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Interview d’Alissa Wenz : chanteuse et écrivaine engagée

Dans Interview
8 décembre 2020

Oser chanter et écrire des livres engagés

Après un parcours scolaire d’excellence, des études de lettres et une formation théâtrale et cinématographique, Alissa Wenz choisit de partager sa vie entre deux amours : la chanson et l’écriture. Auteure-compositrice-interprète, elle chante ses textes, s’accompagne au piano et travaille en trio avec Agnès Le Batteux et Léo Varnet. Soutenue par Contrepied Productions, elle se produit dans diverses salles à Paris et en région (le Jazz Café Montparnasse, le Théâtre des Déchargeurs, le Forum Léo Ferré, les Trois Baudets, l’Entrepôt…). Elle enseigne également le cinéma en lycée et à l’Ecole Normale Supérieure. Écrivaine engagée, elle vient de publier aux éditions Denoël son premier roman  À trop aimer, dans lequel elle ose parler de violence amoureuse. 

Un parcours d’excellence alliant la littérature et la chanson

Des études littéraires… 

Alissa Wenz grandit à Plouër-sur-Rance, entre Dinan et Saint-Malo, jusqu’à son bac qu’elle obtient à 17 ans. Dès 5 ans, elle apprend le  piano classique, nourrie par un héritage parental : la tradition orale et la musique classique. “J’ai toujours navigué entre trois passions : la littérature, la musique et le cinéma.” 

Amoureuse des mots, elle intègre une prépa littéraire (hypokhâgne, khâgne) au prestigieux Lycée Henri IV. Excellente élève, elle est alors admise à l’école Normale Sup, l’une des institutions universitaires les plus sélectives de France. 

…à la chanson à texte

Pourtant, Alissa Wenz ressent alors un “manque de création”. En 2009, elle choisit de s’orienter vers le cinéma et la chanson, et intègre  la Fémis, l’École nationale supérieure des métiers de l’image et du son, en département scénario. En parallèle, elle se produit sur scène où elle écrit, chante et s’accompagne au piano. Elle commence à se professionnaliser comme chanteuse. On la compare rapidement à de grands noms de la chanson à texte. “Poétique, piquante ou un peu nostalgique : on retrouve chez elle un petit quelque chose de Barbara.”  (Télérama). Elle côtoie les scènes parisiennes, tout comme l’actrice et chanteuse Estelle Meyer.  

Dans la vie, Alissa Wenz est une femme discrète, mesurée. Pourtant, elle aime monter sur scène, être sous les feux des projecteurs, chanter ses chansons et les interpréter devant son public : “C’est l’endroit où je me sens libre.” Elle oublie sa “personne quotidienne”, pour se plonger dans ce lieu de vérité profond. 

alissa-wenz-celles-qui-osent-chanteuse-texte-engage
Crédits photos : Charlotte Mollet (linogravure), Astrid di Crollalanza, Thomas Guerigen, Pierrick Bourgault, Chantal Bou-Hanna, Norbert Gabriel (photos)

Du scénario à l’écriture de romans

Créer un manuel pour les scénaristes

Alissa Wenz travaille comme scénariste, puis co-écrit avec Pierrick Bourgault le manuel ludique Tu ne tueras point ton héros trop tôt : les 365 lois incontournables du scénariste (éditions Armand Colin), pour tous les scénaristes, débutants ou professionnels. Lorsque l’on écrit un scénario de court ou long métrage, de documentaire ou encore de film d’animation, les erreurs techniques peuvent être nombreuses. Un bon scénariste doit avoir du talent, mais aussi une capacité à respecter des règles :

  • construire une intrigue solide ; 
  • soigner ses personnages ; 
  • captiver le spectateur ; 
  • susciter l’intérêt des producteurs, réalisateurs ou acteurs.

Cependant, Alissa Wenz estime que l’écriture de scénario est “contrainte par un grand nombre de paramètres”, ce qui lui donne envie de se tourner vers les livres, pour éprouver “une plus grande liberté”.  Ainsi, depuis un an et demi, elle se consacre pleinement à l’écriture de romans. “Dans l’écriture littéraire, qui est à la fois très solitaire et très libre, j’ai l’impression d’être à l’endroit juste.” 

