera alors sur la ligne de front de la sauvegarde du patrimoine artistique français. Plongez dans la vie de cette femme à la force et à l’audace inspirantes !

Valland, le combat d’une femme pour se faire une place dans un monde d’hommes

Être une femme et faire des études au début du XXe siècle

Rose Valland, née en 1898 et originaire d’une petite commune iséroise, grandit aux côtés de Rosa Maria, une mère cultivée et érudite. Au début du XXe siècle, le patriarcat prône, et avec elle, l’image de la femme qui tient le rôle d’épouse et de maîtresse de maison. Malgré cela, Rosa Maria obtient à notre héroïne des aides financières afin de la pousser à faire des études. Le destin de Rose en sera bouleversé.

Cette dernière accède à la première place des bourses de l’Isère, ce qui lui permet d’entrer en établissement d’enseignement d’institutrices, à Grenoble. Durant ces quatre années, Rose découvre la plus grande passion de sa vie : l’art. Ses professeurs valorisent ses dessins, ainsi que ses nombreuses qualités, telles que la maîtrise et la technique. Rose décide alors de tenter sa chance et de poursuivre dans cette voie. Dans un parfum de renouveau, elle s’aventure à Lyon, puis à Paris, pour se former aux Écoles des Beaux-Arts.

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Assoiffée de nouvelles compétences, elle se dévoue corps et âme, et ne compte pas ses heures à rédiger diverses thèses. Elle suit différents cursus dans plusieurs institutions à la fois, comme l’École pratique des hautes études, celle du Louvre, et l’Institut d’art et d’archéologie. Elle obtient toutes les aptitudes d’une historienne de l’art, aux connaissances pointues, qui lui seront d’une utilité primordiale.

Une rose au milieu des épines de l’univers masculin de l’art

Au début des années 30, dans un milieu à la domination masculine, Rose Valland se lance dans la vie active. Mais la désillusion se trouve grande, car l’égalité n’apparaît pas encore comme un sujet d’actualité. Elle découvre rapidement qu’elle ne pourra obtenir de poste rémunéré dans une galerie. Pourtant, cela ne saurait toucher sa ténacité à se faire une place dans ce milieu. C’est ainsi qu’à 34 ans, elle décroche une position d’attachée de conservation bénévole, au musée du Jeu de Paume. Afin de pouvoir gagner sa vie et continuer de vivre dans la capitale, elle doit enseigner, en parallèle, dans une école d’art appliqué. Elle écrit également des articles pour quelques revues et journaux culturels.

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Dans un Paris avant-gardiste, hébergeant d’illustres peintres tels Picasso et Braque, Rose orchestre les grandes manifestations d’art étranger dans la galerie voisine du Louvre. On promeut, dans ce lieu précurseur, un art nouveau et contemporain. Rose Valland, cette femme engagée, peut donc laisser parler son talent et son audace. Elle organise, entre autres, une importante exposition sur les artistes féminines d’Europe en 1937. Celle-ci est considérée comme l’un des premiers événements qui mettent en lumière des œuvres de femmes dans le monde artistique ! Dur labeur que de pouvoir se faire entendre et voir dans un univers machiste. Mais Rose Valland compte bien participer à ce combat.

C’est sans compter que bientôt, au Jeu de Paume, une autre lutte, d’une aussi grande envergure, va prendre place…

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Rose Valland, héroïne de la Résistance française

À l’approche de la guerre, Rose s’engage dans un combat pour l’art français et se retrouve embarquée dans une mission risquée.

L’art au cœur de la guerre

1933. Adolf Hitler vient de prendre le pouvoir en Allemagne. L’art devient, pour le nouveau gouvernement, un enjeu majeur. Les galeries allemandes sont nettoyées et purifiées de toutes les compositions d’art moderne qui ne remplissent pas les codes esthétiques du Troisième Reich.

1936. La France se prépare à une guerre imminente. Les musées établissent un plan de protection. Une liste de châteaux et monuments religieux est instaurée afin d’y cacher les peintures, sculptures et objets des collections publiques. Le premier convoi, constitué d’une quarantaine de camions et regroupant les œuvres du Louvre, prend la route de Chambord en 1938.

En plus de ses objectifs d’invasions territoriales, Hitler rêve de créer une galerie des Beaux-Arts, qu’il veut alimenter de richesses qui appartiennent aux pays conquis. En 1940, alors que les nazis prennent possession d’une partie de la France, un grand pillage commence…

Les débuts mouvementés de la spoliation d’œuvres d’art

À partir de l’été, dans une France occupée, une grande spoliation voit le jour. Les nazis entament le vol de collections privées, principalement de familles juives et franc-maçonnes, puisque les tableaux des musées ont été mis en sécurité. Tout ce patrimoine artistique passe aux mains de l’envahisseur allemand : peintures, sculptures, livres, instruments de musique et meubles. Afin d’exécuter cette confiscation, Alfred Rosenberg crée et dirige le service de l’E.R.R., ou Équipe d’intervention du Reichsleiter Rosenberg.

Avant d’être déportées vers l’Allemagne, toutes les toiles spoliées sont déplacées dans un lieu secret et protégé, où un inventaire complet est réalisé. Ce lieu en question n’est autre que le Jeu de Paume, réquisitionné et devenu le siège des opérations dès l’automne.

