Adrienne Bolland, l’intrépide pionnière féministe de l’aviation

Elle appartient au clan très restreint des pionnières de l’aviation, aux côtés d’Hélène Boucher, Maryse Bastié ou Jacqueline Auriol. Elle a marqué l’histoire de l’aéronautique en réussissant l’exploit de traverser seule la Cordillère des Andes à bord d’un avion très rudimentaire. Tête brûlée, rebelle et indépendante, elle ose devenir pilote et faire de la voltige aérienne dans un monde très masculin, à une époque où monter dans un avion se fait souvent au péril de sa vie. Féministe, résistante, la gloire des « ailes françaises », très en avance sur son temps s’est battue pour le droit de vote des femmes. Elle a aussi milité pour que les femmes pilotes aient le même salaire que celui des hommes et a ouvert la voie aux femmes dans l’aviation. Survolons avec Celles qui Osent, le destin de l’intrépide Adrienne Bolland, pionnière féministe de l’aviation.

Devenir pilote d’avion : un choix osé pour une femme du début du 20e siècle

Adrienne Armande Pauline Bolland naît à Arcueil (Val-de-Marne) en 1895, dans une famille bourgeoise. Son père écrivait pour les guides Joanne, prédécesseurs des guides du Routard ou Michelin. Dernière des sept enfants du couple Bolland, elle passe une partie de sa jeunesse au château d’Allonnes à Donnery. Quand son père meurt d’un AVC en 1909, la famille se retrouve dans une situation financière compliquée.

Bien décidée à ne pas se marier ni à dépendre financièrement de qui que ce soit, elle décide de devenir pilote d’avion. Sa décision provoque un scandale familial. Soutenue par son frère, elle se forme à l’école de pilotage Caudron au Crotoy, en Picardie, et obtient son brevet de pilotage le 26 janvier 1920 (seulement deux mois après son baptême de l’air !). L’événement fait la Une : Adrienne est la première jeune fille française à décrocher ce brevet après la 1re guerre mondiale.

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Obtenir son indépendance financière grâce à la voltige publicitaire

Quatre mois plus tard, Adrienne Bolland réalise un second exploit : devenir la première femme au monde à réussir un looping avec son avion. Outre son utilité opérationnelle en combat aérien, la voltige aérienne anime les meetings aériens auxquels participe Adrienne. Tête brûlée, la voltigeuse émérite effectue des prouesses techniques, sans craindre le danger.

En août 1920, elle réalise son premier exploit : devenir la première pilote à franchir la Manche, en solitaire, depuis la France. (Harriet Quimby l’a déjà traversée depuis l’Angleterre 8 ans auparavant). En octobre de la même année, elle pilote aux côtés des as de l’aviation lors du grand meeting aérien de Buc, et commence à côtoyer Fonck, Nungesser, Romanet, Casale, Bossoutrot, ou Maïcon.

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René Caudron, pionnier de l’aviation, la repère et l’embauche comme pilote d’essai pour effectuer des voltiges publicitaires. Étonnement, le fait d’être une femme l’avantage, car Caudron l’a bien compris : mettre une femme dans un avion, c’est créer « le buzz ». Grâce à ce contrat, Adrienne s’assure une indépendance financière et vit de sa passion : voler.

Se mettre au défi de traverser l’impitoyable cordillère des Andes

« Je voulais faire une première. Passer par là où les autres avaient échoué. Mes chances étaient vraiment minimes. (…) Plus l’on me disait que c’était impossible, plus je voulais le faire. »

Sa traversée de la cordillère des Andes le 1er avril 1921 est l’exploit qui la rendra célèbre dans le monde entier.

« J’ai toujours eu un peu peur en avion !… Me flanquer une vraie frousse, c’est peut-être une manière de la vaincre, une fois pour toutes ! »

À bord d’un vieux « coucou », un Caudron G.3, sans appareil de navigation ni plan de vol, Adrienne Bolland, le corps enduit de graisse et enveloppé dans plusieurs couches de vêtements et de journaux, tente cette périlleuse traversée aérienne des Andes. Armée d’un couteau pour combattre les condors et d’oignons pour manger en vol et combattre le manque d’oxygène, l’aviatrice, avec très d’heures de vol à son actif, s’engage dans cette mortelle épopée. Elle sait que son équipement est très sommaire, son avion à la puissance limité (80 CV) et elle ignore quel chemin emprunter avec exactitude.

Adrienne Bolland, la « déesse des Andes »

« On improvisait tout, et sans doute ce qui a été fait à l’époque “héroïque” n’aurait jamais été tenté par des gens trop sages. Nous étions des casse-cous. »

D’ailleurs, tout prête à croire qu’elle va échouer. Après une première tentative échouée

À cause des mauvaises conditions climatiques, elle reste environ 40 minutes à faire du sur-place au-dessus de la cordillère des Andes. Grâce à son mental d’acier, après un vol de 4 h 15 à une moyenne de 50km/h, sous une température de -26°, la jeune femme de 26 ans, relie Mendoza en Argentine à Santiago du Chili, battant aussi le record mondial féminin d’altitude. « J’avoue que mon vol fut dur, très dur, et que je fus obligée de recourir à toute mon énergie. »

Le pays l’accueille en héroïne ; plus de 100 000 personnes acclament celle qu’ils surnomment « la déesse des Andes ». (l’engouement français sera nettement plus modéré : une femme pilote n’est pas encore acceptée dans les mentalités…).

