Pourquoi de plus en plus de voix s’élèvent pour demander le démantèlement de Facebook ?

Les Facebook files mettent à mal l’entreprise de Mark Zuckerberg. Ces documents ont été divulgués en septembre 2021 par Frances Haugen, ingénieure en informatique anciennement salariée du géant de la tech. Ce nouveau scandale pousse les parlements américain et européen à chercher à davantage réguler Facebook et les GAFA. Des voix s’élèvent même pour demander le démantèlement du réseau social. Alors pourquoi envisager de démanteler Facebook, et surtout, est-ce vraiment la solution ?

Des pratiques anticoncurrentielles qui justifieraient le démantèlement de Facebook

En décembre 2020, l’autorité américaine de la concurrence (FTC) avait déposé une première plainte contre Facebook pour abus de position dominante. En cause : le rachat d’Instagram (2012) et de WhatsApp (2014) par Mark Zuckerberg. Pourtant, en juin suivant, un magistrat américain avait rejeté cette première plainte pour pratiques anticoncurrentielles. Cette question de la concurrence est essentielle pour réguler les GAFA. Concernant le marché de la publicité en ligne, Facebook et Google en détiennent d’ailleurs 70 %.

Selon Éric Brousseau, économiste et directeur de la Chaire Gouvernance et Régulation à l’université Paris Dauphine, invité de l’émission Entendez-vous l’éco du 5 novembre sur France Culture :

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« Parler de concurrence avec Facebook n’est pas si évident qu’il y paraît. Facebook ne contrôle pas tous les réseaux sociaux et représente, avec Google, un duopole dans le marché de la publicité sur Internet ».

Par ailleurs, aucun géant du numérique n’est parvenu à rester dans une position dominante sur le long terme. Ce fut le cas pour Microsoft, cité en exemple par Éric Brousseau dans Entendez-vous l’éco, qui s’est arrogé pendant un temps le monopole de la distribution de jeux vidéos (avec Universal Windows Platform) et des logiciels pour PC, avant l’émergence d’Apple.

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Des textes comme le Digital services act et le Digital market act (légalisations numériques européennes) permettraient-ils de lutter contre les pratiques anticoncurrentielles de Facebook ? Oui, sous réserve que les États européens se mettent d’accord sur une définition précise de ce que représente l’hégémonie d’une plateforme en ligne, et en quoi celle-ci peut être condamnable, ce qui n’est pas le cas pour le moment.

À lire aussi : Panne géante du 4 octobre 2021 : que s’est-il passé ?

L’exploitation de nos précieuses données personnelles : Facebook « moins pire » que Google

Si Facebook emploie des algorithmes opaques, et collecte les données de ses utilisateurs, ce n’est pas le seul à le faire. Les autres GAFA y ont également recours. L’émergence de réseaux sociaux comme TikTok montre que le problème ne se limite pas au groupe de Mark Zuckerberg.

L’âge du capitalisme de surveillance, un ouvrage de la chercheuse américaine Shoshana Zuboff met au jour la surveillance numérique mise en place par les GAFA et le danger que celle-ci représente pour la démocratie et les libertés individuelles. Or la collecte des informations personnelles et les politiques anticoncurrentielles touchent bien d’autres entreprises que Facebook comme par exemple Google, qui  dépasse Mark Zuckerberg sur le marché de la publicité en ligne et collecte le maximum d’informations sur l’utilisateur afin d’ensuite lui proposer des contenus ciblés.

Facebook, propagateur de fake news, harcèlement et contenus haineux

Le réseau social de Mark Zuckerberg est souvent accusé de contribuer à la prolifération des fake news. Ce fut notamment le cas dans l’affaire Cambridge Analytica, une entreprise spécialisée dans les nouvelles technologies et utilisée par le parti républicain américain pendant la campagne de 2016. Son but : déduire, à partir de la collection de données d’un utilisateur et l’étude psychologique de ces informations, les opinions politiques d’un internaute. L’entreprise a été accusée d’avoir volé les données de 30 à 70 millions d’utilisateurs, que Donald Trump, candidat républicain de l’époque, aurait récupérées pour davantage cibler certains groupes d’électeurs potentiels.

En plus de constituer un danger palpable pour la démocratie, Facebook pose également la question de la propagation des fake news et contenus haineux. Cette thématique rejoint une question plus large que les instances judiciaires américaines se sont déjà posé à maintes reprises : les plateformes ont-elles une responsabilité dans les contenus publiés, ou bien n’en sont-elles que les hébergeurs ? Car si les algorithmes des réseaux sociaux sont gérés par des intelligences artificielles, ils n’en restent pas moins alimentés en informations par les recherches, centres d’intérêt, likes et partages des êtres humains !

🎙 Je vous recommande vivement cet épisode de podcast : Les algorithmes des GAFAM nous enferment-ils dans une bulle de subjectivité ↙️

Face aux scandales énumérés plus haut, Facebook s’est doté d’algorithmes que l’entreprise ne cesse de modifier pour lutter contre le partage de fausses informations ou bien de contenus haineux et violents. Par exemple, dans le cas de la pandémie, les utilisateurs ayant commenté, liké ou partagé des fausses informations concernant le Covid-19 ont reçu un message d’alerte contenant un lien dirigeant vers le site de l’Organisation mondiale de la santé.

Démanteler Facebook, la solution ?

Face à ces dérives, démanteler Facebook serait-il un remède efficace ? Rien n’est certain dans une société gangrénée par l’exploitation des données personnelles. En revanche, contraindre et contrôler au moyen de lois adaptées pourrait constituer une solution efficace. Pour ce faire, il est nécessaire de revoir les lois antitrust américaines, adoptées il y a plus d’un siècle, afin d’adapter leurs critères aux GAFA, comme l’explique Anne Deysine, professeure à l’université Paris Nanterre dans son livre Les États-Unis et la démocratie. 

Selon Tom Wheeler, ancien président de la Commission fédérale des communications américaines et auteur de l’article US needs a new Agency to regulate platforms like Facebook paru dans le Time en avril 2021, la création d’une agence indépendante, dédiée au contrôle des géants de la tech peut aussi être une option intéressante dans le but d’élaborer des normes « selon lesquelles les entreprises construiraient des algorithmes ».

Si vous voulez aller plus loin sur la question des dangers des réseaux sociaux, poursuivez votre lecture avec notre article sur le cyberharcèlement.

Et si vous lisez l’anglais et que toutes ces questions vous intéressent, je vous recommande vivement le site Center for Humane Technology.

Sources :

« Entendez-vous l’éco », France Culture, émission du 05/11/21
L’âge du capitalisme de surveillance, Shoshana Zuboff
« Us needs a new agency to regulate platforms », The Time, Tom Wheeler
Anne Deysine, Les États-Unis et la démocratie

Victoria Lavelle pour Celles qui Osent

Celles qui osent instagram
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