Portrait d’Élisabeth von Wittelsbach, une monarque qui bouscule les codes

Celles qui osent regorge d’histoires de femmes aux destins extraordinaires. Il serait injuste de ne pas y trouver le portrait de la reine Élisabeth de Belgique, une duchesse allemande ayant réussi à gagner le cœur des Belges pendant la Première Guerre mondiale. Vous connaissiez peut-être l’Élisabeth arrière-grand-mère du roi actuel Philippe de Belgique, mais connaissiez-vous l’Élisabeth diplomate ? La monarque infirmière humaniste ? L’Élisabeth von Wittelsbach mélomane et passionnée d’art ? La cheffe d’État anticonformiste ou encore la mécène ? Il est troublant de voir à quel point son histoire résonne encore aujourd’hui. Vous aussi, vous serez peut-être amenée à révolutionner les codes, bousculer la vision établie et à briser les préjugés d’une époque révolue. Vous vous reconnaîtrez certainement dans l’une des facettes de cette monarque qui a marqué l’histoire du plat pays.

Élisabeth von Wittelsbach, une duchesse intrépide

Élisabeth von Wittelsbach naît le 25 juillet 1876 en Bavière, en Allemagne. Elle grandit dans une famille unie et chaleureuse. Elle est entourée de ses parents, le duc Charles-Théodore en Bavière et Marie-Josèphe de Portugal ainsi que de ses 5 frères et sœurs. Si ces noms ne vous disent rien, vous aurez sûrement entendu parler de sa tante Élisabeth d’Autriche. Ça ne vous parle toujours pas ? La fameuse impératrice Sissi, dont elle partage la passion pour la culture et les voyages !

Son père renonce très tôt à sa carrière militaire, s’affranchissant ainsi des codes propres aux aristocrates et se consacre à la science. Il devient un ophtalmologue de renom et soigne gracieusement ses patients les plus démunis. Il accorde beaucoup d’importance à la discipline, à l’ouverture d’esprit et insuffle à ses enfants le goût de l’étude.

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Les parents d’Élisabeth acceptent son côté garçon manqué, si décrié dans le milieu bourgeois. Intrépide et fougueuse, elle ne dit jamais non à une partie de tennis ou à une sortie escalade. À cette époque, rares sont les duchesses, princesses et comtesses sur les courts de tennis ! En parallèle, elle s’initie au violon, au piano et apprend le français et l’anglais. Elle devient trilingue à 15 ans, rien que ça ! Pendant son enfance et son adolescence, la future reine voyage et côtoie des personnalités de milieux et nationalités différents. Confrontée à des opinions très diverses, Élisabeth abordera ses futures rencontres sans aucun préjugé.

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L’arbre généalogique de la famille royale de Belgique de Léopold 1er à Philippe 1er. Source image : Laclassedemadameceline

Une cheffe d’État au destin presque forcé

Rien ne semblait prédestiner Élisabeth au rôle de souveraine de Belgique ou plutôt tout semblait s’opposer à ce qu’elle le devienne. Vous imaginiez un coup de foudre à la Notting Hill ? Désolée de vous décevoir, mais lors de leur première rencontre, le futur roi de Belgique n’avait d’yeux que pour la belle princesse Isabelle d’Orléans. Son père, le comte de Flandre, s’opposera fermement à cette union. Albert rencontre une seconde fois la duchesse, mais il est, cette fois, séduit par le charme de sa sœur cadette Marie-Gabrielle qui est déjà fiancée.

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Pour réunir ces deux êtres, le destin va s’obstiner une troisième fois. Lors de l’Exposition universelle de Paris, en 1900, Albert demande finalement la main d’Élisabeth malgré l’avis de son père. Selon lui, la famille Von Wittelsbach est trop excentrique et trop peu fortunée pour être digne d’une union avec son fils. Il écrira au sujet de la future reine :

« La jeune Élisabeth n’est pas très jolie et est un peu petite de taille, mais elle est gaie et intelligente et elle adore Albert. »

Les souverains forment un couple complice et font front commun dans un milieu très conservateur. La reine apporte une note de gaieté et de fantaisie dans une cour austère. Certains la qualifient de reine fantasque. Cette heureuse union, dont naîtront trois enfants, se termine par la mort d’Albert en 1934, lors d’une sortie d’escalade. Suite à ce tragique accident, Élisabeth se réfugie dans le silence et la solitude. À la mort de la reine Astrid, sa belle-fille, ses petits-enfants ont subitement besoin d’elle et c’est grâce à cela qu’elle retrouvera goût à la vie.