Écrire le témoignage d’une femme du 20e siècle

Entre l’essai et le témoignage, Lulu fille de marin (éditions Ateliers Henry Dougier) retrace l’histoire d’une femme du 20e siècle. Alissa Wenz y retranscrit les propos de sa grand-mère Lucienne, 92 ans, fille de marin et femme d’aviateur, pour mieux comprendre cette époque qui destinait les femmes à devenir des épouses et des mères très jeunes.

Née à Plouër-sur-Rance, celle que l’on surnomme « Lulu » rassemble ses souvenirs et nous plonge dans la vie d’un village de Bretagne au 20e siècle. Lulu y narre les préoccupations rurales des années 1930 et la vie des femmes et filles de Terre-Neuvas, la guerre aussi. ​Celles qui Osent reviendra prochainement sur le parcours modeste, à la fois ordinaire et extraordinaire, de cette femme née en 1928. 

Narrer l’emprise et dénoncer la violence amoureuse

En 2020, Alissa Wenz écrit son premier roman, À trop aimer (éditions Denoël), qui aborde la violence conjugale, et s’inspire d’une emprise amoureuse qu’elle a vécue pendant près de cinq ans. Certains faits ont été romancés, car elle ne souhaitait pas écrire un témoignage où elle se placerait en victime. “Je voulais m’autoriser la fiction, transformer cette histoire en œuvre littéraire, et créer une tension narrative, presque comme dans un roman policier.”

À trop aimer commence par un coup de foudre : Alissa Wenz a voulu raconter la beauté de cette rencontre, de ce miracle amoureux. La narratrice tombe immédiatement sous le charme de Tristan, et admire cet artiste génial qui transforme le rêve en réalité. À ses côtés, la vie devient magique. Il ne ressemble à personne, mais cela à un prix. Le monde est trop étriqué pour lui qui ne supporte aucune règle. Ses jours et ses nuits sont ponctués d’angoisses et de terreur. Seul l’amour semble pouvoir le sauver. Alors elle l’aime éperdument, un amour qui se donne corps et âme, capable de tout absorber, les humeurs de plus en plus sombres, de plus en plus violentes. Le prince charmant devient de plus en plus agressif. À ses « crises » d’angoisse s’ajoutent de la violence et des insultes. « Salope, connasse, je m’habitue à ces mots qui deviennent irréels ». Pourtant, sous emprise, elle s’efface, se fait toute petite.

Elle s’habitue à la peur et ment à ses proches. « Nous avons des idées préconçues sur les femmes qui sont victimes de maltraitance : on dit souvent que ces femmes sont fragiles psychologiquement ou émotionnellement… Ces idées renvoient à quelque chose de honteux. Or elles sont erronées, car la violence conjugale touche tous les profils psychologiques, toutes les classes sociales. Je voulais lutter contre le sentiment de honte, qui est un puissant moteur d’enfermement. » Alissa Wenz assume la nature autobiographique de ce roman, courageusement. Avec son roman À trop aimer, l’écrivaine espère donner du courage aux femmes qui la liront et qui subissent peut-être elles aussi des situations violentes. 

Celles qui Osent chanter avec audace  

Celles qui Osent termine l’interview en interrogeant Alyssa Wenz : “quelles sont les femmes qui osent pour toi ? ”  Pour elle, Anne Sylvestre, qui vient de nous quitter le 30 novembre 2020, est une grande dame de la chanson qui fait partie de Celles qui Osent. Anne Sylvestre, féministe, chante avec audace, humour et subtilité les femmes dans des chansons comme La Faute à Ève, Mon mystère ou La Vaisselle. Elle écrit de nombreux textes engagés sur des thèmes de société telle que le viol dans Douce Maison, l’avortement dans Non, tu n’as pas de nom, la misère et les sans-abris dans Pas difficile. Elle aborde également à plusieurs reprises le thème de l’amour homosexuel et des préjugés qui lui sont liés, notamment dans sa chanson Gay marions-nous. Cette femme audacieuse reçoit le prix de l’Académie de la chanson française en 1960. Alissa Wenz cite également Jeanne Moreau, une autre de Celles qui Osent. Chanteuse, comédienne, et même réalisatrice, elle lui insuffle une aura de liberté et de créativité.  

