Sabine Salmon est présidente de Femmes Solidaires et directrice générale de Fight for Dignity, deux associations féministes. La première est forte d’un réseau de 190 associations réparties sur le territoire français et a pour but de sensibiliser la société sur la question des droits des femmes par le biais de plaidoyers mais aussi d’actions menées auprès des femmes victimes de violences que ce soit en France ou à l’étranger. Fight for Dignity fut fondée par Laurence Fischer, triple championne de karaté, et vise à aider les femmes victimes de violences à se réapproprier leur corps et à restaurer leur confiance en elles via la pratique du sport.
Sabine Salmon est engagée à Femmes Solidaires depuis vingt ans. Elle raconte pour Celles qui Osent la naissance de son engagement, et détaille les actions des deux associations dont elle fait partie.
Sabine Salmon, femme solidaire et engagée
Sabine Salmon n’est pas née dans une famille engagée. Elle est issue d’un milieu populaire, et est devenue féministe grâce aux différentes rencontres réalisées au fil de son parcours. Alors qu’elle est âgée d’une vingtaine d’années, elle fréquente des femmes luttant pour l’égalité des sexes ainsi que des femmes victimes de sexisme, voire de violences et de mariages forcés. C’est alors qu’elle rencontre des militantes de Femmes Solidaires, réseau d’associations crée en 1945.
Un jour, j’ai rencontré des militantes de Femmes Solidaires qui m’ont parlé de l’association. Je les ai écoutées évoquer leurs combats. Petit à petit, les pièces du puzzle s’assemblaient, et j’ai fini par être happée dans le tourbillon du féminisme.
Le réseau Femmes Solidaires
Femmes Solidaires est un mouvement laïc, féministe et d’éducation populaire qui s’engage à dénoncer les discriminations et à promouvoir une éducation non sexiste. L’association fait un important travail de plaidoyer, et se mobilise à plusieurs échelles selon les actualités locales. Par exemple, si une maternité ferme dans une petite commune française située au milieu d’un désert médical, Femmes Solidaires et ses militantes vont agir pour empêcher la fermeture.
Le but premier du réseau est de créer du lien de proximité avec les femmes, les informer de leurs droits et des luttes à mener, leur mettre des « lunettes féministes », comme dit Sabine. Certaines associations locales sont des structures d’accueil dédiées aux femmes victimes de violences conjugales ou intra-familiales. Les femmes qui viennent à Femmes Solidaires ne sont pas toutes à la recherche d’une aide extérieure. Certaines veulent s’engager et devenir bénévoles pour mener des actions diverses sur le territoire français ou à l’échelle internationale.
Ce que l’on cherche à faire, c’est donner des outils aux femmes, peu importe leur milieu ou leurs origines, pour qu’elles puissent devenir actrices de leur propre vie. Cela doit leur permettre d’être engagées d’un point de vue personnel pour aussi faire bouger le collectif. Les femmes qui viennent nous voir et qui militent auprès de nous, elles sont là parce qu’elles ont envie de changer la société et de s’engager dans un mouvement féministe qui transforme les représentations et qui promeut l’égalité.
Les actions réalisées dans chaque antenne peuvent consister en des débats, des rencontres, des mobilisations. Femmes Solidaires compte 10 000 bénévoles et cinq salariées travaillant au siège situé à Paris.
C’est une association avant tout militante et ouverte à toutes. Nous avons très peu de salariées car nous voulons éviter à tout prix de nous professionnaliser ou de nous institutionnaliser pour ne pas dériver du projet initial.
Quand on lui demande de détailler une campagne récente, Sabine nous parle de Génération Non Sexiste, que Femmes Solidaires a décliné pendant trois ans. Le but était de sensibiliser les jeunes au sexisme, notamment dans le cadre des festivals d’été. Il s’agissait aussi de prévenir les agressions sexuelles commises durant ces festivals. Fête de l’Humanité, Fêtes de Bayonne, OFF d’Avignon… Les militantes de Femmes Solidaires ont investi ces lieux de divertissement dans le cadre de leurs opérations de prévention et de sensibilisation.
Les actions internationales de Femmes Solidaires
En plus de mener des campagnes de plaidoyer et d’aide aux victimes de violences, Femmes Solidaires milite aussi lors d’actions internationales, qui se développent selon trois axes. Le premier est un important travail effectué auprès d’instances comme les Nations Unies, où l’association possède un statut consultatif. Chaque année, Femmes Solidaires se réunit auprès de la Commission de la Condition de la Femme, le principal organe intergouvernemental mondial dédié à la promotion de l’égalité des sexes et à l’autonomisation des femmes.