Jacques Jaujard, directeur des Musées nationaux, demande à Rose Valland de maintenir son poste afin de l’informer des agissements de l’occupant nazi. Une mission qu’elle accepte avec courage. Officiellement, Rose arrive à garder sa place en tant qu’attachée de conservation. Officieusement, et avec détermination, elle se lance dans un dangereux travail d’espionnage pour sauver l’art français.

Était-ce un hasard, ou un coup du destin, que Rose Valland, cette femme à l’engagement incroyable, se trouve à cet endroit, à ce moment précis ?

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Une mission d’espionnage pour la France

Rose Valland entre ainsi en résistance. Elle se retrouve en première ligne de front pour le sauvetage du patrimoine artistique. Il en fallait, du piquant, pour une telle mission !

Elle ne parle que très peu, n’attire pas l’attention, et… c’est une femme. Cela ne saurait inquiéter des hommes élevés dans une culture misogyne. C’est pourtant sans compter les multiples ressources dont fait preuve Rose Valland, et surtout, le fait qu’elle maîtrise la langue allemande !

C’est ainsi que durant plus de quatre ans, Rose prend note, avec beaucoup de discrétion, des œuvres spoliées qui transitent par le Jeu de Paume. Sa ruse est simple, mais très risquée. Elle espionne les conversations en allemand, et récupère, dans les corbeilles de poubelles, de nombreux documents. Le soir, une fois chez elle, elle les décrypte et les retranscrit soigneusement, avant de les ramener le lendemain. Elle établit ensuite des fiches et des rapports très détaillés, qu’elle communique au directeur des Musées nationaux. Rose envoie également ces informations à la Résistance, afin que les troupes épargnent les convois qui contiennent les tableaux.

Mais elle commence à attirer le doute…

« 9 février 1944, longue conversation avec le Dr Loerzer (expert en art nazi) qui par malchance me surprend en train de déchiffrer une adresse. Il en profite pour me rappeler que tout le monde ici doit garder le secret et qu’il y aurait des risques sérieux à parler de ce qui se passe dans la maison. En me regardant dans les yeux, il me dit que je pourrais être fusillée. Je lui réponds calmement que personne ici n’est assez stupide pour ne pas savoir les risques qu’il coure. » — Rose Valland.

À la suite de cette mésaventure, Rose, tout en conservant son sang-froid, sera régulièrement fouillée, suivie, et même renvoyée de son poste à quatre reprises.

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Rose Valland, femme engagée comme « Capitaine des Beaux-Arts »

Alors que l’heure de la Libération sonne, après un objectif atteint à ses risques et périls, une opération de sauvetage et de restitution peut commencer…

Rose n’a pas le temps de se reposer. Elle devient secrétaire de la Commission de Récupération Artistique. Elle est mieux placée que personne pour tenir ce rôle, grâce à toutes les informations essentielles glanées au cours de sa mission d’espionnage. Elle est rapidement promue lieutenante, puis capitaine dans l’Armée française, et est envoyée en Allemagne pour une durée indéterminée. Elle se créera elle-même son uniforme de gradée et y ajoutera un bouton du manteau de Goering : le clin d’œil symbolique d’une résistante audacieuse.

Rose prend ses quartiers à Berlin. Avec l’aide des Alliés, dont les fameux Monuments Men américains, elle est chargée de retrouver, récupérer, et renvoyer en France, les toiles spoliées. Sa mission se révèle difficile. L’art s’avère l’un des derniers sujets d’inquiétude, dans une Europe à reconstruire.

Après 10 ans en Allemagne, Rose rentre en France, avec, à l’actif de la C.R.A., quelque 60 000 œuvres rapatriées sur les 100 000 estimées. Elle obtient alors la place tant attendue de conservatrice, mais décroche le statut de septième classe et un salaire bien moindre que ses collègues masculins.

« Si elle avait été un homme, je suis persuadé qu’elle aurait été un héros de la nation » — Olivier Cogne, directeur du Musée dauphinois.

Elle devient tout de même l’une des femmes les plus décorées par la République française. Elle devient chevalier·ère de la Légion d’honneur, commandeur·e des Arts et des Lettres et reçoit la médaille de la Résistance française. À l’âge de 70 ans, Rose prend sa retraite, mais continue ses recherches pour retrouver les propriétaires des œuvres volées jusqu’au terme de sa vie.

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Rose Valland, cette femme engagée pour l’art, pour la résistance et pour la France, l’aura été jusqu’à la fin de ses jours. On n’ose pas imaginer ce que la culture et le patrimoine de notre pays auraient perdu si cette combattante n’avait pas mis tout son cœur dans cette mission. Ce fut l’œuvre de sa vie. Rose, dont le rôle primordial fut reconnu principalement à titre posthume, aura marqué l’histoire. Ses archives servent encore aux enquêtes menées aujourd’hui, puisque plusieurs milliers de tableaux n’ont toujours pas été retrouvés. Son héritage continue.

Fanny Micoud, pour Celles qui Osent

Sources :

Celles qui osent instagram
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