Alissa Wenz excelle dans beaucoup de domaines et nous lui souhaitons encore beaucoup de réussites dans ses projets futurs. N’hésitez pas à découvrir son univers sur son site internet, ou vous procurer son livre à trop aimer, 240 pages, qui traite de violence amoureuse, à savourer sans tarder ! 

Violaine B – Celles qui Osent 

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agricultrice-cellesquiosent-CQO

Oser ses rêves | Devenir agricultrice

Dans Interview
15 mars 2021

Celle qui Ose devenir agricultrice

Comment Victoria, ni épouse ni fille d’exploitant agricole, est un jour devenue éleveuse de porcs ? Quel parcours avait pu l’amener à faire ce choix de vie contraignant et physiquement éprouvant ? À l’écoute de son récit, j’ai réalisé qu’elle faisait vraiment partie de ces femmes qui osent, celles qui forcent mon respect.

Jeune trentenaire, féminine, bassiste dans un groupe de musique, active dans un syndicat, Victoria est agricultrice. Son cheminement personnel, semé d’embûches, révèle toute sa force de caractère. Victoria est une femme dans un monde d’hommes mais surtout une battante qui ne compte ni ses heures ni les stigmates de son rude travail sur sa peau. Victoria, enfant heureuse, subira l’épreuve d’une adolescence particulièrement difficile, mais parviendra à retrouver l’équilibre, en osant son rêve. Découvrons avec Celles qui Osent le parcours d’une femme agricultrice. 

De l’enfance à l’adolescence : la fin de l’insouciance

Vivre une enfance dorée

La jeune Victoria a tout ce qu’elle souhaite. Bébé désiré, c’est une enfant quasi unique puisque sa sœur a 17 ans de plus qu’elle. Sa maman, comptable de l’entreprise familiale, est souvent seule, car son père à des horaires particuliers. C’est elle qui gère tout et malgré cela Victoria confie : « Mon père, c’était mon repère ». Issu de l’émigration polonaise, il travaille depuis l’âge de 8 ans. C’est un homme courageux qui ne compte pas ses heures de travail pour que sa famille ne manque de rien. Victoria dit que « pour tous ceux qui le connaissent, c’est un exemple de réussite ».

Elle fait de l’équitation à haut niveau, passant tout son temps libre au haras. Elle a même son propre cheval. Elle nettoie, pense, débourre et monte, quel que soit le temps. Son appétence pour s’occuper des animaux s’est développée ici. Elle a tout ce qu’elle désire, mais n’est pas une enfant facile à vivre pour autant. Victoria accumule les bêtises, comme mettre le feu à la maison, pour ne citer que cet exemple…

Affronter l’adolescence

Victoria va déménager et ce sera selon elle « une cassure très difficile avec mes ami(e)s ». Puis, c’est l’annonce fatale. Son père a un cancer. Les médecins lui donnent quelques semaines de vie, mais il se battra plus d’un an. « Ceux qui sont passés par là savent que le combat est aussi éprouvant que la mort elle-même et pour tout le monde », raconte Victoria émue. Les conditions de vie à la maison deviennent difficiles. Sa maman doit supporter son chagrin, gérer l’entreprise et s’occuper d’une adolescente dont le monde s’écroule. Victoria continuera malgré tout l’équitation encore quelque temps, mais inévitablement quelque chose a changé. De capricieuse, elle devient ingérable. Elle fugue, se scarifie et fume des produits illicites. Excellente élève, elle commence à sécher les cours, à ne plus travailler. Déscolarisée, Victoria est envoyée en internat, seule solution qu’ai trouvée sa mère, désemparée. L’adolescente lui fera payer cette décision en refusant de vivre avec elle. C’est sa sœur qui va prendre le relais, « elle et son compagnon m’ont accueillie chez eux à bras ouverts, même avec leur petite, ils ont été courageux, car je n’étais pas facile ! ».

