Mary Wollstonecraft, pionnière du féminisme anglais

Féministe, philosophe, écrivain, la femme dont il s’agit ici est aussi la grand-mère de Frankenstein. Toute sa vie sera une bataille pour l’éducation des filles et l’égalité des droits pour les femmes. Découvrez cette Olympe de Gouge anglaise, ardente avocate de l’éducation des filles. Son œuvre, un temps oubliée, apparaît aujourd’hui d’une grande modernité. Voici Mary Wollstonecraft.

Une enfance chaotique aux origines de ses revendications

Les Wollstonecraft sont des tisserands prospères, et Mary est la deuxième d’une fratrie de sept enfants. Elle ne connaîtra cependant jamais l’aisance. Son enfance est marquée par les déménagements de la longue descente sociale de sa famille. Son histoire ressemble à celles de beaucoup d’autres filles de son époque. Le père dilapide leur fortune et bat sa femme. Mary tente de protéger sa mère et s’interpose entre celle-ci et son père ivre. Elle aide même sa sœur à fuir un mariage malheureux.

L’inégalité des sexes, moteur du combat de Mary Wollstonecraft

Mary expérimente l’inégalité des sexes dans sa propre famille. Sa mère, pourtant soumise aux coups de son père, préfère le fils aîné Edward. Il est le seul à recevoir une éducation prestigieuse destinée aux futurs gentlemen. Mary, quant à elle, est envoyée dans les écoles communales. Dotée d’un esprit vif et d’une forte volonté, elle s’insurge contre cette différence de traitement et écrit :

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« Telle est en effet la force des préjugés que ce qu’on appelait esprit en lui fut cruellement refoulé en moi comme audace ».

Elle n’aura dès lors de cesse de dénoncer l’éducation superficielle des filles.

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Sa propre formation intellectuelle et sociale se poursuit au fil des pérégrinations familiales. Autodidacte, elle apprend le français et l’allemand, et se forme au contact de rencontres providentielles auprès de ses voisins et de ses proches.

L’impossible émancipation des femmes ?

La famille ruinée, les enfants Wollstonecraft sont contraints de subvenir à leurs besoins. Mary s’échappe du domicile familial, mais les perspectives sont faibles. Seules des activités peu rémunérées telles gouvernante, dame de compagnie ou enseignante, s’offrent aux jeunes filles de classe moyenne du XVIIIe siècle. Mary Wollstonecraft s’essaie, sans succès, à chacun de ces métiers et dénonce le manque d’opportunités pour les femmes de cette époque.

En attendant, elle devient demoiselle de compagnie chez une veuve de Bath, tout en continuant à s’occuper de ses jeunes sœurs.

Après le décès de sa mère, elle vit chez les Blood, et se lie d’amitié avec leur fille, Fanny. Mary rêve d’indépendance financière et embarque son amie dans un projet fou pour l’époque : ouvrir une école pour filles. Mais l’indépendance tourne court quand Fanny se marie, tombe malade, puis meurt après son accouchement. Cette tragédie affecte profondément Mary. Elle accepte un emploi de gouvernante dans une riche famille en Irlande, mais n’arrive pas à se plier à cet emploi. Elle est renvoyée.

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Femme et écrivain !

Suite à cette expérience frustrante, elle vit à Londres où elle travaille pour l’éditeur Joseph Johnson. Elle réalise d’abord des traductions et des critiques littéraires pour son compte, puis devient sa conseillère personnelle. Cet homme influent soutient la libre-pensée et l’encourage à vivre de sa plume. À son contact, elle fréquente et s’inspire des penseurs du courant radical.

Amenée à côtoyer toutes les couches de la société, c’est naturellement qu’elle aborde la condition féminine dans Pensées sur l’Éducation des filles. Entre autres conseils, le livre encourage les filles à ne pas se contenter de soigner leur apparence, mais de tendre vers un esprit « rationnel ».

« Endoctrinées dès leur enfance à croire que la beauté est le sceptre de la femme, leur esprit prend la forme de leur corps et, enfermée dans cette cage dorée, ne cherche qu’à décorer sa prison. »

C’est un succès. Ce premier écrit est favorablement accueilli. Mary touche même la coquette somme de 10 livres pour sa publication, ce qui la réjouit : sa plume lui rapporte un salaire !

