Fanny Ruwet, l’audace de s’en foutre

Lucie, fondatrice de Celles qui Osent, a contacté Fanny Ruwet pour lui proposer une interview audacieuse. L’humoriste belge a rapidement accepté de se livrer au jeu pour le podcast de Celles qui Osent. En seulement 4 ans de scène, Fanny Ruwet s’est fait une place parmi la nouvelle génération de standupeurs. Elle est productrice de l’excellent podcast Les Gens Qui Doutent, dans lequel elle reçoit des humoristes, auteurs, musiciens et autres artistes, qui font « palpiter ses neurones ». Elle signe également le podcast Imagine Ça Parle De Ça, dans lequel elle invente ce que racontent des romans en se basant seulement sur le titre ! Son premier spectacle Bon Anniversaire Jean est « un concentré de lose, de drôlerie et de mélancolie », dans lequel elle y parle de ses « échecs », ou des interactions sociales. Elle a répondu à nos questions en relevant le défi (ou pas) de placer les mots « kif kif ; manouche ; nyctalope ; patriarcat ; mimolette ; crabe violoniste ; poil de chatte. » Voici le récap’ de notre rencontre avec Fanny Ruwet, celle qui a l’audace de s’en foutre.

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Écrire sur des choses, pour que les gens se sentent moins seuls à les ressentir

Lucie démarre l’interview par deux questions (que seuls les fans comprendront) : quelles sont tes blessures d’enfance et quels genres de pornos tu regardes ?

La réponse de Fanny : « ça dépend de l’avancement de ma thérapie. » Rires.

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En vrai, elle déteste se définir elle-même et quand elle le fait, c’est souvent à travers le prisme du travail. Alors elle nous dit qu’elle fait des blagues et écrit des trucs, quand elle en a envie ou quand des gens lui demandent..

« J’essaye d’écrire sur des choses, pour que les gens se sentent moins seuls à les ressentir. »

Si elle essaye de se raconter, de façon plus personnelle, elle dit d’elle-même que c’est une fille de 28 ans qui tente de trouver du sens dans les choses de la vie, pour éviter d’avoir envie de se flinguer. D’ailleurs pour elle, le suicide, c’est « le mal du siècle » dans une époque, lourde à vivre, entre angoisse climatique et révolutions sociales.

Une enfance en province à traîner sur Skyblog et MSN

Fanny Ruwet a passé son enfance dans la campagne belge, un endroit où « il ne se passe pas grand-chose et où l’on se fait chier. » Dans cette petite ville de province où il n’y avait pas plus que deux bus le samedi pour « aller en ville », elle s’ennuie. Fille unique, elle passe le temps sur internet, sur MSN ou sur Skyblog.

À 18 ans, elle déménage à Bruxelles ; désormais elle râle quand elle attend 20 min pour un métro…

Dans cette grande ville, elle fait 5 longues années d’études de communication dans une haute école où elle a appris à maîtriser la suite Adobe, les montages audio/vidéo, le graphisme… Dès sa 3e année, elle a accumulé beaucoup d’expériences radio et télévisée, mais une fois diplômée, elle se rend compte qu’elle déteste, dans la pratique, les relations publiques. Elle fait alors une dépression puis décide de sortir de ce cercle vicieux en s’aventurant hors des sentiers battus : elle commence à faire de la boxe et du stand-up. Et c’est ainsi que sa nouvelle vie démarre…

Bon anniversaire Jean ; son premier spectacle, concentré de loose et d’autodérision

Fanny Ruwet fait rire, avec beaucoup d’autodérision. Pour écrire ses sketchs, elle s’inspire d’elle-même, mais parfois, elle « pioche » dans la vie des autres des trucs qu’elle trouve rigolos. Elle critique rarement les autres, sauf peut-être ceux qui ont du pouvoir ou qui semblent figés dans des systèmes, comme celui du patriarcat par exemple.

D’ailleurs, elle parle peu de politique, car elle estime ne pas s’y connaître assez, et que ses opinions ne valent pas la peine d’être partagées avec les gens sur scène.

Elle est humoriste et paradoxalement, elle ne retient pas vraiment les blagues. L’une de ses préférées est celle de Louis C.K : « Le repas, il n’est pas fini quand je n’ai plus faim, mais quand je me dégoûte. »

Son premier spectacle « Bon anniversaire, Jean » est né d’un concours de stand-up, qui l’a finalement poussée à écrire 25 minutes de spectacle en seulement 3 mois.

Au fur et à mesure des représentations, elle a ajusté, modifié, enlevé ou ajouté des passages (dont un petit update post-covid).

Fanny Ruwet, du stand-up, aux chroniques sur Inter

Sa plus grande fierté et le moment qu’elle préfère dans l’humour, c’est quand elle trouve LA bonne idée et qu’elle la présente au public pour la première fois.

Elle note toutes ses idées dans de grands carnets Moleskine, dans lesquels elle fait des dessins et des croquis. D’ailleurs, pour écrire, elle fonctionne beaucoup en mindmap. Car en plus de faire du stand-up, Fanny Ruwet est chroniqueuse sur Inter depuis 2018.

Elle nous confie que trouver le sujet n’a rien d’évident. Avant, elle s’organisait assez mal et écrivait au dernier moment ses chroniques, jusqu’au jour où elle a mis son ego de côté et qu’elle a pris une co-auteure : Lisa Delmoitiez, une humoriste et « l’une des meufs qui me fait le plus rire au monde ». Ce duo de travail rend l’écriture beaucoup plus drôle et agréable.