Du chaos à l’équilibre

Une adolescente qui se cherche

Victoria se calme plus ou moins, peut-être le fait d’être à nouveau dans une famille structurée. Elle réalise un petit séjour au poste de police, puis retourne au lycée. Elle passe son BAFA, puis, elle décide de vivre seule,en collocation/squat… Elle a alors 17 ans. Victoria rate son bac, par excès de confiance. Après cet échec, elle veut travailler. Elle trouve un emploi dans un parc d’intérieur pour enfants, pendant un an. Ce qu’elle ne sait pas, à ce moment-là, c’est que son patron, qui la ramène en voiture le soir, est aussi le « Barbe bleu de l’Essonne », un assassin qui sera condamné à 30 ans de réclusion criminelle ! Elle témoignera à son procès.

Reprendre les études

Certainement prête à accepter que la vie ne soit pas un long fleuve tranquille, elle reprend des études dans le domaine qu’elle a toujours adoré et dans lequel elle excelle : le cheval. Elle se lance dans un bac professionnel en apprentissage. Elle sera en internat pendant deux ans. Elle se rend vite compte que le monde équin est assez fermé, il n’est pas facile de s’y faire une place. Elle décroche son bac avec mention bien, puis enchaîne sur un BTSA : Analyse et conduite des systèmes d’exploitation. En apprentissage dans un élevage porcin, elle va, comme elle le dit : « tomber amoureuse des cochons ». Elle obtient son BTS avec mention, puis tente le concours de l’INRA. Elle arrive seconde. Déçue, mais rassurée sur son niveau, elle s’inscrit en licence de physiologie et pathologie animale. Elle ne trouve malheureusement pas de maître d’apprentissage et doit abandonner.

 Se confronter au monde du travail

Après un premier job dans l’animation animalière, Victoria part en Thaïlande où sa sœur est expatriée. Elle y passera quelques mois sabbatiques avec son conjoint en mode globe-trotter. Dès son retour en France, elle trouve un emploi d’ouvrière agricole dans un élevage porcin. Elle va y subir un traitement particulièrement difficile : « Ils m’ont dit que j’étais une incapable, que je n’arriverai jamais dans ce métier, que j’étais une bonne à rien. Ils ont eu des mots très durs qui m’ont beaucoup touchée. » Acte manqué ou stress intense d’une journée dans des conditions difficiles, elle subit un accident de voiture en se rendant au travail. Elle démissionne. « J’avais complètement perdu confiance en moi . Je commence à me dire que je veux travailler pour moi. » Après deux semaines d’essai dans un élevage porcin, l’éleveur lui propose un CDI qu’elle signe, sous la condition qu’elle puisse partir pour prendre sa propre exploitation. Il accepte sans savoir que 3 ans et demi plus tard, elle réalisera enfin son rêve.

Du rêve à la réalité

Un mal pour un bien

Trois années passent. Victoria n’oublie pas son projet mais doute « ça semblait difficilement réalisable ». Elle s’abîme le genou gauche, juchée sur une truie. Deux mois après, un chauffeur de l’exploitation assène un coup de bâton électrique à l’une des truies qui le charge, le renverse et s’apprête à le piétiner. Victoria a la présence d’esprit de tirer l’animal de 350 kg par l’oreille pour le stopper, mais c’est elle qui en fera les frais avec une rupture des ligaments croisés du genou. Elle continue de travailler, car « J’avais un peu mal au début et je ne voulais pas encore être arrêtée ». En janvier, elle est obligée de se faire opérer : 4 mois d’arrêt, 4 mois de réflexion « mes genoux étaient mes points faibles, ça voulait dire que je devais aller de l’avant. On y croit ou pas, mais ça fait réfléchir ». Elle mûrit son projet : elle veut avoir des cochons, mais pas n’importe lesquels et pas n’importe comment. Elle souhaite élever une race de sauvegarde, le Porc blanc de l’Ouest (PBO), en bien-être et en plein air. Mais son idée vient se confronter à celle de son compagnon menuisier qui veut rénover des maisons. « On a eu du mal à se mettre d’accord, mais on a trouvé un compromis : acheter une maison à retaper avec un grand terrain pour mes bêtes ».

