Barbara, éternelle voix de la mélancolie

Pendant plus de quarante ans, sa poésie et sa musique ont régné sur la chanson française. Barbara, de son vrai nom Monique Andrée Serf, a laissé derrière elle un héritage qui a inspiré les jeunes générations de chanteuses et de chanteurs. Considérée comme l’éternelle voix de la mélancolie, oscillant entre gravité et légèreté, Barbara chante ses textes d’une vérité universelle…

Une enfance marquée par l’inceste

Monique Andrée Serf naît en 1930 dans le quartier des Batignolles, à Paris, dans une famille juive. Sa mère est fonctionnaire à la mairie de Paris, son père représentant de commerce. Les déménagements des Serf se succèdent dans les années 30-40 en raison de l’occupation allemande, et la famille s’installe en zone libre, à Tarbes, dans les Hautes-Pyrénées, où aura lieu le premier inceste, alors que Barbara est âgée de 10 ans et demi. Dans la famille, c’est l’omerta. À l’âge de 16 ans, elle fuguera jusqu’à la gendarmerie, où elle racontera tout, mais sa plainte n’est pas enregistrée, et son père vient la chercher, en disant qu’elle affabule. En 1949, alors qu’elle a 19 ans, le père de Barbara quitte définitivement le foyer familial, et cesse toute relation avec sa fille. Dans ses mémoires, publiées après sa mort en 1998, elle écrit :

« J’ai de plus en plus peur de mon père. Il le sent. Il le sait. J’ai tellement besoin de ma mère, mais comment faire pour lui parler ? Et que lui dire ? Que je trouve le comportement de mon père bizarre ? Je me tais. Un soir, à Tarbes, mon univers bascule dans l’horreur. J’ai dix ans et demi. Les enfants se taisent parce qu’on refuse de les croire. Parce qu’on les soupçonne d’affabuler. Parce qu’ils ont honte et qu’ils se sentent coupables. Parce qu’ils ont peur. Parce qu’ils croient qu’ils sont les seuls au monde avec leur terrible secret. De ces humiliations infligées à l’enfance, de ces hautes turbulences, de ces descentes au fond du fond, j’ai toujours resurgi. Sûr, il m’a fallu un sacré goût de vivre, une sacrée envie d’être heureuse, une sacrée volonté d’atteindre le plaisir dans les bras d’un homme, pour me sentir un jour purifiée de tout, longtemps après. »

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À la fin de la guerre, la famille Serf revient à Paris, où la jeune Monique commence à prendre des cours de chant. Ayant toujours voulu devenir musicienne professionnelle, son rêve est brisé par un kyste à la main droite, entraînant plusieurs opérations successives. Elle joue du piano d’instinct, sans prendre de leçons, et intègre le Conservatoire, où elle délaisse le chant classique pour la chanson populaire. En 1950, elle quitte Paris pour la Belgique et commence à chanter dans des cabarets. Elle se fait alors appeler Barbara Brodi, en l’honneur d’une de ses aïeules ukrainiennes. Les débuts sont très durs, le public peu respectif, et Barbara vit de petits boulots. Au cours de cette période un peu bohème, elle rencontre Jacques Brel, lui aussi à ses débuts, avec qui elle se lie profondément d’amitié. Il sera le premier à qui elle montrera ses chansons.

Les premiers succès de Barbara

En Belgique, Barbara chantait les chansons des autres. Elle retourne à Paris au début des années 1950 et continue à se produire dans de petits cabarets. Elle enregistre ses premières chansons en 1955, diffusées en 45 tours. En décembre 1959, elle apprend que son père, mourant, se trouve à Nantes, et la réclame. Elle se rend à son chevet, mais arrive trop tard. Quatre ans plus tard, quelque temps avant de monter sur la scène du théâtre des Capucines, elle finit d’écrire les paroles de Dalida, une chanson qui sera son plus grand succès. La maison de disques Philipps est séduite, et lui propose de signer avec elle. Séduit, Georges Brassens lui propose de chanter pour la première partie de son concert.

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Les cheveux courts, noirs de jai, et le kohl sur les yeux deviennent sa marque de fabrique. Sans être austères, ses chansons évoquent la mort des proches, les amours déchirées, et le temps qui passe. Dans les années 1960, elle enchaîne les prestations dans les grandes salles parisiennes et connaît un succès grandissant. En 1964 sort l’album Barbara chante Barbara. Elle tente sa chance au théâtre et au cinéma, sans y réussir pour autant. En 1972, elle partage l’affiche de Franz aux côtés de son ami Jacques Brel, où elle incarne une femme malheureuse en amour et délaissée.

Barbara, l’éternelle voix de la mélancolie

Barbara est un personnage difficile à saisir. Très insomniaque, elle se bourre de somnifères, et a un régime alimentaire déplorable (selon les rumeurs, elle ne se nourrissait que de réglisses et de cornichons). Elle s’installe en 1973 dans une ferme à 30 km de Paris, en Seine-et-Marne, où elle organise régulièrement des soirées avec ses nombreux amis. En 1974, les pompiers la retrouvent dans le coma, chez elle, après avoir pris trop de somnifères. Elle dénie pourtant avoir fait une tentative de suicide, et dira :

« Je n’ai pas voulu mourir, je voulais juste dormir ».

En 1981, sa voix se brise pour la première fois lors d’un concert. À partir de cette année-là, Barbara prendra d’importantes doses de corticoïdes pour protéger ses cordes vocales.

Dans les années 1980, elle s’engage dans la lutte contre le sida. Barbara visite les malades à l’hôpital Bichat, à Paris, et installe une ligne téléphonique chez elle dédiée à recevoir les appels de personnes séropositives. Elle écrit d’ailleurs une chanson, dédiée aux morts du sida, Dalida. Mais en 1994, elle arrête la scène, épuisée. Usée par les médicaments, les corticoïdes, et les anxiolytiques, elle s’éteint à l’hôpital américain de Neuilly sur Seine. Elle est enterrée dans le carré juif du cimetière de Bagneux, à Paris. Plus de 2000 personnes assistent à son enterrement. Ses mémoires sont publiées un an après sa mort, et s’intitulent Il était un piano noir.

Victoria Lavelle pour Celles qui Osent

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