Le deuxième axe repose sur le soutien apporté par Femmes Solidaires à des campagnes internationales féministes, comme par exemple la lutte des Argentines en faveur de la légalisation de l’avortement l’année dernière. Le troisième axe consiste en l’établissement d’une solidarité concrète avec une association éthiopienne, Ganissa, qui lutte contre les mutilations génitales et en faveur de l’éducation des filles et de l’autonomisation des mamans. Un internat a été construit en Éthiopie au sein duquel les jeunes filles peuvent continuer à recevoir une éducation après l’école primaire pour éviter les mariages forcés. Les mères bénéficient aussi d’ateliers d’alphabétisation ou d’artisanat dans le but de les rendre autonomes.
C’est important que les bénévoles de Femmes Solidaires comprennent que leurs actions ont des répercussions sur le quotidien de femmes à l’autre bout du monde. Nos campagnes sont riches de chacune de nos militantes qui amènent leur savoir-faire. C’est un bain bouillant de compétences.
Une action militante affectée par le covid-19
La pandémie a affecté les associations de proximité, comme les antennes locales de Femmes Solidaires que l’on retrouve partout en France. Selon Sabine Salmon, le lien social a été très abîmé par la crise. Certaines associations locales du réseau ont été confrontées à une augmentation des demandes de prise en charge des femmes victimes de violences conjugales ou intra-familiales.
Les situations sont devenues de plus en plus difficiles à gérer et de plus en plus dramatiques. Les militantes de Femmes Solidaires se sont beaucoup investies dans l’accompagnement des femmes victimes de violences. En plus de la hausse des violences, nous avons aussi assisté à une augmentation de la précarité, qui touche en priorité les femmes. Cela se traduisait par une hausse des demandes de mise en relation pour l’obtention de produits alimentaires ou de première nécessité par exemple.
Fight for Dignity : se réapproprier son corps grâce au sport
Fight for Dignity est une association récente, créée en 2017 par la championne de karaté Laurence Fischer. Son objectif est d’utiliser le sport de manière thérapeutique auprès des femmes ayant subi des violences. À l’origine, l’association avait pour but de mener une action en République Démocratique du Congo, auprès de Denis Mukwege, « l’homme qui répare les femmes » (prix Nobel de la paix qui soigne les femmes victimes de violences sexuelles de guerre en RDC). Une fois que les opérations des patientes sont terminées, elles vont se reposer dans une unité de soins où elles sont suivies médicalement, socialement et professionnellement pour permettre leur réinsertion à la sortie de l’hôpital.
Lorsque ces femmes sont prises en charge par l’unité de soins, Fight for Dignity les initie au karaté grâce à la méthode développée par Laurence Fischer qui prend également en compte certaines techniques de yoga et favorise la respiration. Cet exercice sportif permet aux femmes violentées de travailler sur la réunification entre le corps et le mental, dissociés en raison des violences subies.
À son retour en France, Laurence Fischer a développé un atelier de karaté à la Maison des Femmes de St Denis puis dans d’autres lieux comme l’hôpital de la Pitié Salpêtrière à Paris, ou la Maison de Soi à Brive-Lagaillarde.
Actuellement, Fight for Dignity et l’université de Strasbourg font des recherches scientifiques sur le sport et l’impact de celui-ci sur les stratégies de reconstruction. Ce travail de recherche devrait permettre de légitimer la méthode développée par Laurence Fisher et peut-être de la généraliser auprès d’autres structures.
Quand on demande à Sabine ce qu’elle préfère dans son engagement, elle répond : « Ce qui me passionne, c’est de rencontrer des femmes différentes, d’échanger avec elles. On se retrouve toutes avec le même objectif. Quand je prends la parole aux Nations Unies devant la communauté internationale, je restitue leurs combats et leur engagement. Je suis fière de ça. »
Ce qu’il faut, c’est oser prendre la parole, sinon on ne te la donne pas. Si au quotidien tu n’oses pas, tu n’avances pas, et les portes restent fermées. Oser est un verbe qui fait partie de mon quotidien.
Pour finir cette interview, on a demandé à Sabine de nous parler d’une femme qu’elle admire, et que l’on pourrait interviewer dans Celles qui Osent. Sans hésiter, elle nous donne le nom de Norma Bastidas, une femme mexicaine et ancienne esclave sexuelle qui, pour se remettre des violences qu’elle a subies, a participé à un triathlon de Cancun à Washington. Encore plus impressionnant : Norma a gagné le triathlon et a battu le record mondial féminin.
Victoria Lavelle pour Celles qui Osent
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