Saisir sa chance

Pendant ces tergiversations et sa convalescence, elle reçoit la visite d’un technicien qui croit qu’elle cherche du travail suite à son accident. « Fausse rumeur, mais en tout cas, tant mieux », réfléchit-elle maintenant. Il lui dit qu’un client cherche un ouvrier porcin. Elle lui répond qu’elle est toujours sous contrat, mais que son projet est d’avoir sa propre exploitation. Et c’est là que tout bascule, car justement « il connaît quelqu’un qui cherche un repreneur, mais qui ne trouve pas ». Très vite, elle rencontre l’exploitant, maire de la ville où se trouve la ferme, qui est engraisseur de porcs en bâtiment pour une coopérative. Elle lui parle de son projet d’élevage de PBO, et il est immédiatement emballé par l’idée et la détermination de Victoria. Entre eux le courant passe, l’affaire se conclut. L’exploitation est vieillissante, mais ça n’effraie pas Victoria. Elle signe une rupture conventionnelle. Le rêve se concrétise.

Devenir cheffe d’entreprise

Elle fait un stage de parrainage avec le vendeur, adhère au syndicat des Jeunes Agriculteurs du Morbihan et s’embarque dans le chemin compliqué de la création d’entreprise. Elle achète l’exploitation en janvier, soit un an après son opération, et devient « l’heureuse propriétaire de crédits sur 25 ans ! ». Elle achètera ses premiers porcelets PBO en avril et mai. Dix mois plus tard, Victoria est à la tête d’une exploitation de 1 260 porcs de race standard, en bien-être animal, ce qui lui assure un petit SMIC pour vivre et rembourser les crédits. Elle possède aussi une cinquantaine de PBO, 6 ha de bois, 3 ha de prairie pour ses animaux en plein air et 24 ha de terre qu’elle cultive. Elle a réalisé des travaux avec son compagnon, « Finalement, il est content de s’investir dans la rénovation de la ferme » s’amuse-t-elle. On imagine la charge de travail qu’elle abat, mais… « J’adore ça, c’est ma vie, mon métier, ma passion ! ». Une année après l’achat de sa ferme, elle commence à vendre son porc à la caissette. Elle a réussi.

agricultrice-cellesquiosent-CQO

Du présent à l’avenir

Souffres-tu de la discrimination des hommes ?

Bien sûr, je n’ai pas pu m’empêcher de lui poser cette question. Sa réponse est plutôt mitigée, craintive ? « C’est plutôt de la discrimination positive, les hommes aiment bien aider les filles, les conseiller… Ils m’ont beaucoup aidée et continuent de le faire. Il y a une bonne entraide entre agriculteurs. Si on a besoin d’une machine ou autre… Moi, je n’ai pas encore beaucoup d’engins agricoles. Après, ma prise de parole au sein du canton est toujours timide, car j’ai l’impression que je ne peux pas mieux savoir qu’eux… je suis jeune, une femme, mais surtout je ne suis pas une enfant du pays ». Elle ne se sent pas encore légitime.

Comment gères-tu tout ton travail ?

« Je gère ! Mon travail à la ferme passe en priorité. Je suis active dans les JA parce que c’est important politiquement, je ne peux pas ne pas m’y intéresser. La place de l’agriculture est cruciale, elle nous nourrit ! […] Tout le côté administratif, je le fais un peu à la dernière minute et ce n’est pas ce que je préfère. […] La maison, le ménage, les courses et tout ça, je déteste, mais je participe à l’effort de mon compagnon dans ce domaine ! […] Je m’octroie une pause pour l’instant, quelques samedis après-midi quand je répète avec mon groupe de musique. Mais ce n’est pas du plein temps ! La dernière fois, j’avais une mise bas, alors je faisais le va-et-vient entre ma truie et ma basse ! »

Et la maternité, tu y penses ?