Une pilote anticonformiste, à l’écoute de son cœur et de son instinct

« J’ai traversé au pifomètre une chaîne de montagnes que je n’avais jamais vue. »

Une femme l’aurait malgré tout aidé dans cet exploit.

« Le jour, où je partais pour Mendoza, une femme est parvenue à me joindre. (…) J’ai pensé qu’elle était folle, mais je l’ai malgré tout écoutée. » María Iñarte, qui possède des talents de médium, lui conseille avant son départ : « Vous réussirez si, après avoir vu un lac en forme d’huître, vous laissez les vallées qui se présentent à droite pour virer à gauche sur les montagnes ». Adrienne Bolland a choisi de l’écouter. Et elle a bien fait. Elle ne parlera de cette rencontre que tardivement, par crainte de perdre sa crédibilité professionnelle.

Après deux années au Brésil, et après avoir vécu l’un de ses pires accidents, victime d’une panne d’hydravion, Adrienne Bolland se rend à Nice pour promouvoir l’industrie aérienne de son ami Auguste Maïcon. La célèbre aviatrice rencontre alors Ernest Vinchon, pilote et riche héritier d’une famille ayant fait fortune dans l’industrie du fil. Sauf que ce bel homme est marié. Commence alors un amour caché, qui durera 6 ans. En 1930, le divorce d’Ernest est prononcé. Les deux amants décident alors de s’aimer au grand jour et se marient à la mairie de Clichy.

Adrienne Bolland, pionnière féministe de l’aviation

Adrienne Bolland est une femme entière, qui ose clamer haut et fort ses convictions. Une société pour laquelle elle devait voler lui demanda de piloter en jupe-tailleur. « J’ai demandé pourquoi. On m’a répondu que si je n’ai pas de jupe, on ne croira pas que je suis une femme. Eh bien, alors ai-je dit, vous n’avez qu’à me présenter toute nue. » (extrait du journal L’Auto du 08/04/1921)

Vivement critiquées pour sa liberté de paroles, ses opinions lui valent de voir tous ses avions sabotés. Au cours de sa vie, elle échappera à sept accidents qui auraient dû lui être fatals.

En 1934, Adrienne Bolland rencontre la journaliste et femme politique Louise Weiss, lui demandant de promouvoir la cause du vote des femmes. Avec Maryse Bastié et Hélène Boucher, elles s’engagent brièvement dans ce combat, stoppé par leurs sponsors, frileux à l’idée que leurs aviatrices prennent publiquement des positions politiques, dans un contexte où les grèves d’ouvrières débutent dans les usines d’aviation partout en France.

Durant la guerre civile espagnole (1936–1939), elle soutient ouvertement les républicains espagnols.

Complice avec la première chroniqueuse de l’air Louise Faure-Favier amie de Jean Moulin, Pierre Dac, du peintre Moïse Kisling ou de Boris Vian, Adrienne Bolland est une femme humaniste, ouvertement à gauche.

Pendant la Seconde Guerre mondiale, elle s’engage dans la Résistance. Avec son mari, ils restent dans la zone occupée par les Allemands ; ensemble, ils rejoignent un réseau de renseignement français dans le Loiret. À Donnery, elle devient radio et chargée du repérage des terrains afin d’aider les Forces aériennes françaises libres.

Femme de combat, même après la guerre, elle se bat pour obtenir la retraite des anciens combattants civils. En 1961, elle devient l’ambassadrice officielle d’Air France, afin de transmettre aux jeunes l’envie de devenir pilote.

Adrienne Bolland meurt le 18 mars 1975, à 79 ans, avec à son actif un record féminin de loopings, toujours d’actualité, de 212 boucles complétées en 72 minutes. Elle repose aux côtés de son mari au cimetière de Donnery dans le Loiret. Indomptable, la pilote intrépide faisait encore le tour du monde… à 75 ans.

L’audacieuse Adrienne Bolland a vécu à une époque pionnière, dans une période où les pilotes étaient poussés à prendre des risques pour faire progresser l’aviation. Toute sa vie, elle s’est battue contre les conventions et a ouvert la voie aux femmes dans l’aviation même si l’on ne comptabilise aujourd’hui que 3 % de pilotes professionnelles dans le monde.

Violaine Berlinguet, Celles qui Osent

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Pour aller plus loin :

Les vies d’Adrienne Bolland, Pionnière de l’aviation, féministe et résistante (1895 – 1975) par Sophie Deschamps et Georges Joumas (éd. Regain de lecture)

Aventurières du ciel, Katell Faria

Sources :

Témoignage d’Adrienne Bolland sur sa traversée aérienne des Andes le 1er avril 1921 

Adrienne Bolland, l’aviatrice anticonformiste, première femme à réussir la traversée de la cordillère des Andes 

Adrienne Bolland triomphe de la cordillère des Andes

Adrienne Bolland, aviatrice intrépide et féministe

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