Biographie de Virginia Woolf, figure de la littérature moderniste

Romancière anglaise de la première moitié du XXe siècle, Virginia Woolf est née dans un milieu patriarcal et littéraire. Entourée d’intellectuels, elle se battra pour la cause des femmes écrivains. Auteure, mais aussi éditrice, elle connaîtra une grande notoriété avec son écriture du flux de conscience. Son art fera d’elle l’égale de géants de la littérature moderniste, comme James Joyce ou Marcel Proust. Elle n’aura de cesse de chercher la liberté et l’indépendance, en aimant les femmes et en les encourageant à écrire. Découvrez la biographie de Virginia Woolf, cette femme pas si sage, véritable féministe et porte-parole des femmes qui veulent écrire.

Biographie de Virginia Woolf : une enfance dans un milieu littéraire

Une femme dans un monde d’hommes

Virginia Woolf est née le 25 janvier 1882 à Londres, dans une famille de la haute société cultivée. Son père, Leslie Stephen, est philosophe et écrivain. Sa mère, Julia Prinsep Stephen, pose comme modèle pour des artistes de l’époque. Tous les deux sont veufs quand ils se marient et ont des enfants de leur premier mariage. Virginia Woolf est élevée dans une fratrie de sept frères et sœurs, dans le quartier londonien privilégié de Kensington.

Elle grandit dans une atmosphère intellectuelle, mais, à l’inverse de ses frères qui étudient à l’université de Cambridge, elle n’a pas accès à une formation universitaire. Son père lui ouvre cependant sa bibliothèque, où Virginia Woolf s’imprègne de littérature et développe sa force créatrice.

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Des traumatismes qui ont engendré des tendances suicidaires

Virginia Woolf connaît des épreuves alors qu’elle est très jeune, ce qui aura des conséquences sur sa personnalité. Alors qu’elle n’est âgée que de 13 ans, elle perd sa mère, qui meurt de la grippe. Deux ans plus tard, c’est sa demi-sœur Stella qui la quitte. Elle est grandement fragilisée et fait sa première dépression nerveuse. En 1904, c’est son père qui disparaît.

À 22 ans, les drames familiaux qu’elle a connus ont causé des traumatismes irréparables. Même si elle se mariera et connaîtra la notoriété, des pensées suicidaires ne cesseront de la tourmenter tout au long de sa vie. Elle met fin à ses jours le 28 mars 1941, à 59 ans. Elle se noie dans la rivière près de sa maison de Rodmell. Sur la note qu’elle laisse à son mari, elle écrit qu’elle a l’impression de « devenir folle » et qu’elle ne supporte plus les pensées qui l’assaillent et l’empêchent de se concentrer. Malgré ce geste, elle a produit une œuvre marquante dont nous allons parler dans la suite de cet article.

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Devenir écrivaine et éditrice : la voie du féminisme

« Je ne veux pas être “célèbre” ni “grande”. Je veux aller de l’avant, changer, ouvrir mon esprit et mes yeux, refuser d’être étiquetée et stéréotypée. Ce qui compte, c’est se libérer soi-même, découvrir ses propres dimensions, refuser les entraves. »

Cet extrait d’Une Chambre à soi est révélateur de la voie que la future romancière va emprunter. Après la mort de leurs parents, Virginia, ses frères et sa sœur quittent la maison familiale pour s’installer dans un autre quartier réputé de Londres, Bloomsbury. À cette époque, ils vont s’entourer d’universitaires et créer un cercle d’intellectuels qui s’appelle le Bloomsbury Group.

Parmi les membres se trouve l’écrivain Leonard Woolf, qui deviendra son mari. Leur union est célébrée en 1912. Ils formeront un couple heureux tout au long de leur vie et seront de vrais partenaires. Ils fondent ensemble la maison d’édition Hogarth Press en 1917, qui publiera la majorité des textes de Virginia. Son premier roman, La Traversée des apparences, paraît en 1915. Ses œuvres sont appréciées du public et c’est à cette période qu’elle prend de l’aplomb en tant que femme écrivain.

Cette maison d’édition publie, entre autres, les œuvres de T.S. Eliot, Gertrude Stein, Katherine Mansfield et Dostoïevski. Virginia Woolf sera également la première éditrice des traductions de Sigmund Freud en Angleterre. L’anecdote raconte que les Woolf sont allés rendre visite au père de la psychanalyse quand il s’est exilé en Angleterre. À cette occasion, ce dernier a offert un narcisse à Virginia pour lui renvoyer son orgueil de femme écrivain au visage.

Devenir écrivaine et éditrice est le moyen pour Virginia Woolf de se sauver d’elle-même, de ne pas devenir folle à cause de la littérature, qu’elle vit parfois comme une souffrance.

La figure féminine de la littérature moderniste

L’écriture de Virginia Woolf est appelée « flux de conscience », ou « stream of consciousness ». De quoi s’agit-il ? C’est l’idée de passer d’une conscience à une autre, d’associer les pensées de plusieurs personnages dans la narration. Autrement dit, elle écrit l’intériorité qui circule entre les personnages. Leurs pensées se mêlent à ce qu’il se passe à l’extérieur et l’auteure décrit leurs sentiments en même temps que les événements se produisent.