« Il y a quelques années, je ne voulais pas d’enfant… vu ce que j’ai fait subir à ma mère… j’avais trop peur qu’il m’arrive la même chose et que je sois hyper sévère. Il fallait que je me pose : pour moi, on ne fait pas d’enfant sans travail stable… Maintenant, je suis prête et mon chéri aussi. Cela n’a pas toujours été simple entre nous… Je travaille beaucoup, mais si je réfléchis trop, ce ne sera jamais le bon moment ! ».

Quels sont tes projets à court terme ?

« Je souhaite acheter la maison sur l’exploitation que nous louons pour l’instant.  Je souhaite rapidement vendre ma production au détail sur les marchés et faire de la vente directe à la ferme. Faire du local, privilégier le circuit court. J’ai encore beaucoup de travaux à faire pour ouvrir mon exploitation au public. »

 

Sa réussite, Victoria ne la doit qu’à elle-même. L’enfance, la famille, le parcours ont évidemment eu une influence sur sa détermination, très palpable. La vie est faite d’obstacles, mais aussi d’opportunités qu’il faut savoir, pouvoir saisir. Les bonnes conditions ne sont pas toujours réunies, les planètes pas forcément bien alignées, mais ce que nous dit ce témoignage c’est que rien n’est impossible pour Celles qui osent !

Stéphanie Skoczek, pour Celles qui Osent 

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Interview de Daphné Leblond, réalisatrice de « Mon nom est Clitoris »

Dans Interview
31 mars 2021

Daphné Leblond est réalisatrice-monteuse de films. Elle s’est fait connaître grâce au documentaire, réalisé avec son amie Lisa Billuart-Monet, intitulé Mon nom est Clitoris, sorti en juin 2020. « Nous avons souhaité faire le film que nous aurions voulu voir adolescentes ». Ce long-métrage, un dialogue libre et authentique entre jeunes femmes autour de la sexualité féminine, a remporté le Magritte du meilleur documentaire.

Daphné travaille actuellement sur deux autres longs-métrages abordant la sexualité des hommes de 20-30 ans et des quinquagénaires lors de la ménopause. Celles qui Osent retrace le parcours d’une réalisatrice prometteuse. 

Une jeune réalisatrice-monteuse de films : Daphné Leblond

Dernière d’une famille de cinq enfants, Daphné Leblond est issue d’un milieu plutôt bourgeois aisé parisien, « ce qui explique peut-être que j’ai pris quelques petites libertés dans mon parcours ! » Son père, enseignant chercheur en mécanique des solides à l’université de Jussieu, et sa mère, au foyer, valorisent beaucoup la culture. « Nous n’avons jamais eu de télévision, mais nous avions un home cinéma et chaque soir nous regardions quantité de séries ou de films. J’allais beaucoup au cinéma avec mon frère. J’ai choisi le 7e art pour son caractère populaire, accessible ; à présent, ce n’est plus vraiment le cas lorsque l’on réalise que la place est à plus de dix euros. »

Adolescente, Daphné rêve de devenir réalisatrice, car « j’ai grandi avec l’idée qu’il fallait s’orienter ver un métier passionnant avant tout. » Peu d’établissements scolaires en France préparent ce métier. Par ailleurs, l’agrégation de cinéma n’existe pas : « c’est assez révélateur sur la reconnaissance de cette matière ! » 

Après une prépa littéraire, elle entre à l’école normale supérieure (ENS) pour s’assurer un avenir universitaire. Elle enchaîne ensuite avec un master II Recherche en Cinéma à la Sorbonne-Nouvelle, puis entre sur concours à l’INSAS de Bruxelles, en section montage/scripte. Cette école supérieure des arts du spectacle et des techniques de diffusion et de communication de la Fédération Wallonie-Bruxelles dispose d’une solide formation en cinéma. « Je voulais découvrir un métier technique passionnant et sécurisant. En montage, on en apprend beaucoup sur les films que l’on monte. J’avais cependant des envies de réalisation ! »