En mars 2023, Fanny Ruwet sortira son premier roman. L’histoire s’inspire de son adolescence, quand elle a rencontré un mec sur MSN, devenu petit à petit son ami-amoureux. Comme il l’a beaucoup aidée dans ses périodes down, un jour, des années plus tard, elle a eu envie de renouer le contact. Ce livre raconte son année d’investigation et d’enquête pour le retrouver…

Faire rire pour rendre l’existence la plus agréable possible

Fanny Ruwet n’a pas de regrets. Tous ses choix, elle les assume, même ceux, totalement irrationnels, qui l’ont fait grandir.

« On fait tout ce que l’on peut pour donner du sens à notre vie. Mais nous ne sommes que des petits trucs minuscules sur cette Terre. On n’est rien. Cela soulage vraiment de se dire cela. Quoi que tu fasses, tout le monde s’en bat les c****. Et quand tu prends conscience de cela, ça fait chiller. »

Pour elle, la vie n’a pas forcément de but. C’est un ensemble de coïncidences qui a fait que des animaux sont devenus des humains, qui ont finalement créé des concepts absurdes comme l’argent ou les semaines de 38 h, « devenant une espèce chelou qui met beaucoup de règles bizarres. »

Elle se dit que quitte à être là, sur cette planète, autant essayer d’en faire quelque chose et de rendre son existence la plus agréable possible… Elle cultive un rapport à la mort distancé.

« J’ai l’impression que cela ne m’arrivera jamais. Honnêtement, j’ai beaucoup plus peur de celle de mes proches, car la mienne, je m’en fous. Je ne serai pas là. Et puis je n’ai pas peur d’après, car je pense qu’il n’y a rien après. Mourir, c’est juste s’éteindre. »

Aimer intensément, chiller passionnément

Parfois elle a des tocs. Quelques phobies aussi. Des araignées et des insectes en général (parce qu’elle a le sentiment qu’ils vont chercher à « entrer en elle »). Elle déteste voyager donc quand elle ne travaille pas, elle a surtout envie de rester chez elle avec sa meuf et son chat. « L’odeur d’un chat, c’est l’odeur du réconfort, de la maison ». Elle nous cite une phrase d’un sketch de l’humoriste suisse Thomas Wiesel « J’ai passé tellement de temps à trouver ma zone de confort, pourquoi je la quitterais ? »

Fanny Ruwet tombe amoureuse « de personnes » : filles ou garçons, elle s’en fiche. Elle rencontre l’amour, avant tout. Et quand elle aime, c’est intensément. « Je suis assez dans l’absolu. Allez, on se voit tout le temps. »

D’ailleurs, elle a une playlist sexe qu’elle n’a jamais utilisé : le 1er album d’Oscar and the Wolf, composé de titres pop et vaporeux…

Oser, c’est s’en foutre

Fanny Ruwet a une définition singulière de ce qu’est l’audace pour elle.

« L’audace, c’est s’en foutre des facteurs extérieurs et ne se concentrer que sur ce que l’on a envie de faire. »

Elle nous cite de nombreuses femmes audacieuses à ses yeux : Myriam Leroy, journaliste et autrice belge, dont le dernier roman raconte le mystère de la femme sans tête, une révolutionnaire russe, enterrée à Bruxelles.

Elle nous parle aussi de Katherine Ryan, célèbre humoriste canadienne (son stand-up Glitter Room est sur Netflix), qu’elle admire par sa capacité à montrer les choses sans chercher à les rendre belles. Elle mentionne également l’humoriste et chroniqueuse de radio Morgane Cadignan ou les écrivaines Adeline Dieudonné, Lola Laffont ou Cécile Coulon.

Les conseils culturels de Fanny Ruwet

Fanny Ruwet aime lire et nous conseille un livre drôle :

  • L’amour, c’est surcoté, de Mourad Winter. C’est l’histoire d’un mec qui nous livre les détails de sa vie, de son quotidien, sans filtre, avec un humour décapant et des punchlines très drôles.

Et Lucie ajoute :

  • Sans nouvelles de Gurb, le roman humoristique de l’écrivain espagnol Eduardo Mendoza, dans lequel un extra-terrestre, totalement étranger à notre civilisation, part à la recherche de son acolyte, porté disparu…

L’œuvre qui l’a bouleversée récemment est la pièce 66 jours de Théo Askolovitch, au théâtre des Béliers parisiens, qui raconte le combat contre le cancer d’un jeune homme de 20 ans. Avec une drôlerie désarmante, il narre 66 jours de lutte contre la maladie ; 30 jours de Coupe du Monde 2018 depuis sa chambre d’hôpital.

Belle et triste à la fois, cette histoire réveille un ardent désir de vivre.

Fanny Ruwet a des projets. Samedi, elle organise une scrablette* (* soirée Scrabble/raclette). Dinguerie. Désormais, sa vie est (un peu trop) planifiée en fonction de sa tournée ; donc elle a hâte de retrouver un peu de spontanéité et de « vide » dans sa vie…

 

Pour rester encore un peu avec elle :

FANNY EST ENCORE EN TOURNÉE JUSQU’AU 25 JANVIER avec son spectacle Bon anniversaire Jean !

Pour acheter vos places, c’est ici !

Son compte Instagram

Son podcast « Les gens qui doutent » 

Son site internet

Merci Fanny !

 

Interview : Lucie Rondelet / Rédaction : Violaine Berlinguet

L’épisode est à écouter en intégralité sur le podcast Celles qui Osent. N’hésitez pas à noter et commenter cet épisode. Merci ❤️

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