Ada Lovelace, la mathématicienne sans qui les algorithmes n’existeraient peut-être pas

Quel est le point commun entre les algorithmes et Lord Byron ? La descendance du célèbre poète britannique : Ada, sa fille légitime. Née de l’union de l’auteur romantique anglais et d’Annabella Milbanke, Augusta Ada King est désormais connue pour être « la première programmeuse de l’histoire ». Sa passion pour les mathématiques représente une passerelle essentielle entre les connaissances scientifiques du 19e siècle et notre programmation actuelle. La biographie d’Ada Lovelace montre que son travail et son intelligence ont largement permis l’essor de l’informatique telle que nous la connaissons aujourd’hui. Rencontre avec la mathématicienne.

Ada Lovelace : une biographie marquée par la place importante des chiffres dès l’enfance

Ada Lovelace est née en décembre 1815 à Londres. Elle est la seule enfant reconnue du couple formé par Lord Byron et Annabella Milbanke. C’est cette dernière, éprise de sciences, qui va transmettre le goût des nombres à sa fille. Elle lui permet notamment d’avoir des précepteurs qui lui donnent une solide formation scientifique, pratique encore peu commune dans l’éducation des jeunes filles de l’époque. Baignant dans un milieu social favorable à l’évolution des mentalités, Ada s’offre le droit d’avoir des prédispositions jusqu’alors réservées aux hommes. C’est décidé, elle deviendra mathématicienne.

Afin de faire oublier à Ada le départ définitif de son père, qu’elle ne reverra d’ailleurs jamais plus, Annabella lui présente Mary Somerville. Éminente femme de sciences, férue d’astronomie, celle-ci encourage la jeune fille à persévérer dans ses études. C’est Mary qui la met en relation en 1833 avec l’homme qui écrira en partie son destin : Charles Babbage.

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Il travaille depuis longtemps sur de grosses machines à calcul fiables. Mais c’est entre 1834 et 1836 qu’il invente la machine analytique, véritable ancêtre de l’ordinateur. Il s’inspire des cartes percées du métier Jacquard, dédié au tissage, pour concevoir sa machine. L’aide d’Ada lui sera précieuse dans ce projet et elle deviendra un soutien indéfectible. Babbage, qui lui voue une grande admiration, aura ses mots :

« Cette enchanteresse des nombres a jeté son sort magique autour de la plus abstraite des sciences et l’a saisie avec une force que peu d’intellects masculins – dans notre pays au moins – auraient pu exercer ».

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Ada Lovelace, mathématicienne et programmeuse avant-gardiste

Ada se marie en 1835 avec William King, comte de Lovelace, avec lequel elle a trois enfants. Jusqu’en 1839, elle retourne à une vie de famille plus conventionnelle. Elle se met dans la peau de la parfaite maîtresse de maison comme de nombreuses femmes de bonne famille de l’époque. Toutefois, malgré une santé fragilisée par ses grossesses successives, elle revient à sa passion originelle en demandant à Charles Babbage de lui suggérer un tuteur en mathématiques. Auguste de Morgan, fondateur de la logique moderne, accepte la proposition. Elle parfait ainsi son éducation en algèbre, en logique et en analyse.

À partir de 1842, elle traduit les articles de son mentor Charles Babbage. Comme les autres femmes érudites de l’époque, elle ne signe sa traduction qu’avec ses initiales. Ses nombreuses notes enrichissent le concept de la machine analytique et elle initie l’écriture des instructions que l’objet mécanique doit lire : autant dire qu’elle vient de poser les prémices du logiciel. Afin de financer les recherches de Babbage et l’aider à poursuivre ses projets, elle parie aux courses hippiques et… invente un algorithme pour augmenter ses chances de gagner !

Son entourage proche la fait baigner dans un univers scientifique varié. On compte parmi ses relations David Brewster, l’inventeur du kaléidoscope, Charles Wheatstone, concepteur des premiers microphones et de la stéréoscopie ou encore Michael Faraday à l’origine des lois de Faraday dans le domaine de l’électrochimie et de l’électromagnétisme. Cette émulation décuple sans doute sa détermination à persévérer dans ce qu’elle appelle la « science poétique ».

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Des notes qui permettent une avancée majeure dans le développement des algorithmes

Ada Lovelace travaille neuf mois sur la traduction de la description de la machine analytique. C’est en réalité un mathématicien italien, nommé Luigi Menabrea, qui fait paraître la description. La facilité d’Ada à comprendre parfaitement le français lui permettra de traduire l’article en anglais. Les échanges entre les scientifiques de plusieurs pays contribuent à l’amélioration et à la diffusion des idées de chacun. C’est d’ailleurs l’intention du journal anglais Scientific Memoirs qui publie des articles de tous horizons et dans lequel elle aura le privilège d’ajouter sa traduction augmentée.