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Mon nom est clitoris, un documentaire sur la sexualité 

Le clitoris, continent inconnu et effacé

Dans le documentaire Mon nom est clitoris, Daphné et Lisa filment un dialogue libre entre jeunes femmes autour de la sexualité féminine, abordant le clitoris comme « un continent inconnu », et les tabous autour du sujet.  « L’effacement du clitoris est le symbole de la méconnaissance et de la censure de la sexualité des femmes cisgenres ». Les personnes interrogées racontent les événements qui leur ont « vraiment porté préjudice » dans leur rapport à leur sexualité. Elles dénoncent aussi les injonctions sociétales sur les pratiques sexuelles admises ou non. Daphné et Lisa enregistrent sans contexte superflu, de jeunes femmes, au sein de leur intimité. Elles les questionnent simplement, et leurs réponses spontanées, sincères et drôles nous touchent. Elles se livrent avec beaucoup de pudeur et d’honnêteté et soulèvent les problématiques de notre société qui tend à laisser les jeunes filles ignorantes de leurs anatomies et de leurs plaisirs.

Dans le DVD, six personnes interrogées ont été filmées quatre ans plus tard, “et il y a beaucoup de choses qui ont changé !”

Une visée pédagogique

À travers ce documentaire, les réalisatrices souhaitent “changer le monde, faire valoir le droit des femmes à une éducation sexuelle informée, délivrée des contraintes et des tabous”. En se documentant pour le tournage, Daphné découvre le rapport Hite, une enquête révolutionnaire sur la sexualité humaine publiée en 1976 par la sexologue Shere Hite, menée de façon anonyme auprès des femmes et des hommes américains. “C’est la base. N’importe quel adolescent devrait le lire !”

De par sa visée pédagogique, le film est diffusé et distribué dans une centaine de Planning familial en Belgique. Il est utile et salvateur, pour toutes celles qui osent être en quête d’une sexualité épanouissante, libre et égalitaire. 

Deux films “miroirs” en projet

“Le film a acquis une petite notoriété.” En 2020, il remporte le Magritte du meilleur documentaire et le prix France TV Des images et des Elles.

Tourné avec les “moyens du bord”, le long-métrage devait être autoproduit, mais une rencontre avec une productrice a aidé les réalisatrices à financer la fin du tournage. “Nous avons osé des naïvetés, car nous avons eu une grande liberté de réalisation. Nos producteurs nous ont laissés maîtres de nos choix. Ce film à notre âge.”

Complices, les deux jeunes femmes prennent beaucoup de plaisir à travailler ensemble. “Nous sommes désormais considérées comme des professionnelles : nous avons réussi à trouver des partenaires pour nos projets.” Leur prochain long-métrage portera sur la sexualité de jeunes hommes entre 20 et 30 ans. “Nous travaillons également sur un troisième film abordant ce même sujet auprès des femmes de plus de 50 ans, pendant et après la ménopause. Il traitera aussi de la transmission du féminisme à travers les générations.”

 

Daphné Leblond, qui travaille actuellement pour M6, aimerait pouvoir se nourrir d’une émulation artistique, échanger avec d’autres réalisateurs, propice à l’inspiration et à la création riche. “Mon énergie vient des autres et en période Covid-19 c’est compliqué ! ” Le DVD Mon Nom est clitoris est sorti le 2 mars 2020 et le VOD en avril 2021. Celle qui “réalise des films accessibles à tous” nous proposera bientôt d’autres longs-métrages didactiques, à partager sans modération auprès de notre entourage ! 

Violaine B, Celles qui Osent

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1 Comment
    Lulu, fille de Marin, par Alissa Wenz | Celles qui osent says: Reply
    janvier 4th 2021, 5:19

    […] plus de temps en compagnie de Lulu, procurez-vous son livre témoignage, ou lisez l’interview d’Alissa Wenz, sa petite fille […]

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