La reine Elisabeth de Belgique et son mari Albert
Source image : https://dinastias.forogratis.es

Reine Élisabeth de Belgique, la conseillère politique

En 1909, Élisabeth est proclamée reine de Belgique aux côtés d’Albert Ier. Elle voit soudainement ses responsabilités et obligations prendre le pas sur sa liberté, mais le sens du devoir l’emporte. Dès que sa santé le lui permet, elle accompagne son mari en déplacement en Belgique et à l’étranger. Son charisme et sa simplicité charment le peuple belge, dont elle se sent très proche.

Sa manière de diriger la nation contraste avec celle des précédentes souveraines. Elle n’est pas une femme de l’ombre. Ses apparitions publiques et son rôle dans la représentation de son pays sont cruciaux. Anticonformiste, elle s’émancipe des codes de la monarchie. Elle la dépoussière, lui redonne un coup de jeune, la modernise, innove ! La reine Élisabeth ne se laisse pas dicter sa manière de diriger le pays. Ce n’est pas parce que ça n’a jamais été fait, que ça ne peut pas être fait.

Albert et Élisabeth forment un binôme politique solide. Cette dernière est présente lors de la première allocution du roi devant le Sénat et lors de son discours d’intronisation où elle le rassure quant à sa capacité à diriger le pays et à le moderniser. En 1914, elle doit faire face à un pays dont elle est originaire et à l’empereur Guillaume II avec qui elle entretenait de très bons rapports. Elle aidera son mari à rédiger une lettre en allemand afin d’inciter celui-ci à respecter la neutralité belge. Elle doit désormais se battre pour les intérêts de son peuple adoptif et le fera avec brio !

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La « Reine Infirmière »

En août 1914, l’empereur Guillaume II d’Allemagne pose un ultimatum à Albert. Celui-ci devra laisser passer les troupes allemandes ou sera considéré comme un ennemi de l’empire. Pendant la Première Guerre mondiale, la reine, vous commencez à la connaître, ne reste pas les bras croisés.

Elle est désormais connue sous le surnom de « Reine Infirmière ». Cette dernière se rend chaque matin au chevet des grands blessés. En plus de panser leurs plaies, elle leur distribue des livres, des jeux de cartes, mais aussi des cigarettes et des phonographes. Élisabeth ira même jusqu’à fonder l’Orchestre symphonique de l’armée de campagne, ainsi que le « Théâtre du Front » pour divertir ces combattants blessés. Elle et son mari sont vus comme des héros et accueillis triomphalement par le peuple belge et les pays alliés.

La tête couronnée globe-trotteuse

Si ses voyages avaient souvent une portée politique, Élisabeth s’en servait surtout pour assouvir sa curiosité et retrouver un peu de sa liberté perdue. Après la guerre, le couple royal se rend successivement aux États-Unis, au Brésil, aux Indes ; puis au Congo, en Irak, en Syrie et en Palestine. Elle continuera de se déplacer aux 4 coins du monde même après la mort de son époux. Tous deux donnent à la Belgique une visibilité internationale tout en parcourant le monde à la découverte de nouvelles cultures.

En 1923, elle s’aventure en Égypte pour assister à l’ouverture officielle du tombeau de Toutankhamon. Elle y retourne en 1930 pour visiter les pyramides, le site du Sphinx de Gizeh et le tombeau de Ramsès Ier. Passionnée par l’Égypte antique, elle soutiendra la création de l’Association égyptologique Reine Élisabeth, qui existe encore aujourd’hui.