Ses mots circulent comme de l’eau, d’une conscience à une autre. Mais comme elle, qui est à la fois très libre et très contrainte, il demeure une impossibilité d’attraper les consciences ou les événements. Un des mots que Virginia utilise le plus dans ses textes est l’adverbe « vaguely », « vaguement » en français.

Le flux de conscience est aussi une écriture qui abolit le temps : il n’y a jamais de proposition temporelle, comme « trois semaines plus tard » ou « deux heures après ». Le roman Mrs Dalloway se déroule sur une journée, mais à aucun moment le lecteur ne trouve des indications de temps.

Cette écriture si particulière fait de Virginia Woolf la figure féminine de la littérature moderniste du début du XXe siècle, comparable à son alter ego masculin, James Joyce, et à son pendant androgyne, Marcel Proust.

Virginia Woolf, celle qui ose aimer les femmes

Contrairement à l’image de femme sage que renvoient les photos d’elle, Virginia Woolf a eu une vie sentimentale mouvementée et une sexualité libre. Bien qu’elle ait été heureuse avec son mari, leur relation n’a jamais été que platonique.

Refusant le stéréotype du mariage monogame, qu’elle considère comme une invention sociale, Virginia Woolf reste mariée, tout en ayant des relations sentimentales avec des femmes. En 1922, elle rencontre Vita Sackville-West, une auteure qui fait partie du Bloomsbury Group. Elles auront une relation profonde pendant les années 1920. Elle ne cache pas cette liaison à son mari, qui l’accepte et qui la soutient dans sa quête de liberté. C’est Vita Sackville-West qui inspire à Virginia Woolf Orlando, son œuvre la plus sulfureuse, qui met en scène un personnage ayant la capacité de changer de sexe spontanément. Les deux femmes vivent une histoire passionnée pendant 20 ans. Elles finissent néanmoins par cesser de se fréquenter et restent amies.

Virginia Woolf n’a jamais assumé son homosexualité et c’est une facette de sa personnalité qui est relativement méconnue. Ce qui est certain, c’est que la question de l’androgynie comme élément libérateur est au cœur de son travail et de sa vie.

Un essai fondamental sur la question des femmes écrivains : Une Chambre à soi

Un espace pour écrire

Une Chambre à soi est un essai publié en 1929. Il retranscrit des conférences que Virginia Woolf a donné en octobre 1928 dans deux universités pour femmes de Cambridge.

Elle livre une réflexion pragmatique et matérielle sur les femmes qui veulent écrire. De quoi ont-elles besoin ? La réponse est en apparence simple : 500 livres de rente et une chambre à soi. Si la question de la rémunération des femmes fait aujourd’hui moins polémique, celle de s’autoriser à vivre de son art est toujours brûlante.

Selon Virginia Woolf, les femmes sont à même d’être auteures, même s’il y a d’autres choses à faire dans la maison. Elles ont le droit de s’autoriser à écrire à plein temps. Et pour cela, elles ont besoin d’un espace dédié à cette tâche. Avoir un lieu physique pour travailler leur permet de créer un espace de réflexion. Elles peuvent s’y concentrer et se protéger de la charge mentale à laquelle elles sont encore soumises.

La force créatrice des femmes

« Les femmes sont restées assises à l’intérieur depuis des millions d’années, de sorte qu’à présent les murs mêmes sont imprégnés de leur force créatrice, qui, à vrai dire, a tellement débordé la capacité des briques et du mortier qu’elle doit se ceinturer de stylos et de pinceaux et de commerce et de politique. Mais ce pouvoir créatif diffère grandement du pouvoir créatif des hommes. »

Les femmes se sont longtemps cantonnées à leur rôle de mère au foyer, sans pouvoir évoluer dans un milieu professionnel et artistique. Pour Virginia Woolf, chacune est porteuse d’une force créatrice singulière, qui provient de son histoire et de sa personnalité. Cet élan artistique ne demande qu’à émerger si les conditions matérielles sont réunies et si les futures écrivaines revendiquent ce droit.

Élevée dans un milieu patriarcal, Virginia Woolf a su dépasser son absence d’éducation par sa force créatrice et un travail acharné. Les liens qu’elle a tissés avec de nombreux intellectuels lui ont permis de se faire connaître en tant que femme écrivain et éditrice. Fragilisée par les drames familiaux qu’elle a connus, et malgré la tendresse de son mari, elle finira par se jeter délibérément dans une rivière. Elle est aujourd’hui considérée comme une des plus grandes romancières du XXe siècle et comme la figure féminine de la littérature moderniste. Ça vous plairait d’entendre Virginia Woolf parler de littérature ? Écoutez le seul extrait vocal que nous avons d’elle, enregistré par la BBC en 1937.

Amandine Travers, pour Celles qui Osent

Sources :
https://www.unilim.fr/trahs/1773

https://www.franceculture.fr/personne-virginia-woolf.html

https://www.franceculture.fr/litterature/virginia-woolf-la-sensuelle

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