Toni Morrison, écrivaine de la cause noire

Elle est la première femme noire à avoir reçu un Prix Nobel de littérature. Toni Morrison, née Chloe Ardelia Wofford en 1931, est une écrivaine afro-américaine, décédée en 2019 des suites d’une pneumonie. Elle est l’autrice d’une dizaine de romans, d’essais, de pièces de théâtre et de livres pour enfants. Ses livres, destinés à tous, racontent l’esclavage, l’héritage noir américain, l’afro-féminisme. Celles qui Osent vous propose la biographie de Toni Morrison, écrivaine de la cause noire.

Toni Morrison, descendante d’esclaves

Chloe Ardelia Wofford est la seconde d’une famille de quatre enfants. Ses parents sont issus d’un milieu modeste : sa mère est femme de ménage, son père est soudeur. Elle grandit à Lorain, dans l’Ohio, un État du nord des États-Unis, où de nombreux esclaves ont trouvé refuge durant la guerre de Sécession. C’est notamment le cas de ses grands-parents, qui ont fuit le racisme du Kentucky et de l’Alabama. À l’âge de 12 ans, elle se convertit au catholicisme et prend « Antony » comme nom de baptême. Elle se fera appeler « Toni » lors de ses études et dans sa vie d’adulte. Elle aime lire dès sa petite enfance et vit une jeunesse insouciante dans sa petite ville de l’Ohio. Au lycée, elle découvre des classiques comme Jane Austen, Flaubert, ou Léon Tolstoi.

C’est quand elle part à Washington, la capitale, pour ses études de lettres à l’université d’Howard, que tout change, et qu’elle est confrontée au racisme. Que Toni Morrison étudie à Howard n’est pas un hasard. Il s’agit de l’une des plus prestigieuses universités qui, jusqu’à la fin des lois ségrégationnistes, ne formait que des afro-américains. Après sa licence, l’autrice en devenir poursuit ses études de littérature à l’université Cornell, dans l’État de New York, et dédie son mémoire à Virginia Woolf et William Faulkner. Une fois son diplôme en poche, elle commence à enseigner.

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Démanteler les oppressions racistes et sexistes

En 1964, l’année où Toni Morrison divorce de Howard Morrison, un architecte jamaïcain avec qui elle a deux enfants et dont elle gardera le nom de famille, elle travaille dans une maison d’édition au sein de laquelle elle devient chargée de la littérature afro-américaine. En parallèle, elle écrit son premier roman intitulé L’oeil le plus bleu, l’histoire d’une petite fille noire jalouse de sa beauté, dont le rêve est d’avoir les yeux bleus. L’injustice raciste, les injonctions et diktats à la beauté, desquels la peau blanche est indissociable, sont au coeur du livre, publié en 1970, et salué par la critique, mais également incompris. Tout le long de sa carrière, les romans de l’autrice seront jugés obscènes, violents, pervers, car ils racontent systématiquement la violence de race et de sexe.

S’ensuivent plusieurs romans, dont Beloved, sans doute sa plus grande réussite, publié en 1987. C’est grâce à ce livre qu’elle obtient une reconnaissance internationale et, six ans plus tard, le prix Nobel de littérature. Inspiré d’une histoire vraie, le roman raconte l’histoire d’une esclave noire poursuivie par des chasseurs d’esclaves qui tue son bébé pour lui éviter une vie similaire à la sienne. À la mort de l’autrice en 2019, le journal Libération publiera les mots suivants :

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« Le fil tenu qui lie les générations est celui de la mémoire du néant, de l’atrocité de l’esclavage – la plurivocité du récit mémoriel chez les personnages de Morrison excave une autre histoire, une généalogie meurtrière des États racistes, du suprématisme blanc niché jusqu’au cœur des démocraties libérales contemporaines qu’elle dénonce dans ses essais. »

Toni Morrison, écrivaine de la cause noire

La reconnaissance ultime, le prix Nobel de littérature, lui est décerné en 1993. Elle est ainsi la première femme à être nobélisée. Certains de ses livres ont d’ailleurs été victimes de tentatives de censures, comme Paradise, une dystopie fondée sur une inversion des schémas sociaux et du racisme structurel. Il relate l’histoire d’une petite ville située dans l’Oklahoma où ceux dont la peau n’est pas considérée assez noire sont traqués. Une scène a particulièrement choqué les critiques, celle du massacre par les villageois d’un groupe de femmes réfugiées dans un couvent. Beloved et L’oeil le plus bleu figurent, quant à eux, sur la liste des 100 livres les plus censurés entre 2010 et 2019 de l’Association américaine des bibliothèques.

Toni Morrison se sera attelée, au cours de sa carrière, à réhabiliter la mémoire noire et l’histoire de l’esclavage. Ses écrits, avant-gardistes et progressistes, mettent généralement en scène des personnages féminins, autant touchés par le racisme que par le sexisme. Si le mot n’est jamais prononcé dans ses livres, l’on peut qualifier sans hésiter Toni Morrison d’autrice intersectionnelle, qui a su donner une véritable place à des thématiques jusque là invisibilisées de la littérature.

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Victoria Lavelle pour Celles qui Osent

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