La souveraine Elisabeth von Wittelsbach en Egypte
Photo d’Élisabeth von Wittelsbach lors d’un voyage en Égypte. Source : https://carolathhabsburg.tumblr.com/page/88

La « Reine rouge »

La reine Élisabeth de Belgique était déjà connue pour son anticonformisme en tant que monarque, mais une fois veuve et affranchie des obligations incombant à son statut de cheffe d’État, elle se libère complètement de toute pression. En pleine guerre froide, elle accepte de nombreuses invitations de pays communistes, bravant ainsi les consignes des politiques. Elle se rend d’abord au Festival Chopin en Pologne, en 1955. Trois ans plus tard, elle visite de nombreux monuments de l’Union Soviétique et rencontre Khrouchtchev.

L’ancienne reine est très critiquée par ses proches, son peuple et la communauté internationale, mais elle ne se laisse pas impressionner. Elle visite la Yougoslavie en 1959 et ensuite la Chine. Tous ces voyages lui valent le surnom de « Reine Rouge », mais n’était-elle pas en train d’œuvrer, à sa manière, pour pacifier les relations ouest-est ?

Élisabeth en Bavière, la mécène passionnée

La reine de Belgique pratique le piano, le violon, elle voue un amour inconditionnel à la photographie et à la sculpture. Elle se serait sûrement bien entendue avec Camille Claudel, sculpteure de génie dont le portrait a été dressé par Celles qui osent. Tout au long de sa vie, elle se lie d’amitié avec beaucoup d’écrivains, d’artistes, de musiciens, etc. En 1964, elle sera même élue à l’Académie française des beaux-arts.

Élisabeth met sa fortune et sa renommée au service de causes qui lui sont chères. Elle joue un rôle important dans la construction d’un nouveau Palais des Beaux-Arts, inauguré en 1928. Celui-ci abrite ensuite l’Orchestre national de Belgique dont la reine soutint la création. En 1937, l’un des vœux les plus chers d’Élisabeth se réalise : la création du Concours musical international, l’un des plus prestigieux au monde. Elle soutiendra également la construction de la Bibliothèque royale Albert Ier et de la Chapelle musicale Reine Élisabeth.

Comme Marie Curie, elle aussi consacra sa vie à la science. Son intérêt pour la médecine lui vaudra même d’être nommée membre d’honneur de l’Académie royale de médecine de Belgique, en 1954. La reine philanthrope s’occupe d’œuvres de bienfaisance et participe à la lutte contre les maladies. Ayant perdu 4 membres de sa famille en 1912, c’est un sujet qui lui tient particulièrement à cœur. Elle décide donc de créer la Fondation médicale Reine Élisabeth et le Fonds Reine Élisabeth pour l’Assistance médicale aux indigènes du Congo belge en 1930.

Mener de front les rôles de femme politique, de mère, d’épouse, de mécène dans les domaines de l’art, de la culture et de la science… Tout cela en continuant de pratiquer la musique, la sculpture et en poursuivant ses voyages, tel est l’exploit de la reine Élisabeth de Belgique. Cette dernière s’éteint le 23 novembre 1965, à la suite d’un infarctus. Elle laisse à son pays un héritage très précieux en matière de culture, de sciences et de soins de santé. Sa quête de liberté, sa soif d’aventure et son désir insatiable d’apprendre ont inspiré et continueront d’influencer de nombreuses femmes à travers le monde. Élisabeth est loin de n’être qu’une succession de surnoms, elle incarne un modèle d’audace et d’anticonformisme pour toutes celles qui désirent se libérer des pressions sociales et politiques qui pèsent sur leurs épaules.

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Pauline Berçon, pour Celles qui Osent.
Article rédigé lors du cursus de formation en rédaction web chez FRW.

Sources :

Marie-Esméralda de Belgique et Christophe Vachaudez, Albert et Elisabeth, Bruxelles, Racine, 2014, 194 p.
Marie-José de Belgique, Albert et Élisabeth de Belgique, mes parents, Bruxelles, Racine, 2016, 320 p.
L’Écho, Élisabeth de Belgique, reine de la musique et de l’architecture
Soirmag, Élisabeth, un destin exceptionnel : le mythe de la Reine Infirmière
https://www.france.tv/france-3/secrets-d-histoire/2179281-elisabeth-la-drole-de-reine-de-belgique.html

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