Un féminisme influencé par la Révolution française

Mandatée par Johnson, elle déménage à Paris, un mois avant que Louis XVI soit guillotiné, afin d’observer la Révolution en cours. Les idées révolutionnaires lui semblent la première étape vers plus d’égalité entre les classes et les sexes. Alors que les têtes tombent, elle ne manque pas de cran, critiquant le fanatisme des jacobins et l’absence de politique en faveur des femmes : ils ne leur accordent ni les mêmes droits que les hommes ni la citoyenneté. Elle sort de l’anonymat en publiant un brûlant Vindication of the rights of men ( Défense des droits des hommes ) taclant le conservateur Edmund Burke. Ce dernier critique la Révolution française et fait l’apologie de la monarchie.

Son second ouvrage, A Vindication of the rights of women ( Défense des droits de la femme ), est résolument féministe. Encore une fois, c’est une réponse directe à un rapport de Talleyrand sur l’éducation publique, qui propose une éducation purement domestique pour les filles. Mary Wollstonecraft, s’insurge et plaide pour une éducation égalitaire dès le plus jeune âge. Pour elle, pas de « nature féminine », il n’y a qu’une construction de la société rectifiable par l’éducation.

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Une femme libre

Celle qui dénonce le système patriarcal entretient aussi une relation amoureuse avec un commerçant, Gilbert Imlay. Elle ose donner naissance à son premier enfant sans être mariée, en pleine Révolution. Elle écrit l’Histoire de la Révolution française, publiée en 1794. La suite est moins rose : son amant la laisse seule avec son enfant à Paris. Désespérée, elle tente par deux fois de se suicider.

« La femme ne naît pas sentimentale, elle le devient »

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Amoureuse passionnée, elle ira jusqu’à voyager en Scandinavie accompagnée de sa seule fille et d’une femme de chambre. Elle s’aperçoit à son retour que sa relation est vouée à l’échec et revient à ses activités littéraires, à Londres. Elle y rencontre William Godwin, également philosophe. C’est la rencontre des esprits et des cœurs : elle tombe enceinte rapidement. Mais elle meurt peu après la naissance de sa fille, Mary Shelley, future auteure de Frankenstein.

Admiratif de sa liberté autant que de ses prises de position, son mari entreprend sa biographie posthume. Il n’omet rien, de ses tentatives de suicide à ses aventures amoureuses en passant par son enfant illégitime. L’Angleterre puritaine de la fin du XVIIIe siècle s’offusque et lui crée une légende noire. Ses thèses subversives sont perçues comme un danger du modèle féminin traditionnel. Sa mémoire salie, son œuvre tombe un temps dans l’oubli.

L’héritage de Mary Wollstonecraft

Ce n’est qu’au XIXe siècle qu’on redécouvre ses idées philosophiques. Flora Tristan et Virginia Woolf l’admirent et réhabilitent ses idées.

Sa vision très moderne du genre fait de Mary Wollstonecraft une pionnière et une avant-gardiste. La domination masculine, l’infantilisation des filles, la séduction, le destin tragique de la femme déchue, thèmes récurrents de son œuvre, résonnent encore aujourd’hui.

Conspuée au XVIIIe siècle, elle a reçu le prix Nob’Elle posthume du site L’histoire par les femmes, et rejoint d’autres grandes figures du féminisme pour l’éducation des filles, comme Malala Yousafzai. Certains la qualifient, à juste titre, de « badass » des Lumières : guerrière de l’égalité, dure à cuire, Mary Wollstonecraft osa s’opposer aux hommes les plus célèbres pour faire entendre la voix des femmes.

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Laure Lebrun pour Celles qui osent

Sources :

https://www.oxforddnb.com/view/10.1093/ref:odnb/9780198614128.001.0001/odnb-9780198614128-e-10893

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8617223p/f14.item

https://books.openedition.org/enseditions/5411?lang=fr

https://www.slate.fr/societe/femmes-de-dessein/mary-wollstonecraft-ecrivaine-philosophie-badass-lumieres-fondatrice-feminisme-anticonformiste

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