Si Babbage, malade à l’époque, n’aide pas Ada dans sa version en anglais, il sera reconnaissant du travail colossal qu’elle mène. Il ira jusqu’à lui proposer de faire un mémoire sur la machine analytique. De manière indirecte, il lui fait don d’une partie de son invention qu’elle améliore sans cesse. Oubliant le clivage homme/femme, il dément l’effet Matilda, qui se définit par la fâcheuse tendance d’attribuer une découverte scientifique faite par une femme à un collègue masculin. Un exploit à l’époque ! Leur collaboration frénétique reprend et Ada pose la première pierre d’un algorithme très travaillé pour calculer les nombres de Bernoulli.

Elle ne s’arrête pourtant pas à cette découverte déjà révolutionnaire. La comtesse de Lovelace pressent qu’il est possible de faire comprendre à la machine non seulement le calcul automatisé des chiffres, mais aussi des lettres et des symboles. Elle visualise ainsi un appareil universel programmable, capable d’exécuter une série illimitée de tâches interchangeables. Elle imagine une « boucle conditionnelle » encore utilisée aujourd’hui en programmation informatique. Malgré ces avancées majeures et la reconnaissance de ses pairs masculins pour son intelligence et ses aptitudes, Ada ne remportera aucun prix au cours de son existence. Elle est sans doute née trop tôt pour que l’on puisse lui attribuer une quelconque reconnaissance académique de son immense talent. Elle meurt à 36 ans d’un cancer de l’utérus en laissant un héritage énorme aux sciences dures.

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Une figure inspirante pour le monde informatique du 20e siècle

Comme souvent, ses travaux sont tombés dans l’oubli avant de réapparaître avec l’avènement de l’informatique. La machine analytique sera amplement améliorée dans les années 1930 par Alan Turing. Il s’inspire beaucoup des travaux d’Ada pour expérimenter un appareil qui ne fournirait pas que des calculs numériques. La mathématicienne sera sans doute aussi un exemple dans la réflexion et le savoir de Margaret Hamilton, pionnière du codage moderne. Mais la reconnaissance portée à Ada Lovelace ne s’arrête pourtant pas là :

  • le langage de programmation créé dans les années 1970 pour le département de la Défense américain a été baptisé Ada en son honneur ;
  • un astéroïde porte son nom ;
  • les hologrammes d’identification Microsoft arborent son portrait ;
  • en 2012, le CNRS nomme Ada un de leurs nouveaux supercalculateurs ;
  • l’Ada Lovelace institute est un institut britannique qui s’assure de l’éthique des algorithmes ;
  • une journée lui est consacrée le deuxième mardi d’octobre pour promouvoir la place de la femme dans le domaine scientifique ;
  • sans compter les romans, BD, films dont elle est la protagoniste ou un personnage secondaire.

Nicolas Witkowski, physicien et auteur de l’essai d’histoire des sciences au féminin Trop belles pour le Nobel lui consacre cette citation en guise d’hommage :

« Ce qu’elle cherche, c’est plus une métaphysique qu’une science ou une technique. Une façon de vivre. À un moment, elle propose d’utiliser son propre corps comme laboratoire moléculaire. Non seulement elle anticipe l’informatique et l’ordinateur, mais elle anticipe les neurosciences quelque part ».

Qui a dit que l’informatique était une histoire typiquement masculine ?!

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Amandine Devillard pour Celles qui osent

Sources :

https://www.franceculture.fr/numerique/ada-lovelace-la-premiere-codeuse-de-lhistoire
https://www.bnf.fr/fr/ada-lovelace-1815-1852-premiere-programmeuse-et-pionniere-de-linformatique-bibliographie-selective
https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/nouveau-monde/nouveau-monde-le-code-informatique-est-ne-grace-a-ada-lovelace-au-xixe-siecle_4045741.html
https://www.hardwarecooking.fr/gpu-ada-lovelace-un-gain-de-performance-tres-consequent/
https://www.diplomatie.gouv.fr/fr/politique-etrangere-de-la-france/diplomatie-scientifique-et-universitaire/veille-scientifique-et-technologique/royaume-uni/article/journee-ada-lovelace-les-femmes-en-sciences

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