Hildegarde de Bingen est une abbesse allemande connue pour son érudition dans une société médiévale cloisonnée. Entrée dans les ordres à l’âge de 8 ans, elle a réussi, grâce à sa persévérance et sa curiosité, à devenir une personnalité incontournable de son époque, dans des domaines aussi variés que la spiritualité, la médecine, mais aussi la musique liturgique et politique. Compositrice, érudite, écrivaine et guérisseuse du XIIe siècle, elle a fondé deux monastères et écrit plusieurs livres qui sont devenus des références dans le domaine de la nutrition et du mystique. Sa vision holistique de la santé et de la guérison, basée sur la modération plus que l’ascétisme, fait écho aux pratiques de médecine dite alternative. Elle met en avant l’importance d’un mode de vie qui considère l’équilibre personnel comme le résultat du bien-être physique, mental et spirituel, ce qui fait d’elle une référence toujours actuelle, autant dans le domaine du bien-être que du féminisme.
La vie d’Hildegarde de Bingen
Hildegarde de Bingen, des visions et des guides
Hildegarde de Bingen naît en 1098 en Allemagne et passe la plus grande partie de sa vie dans un monastère. En effet, dès l’âge de huit ans, ses parents la confient, comme 4 autres de ses frères et sœurs, au couvent. Elle est confiée par sa famille à l’évêque de Mayence pour recevoir une éducation religieuse.
Cette éducation, basée sur le travail manuel et intellectuel, l’étude de la genèse et la liturgie, restera la base de toute sa vie. Elle fait constamment référence à la genèse lorsqu’elle prend la parole, alors qu’elle voyage, plus tard, pour répandre la parole de Dieu.
Elle entre donc enfant au monastère de Disibodenberg où elle vivra les 40 premières années de sa vie. Elle commencera à y écrire des livres sur la religion et la spiritualité, tels que :
- le Livre des Œuvres divines ;
- le Livre des mérites de la vie.
Depuis enfant, Hildegarde voit des choses. Elle rapporte dans Vita sanctae Hildegarde, manuscrit qui raconte sa vie et auquel elle a elle-même participé, avoir des visions prophétiques qu’elle transmet autour d’elle, aussi bien dans ses courriers ou ses entretiens. Hildegarde ne fait pas de différence et œuvre aussi bien auprès des membres du clergé que des paysans voisins ou des citadins.
Une voix qu’elle entend qui la guide sur son chemin spirituel et l’exhorte dans la fondation d’un nouveau monastère en 1136. Elle la fait bâtir au milieu d’une nature peu accueillante et s’y installe avec 80 sœurs. Là, elle participe pleinement à la formation de ses semblables, avec bienveillance. Elle y vivra jusqu’à sa mort en 1179, à l’âge de 81 ans.
Hildegarde dissimule l’existence de ses visions pendant 40 années. Après les avoir révélées à Saint Bernard, abbé de Disibodenberg, elle commence à écrire, encouragée par son confesseur.
Hildegarde de Bingen, une érudite médiévale
Par ailleurs, elle prend de nombreuses notes sur ses pratiques de guérison, qui font toujours office de référence au XXIe siècle, notamment au niveau nutritionnel. Dans un ouvrage intitulé Physica, elle consigne ses connaissances et découvertes botaniques. Dans un second, intitulé Causae et curare, elle consigne des recettes de remèdes et e cures, en plus d’un récit des origines.
Hildegarde de Bingen anticipe ainsi de nombreuses pratiques modernes de médecine holistique, et partage ses talents de guérisseuse auprès de ses sœurs et visiteurs de passage au monastère. En effet, le concile de Clermont interdit en 1130 la pratique de la médecine (jusque là répandue) dans les monastères.
Hildegarde de Bingen a aussi entretenu une incroyable correspondance, d’environ 400 lettres, adressée aux grands hommes de son époque. Rappelons qu’elle est née avec les croisades, dans une époque troublée par les guerres de religion.
Elle compose également des cantiques et des louanges en latin. Selon elle, la musique et le chant participent à l’élévation vers Dieu.
600 ans après Hildegarde de Bingen, une autre femme s’est imposée dans un milieu masculin et dangereux, celui de la piraterie. Si tu aimes les histoires (vraies) d’aventurières audacieuses, découvre la vie d’Anne Bony, pirate féminine devenue icône féministe.
Hildegarde de Bingen, une femme médecin en avance sur son temps
Hildegarde de Bingen a apporté une contribution majeure à la médecine et la pharmacopée de son époque. Elle a en effet étudié les propriétés médicinales de plus de 200 plantes différentes et les a incorporées dans ses traitements.
Ses écrits sont redécouverts au début du XXe siècle, par l’intermédiaire du Dr Gottfried Hertzka qui reçoit Causae et curare en cadeau. Il l’étudie et y découvre les vertus cicatrisantes de l’achillée millefeuille, comme décrites par Hildegarde. Grâce à cette plante, il soignera de nombreux blessés durant la Première Guerre mondiale.
La théorie des humeurs d’Hildegarde
Elle a également développé des théories sur la façon dont les émotions peuvent affecter la santé physique, anticipant ainsi les concepts modernes de psychosomatique. Elle le nomme la théorie des humeurs, qui repose sur la description de 4 tempéraments :
- bilieux ou colérique ;
- sanguin ;
- flegmatique ;
- mélancolique ou nerveux.
L’abbesse avant-gardiste y associe des traits physiques. Connaître son tempérament permet de savoir quelle nourriture choisir pour éviter tout déséquilibre. Car dans la théorie hildegardienne, le déséquilibre des humeurs devient la cause principale du développement des maladies, en lien direct avec une nourriture non adaptée, mais aussi une trop grande colère, de la tristesse ou de la mélancolie. À ce titre, Hildegarde préconise des aliments dits « de la joie ».
Les aliments de la joie d’Hildegarde de Bingen
Hildegarde explique l’effet des plantes sur le corps et l’esprit en observant leurs conditions de croissance. Elle explique ainsi :
« Certaines plantes poussent grâce à l’air et elles deviennent légères à digérer et de nature joyeuse, si bien qu’elles rendent joyeuse la personne qui les mange ».
Selon elle, les aliments de la joie constituent une base essentielle et suffisante au maintien du bien-être. L’alimentation de la joie se compose de :
- L’épeautre, préconisé, car facile à digérer et met l’allégresse dans l’esprit de l’homme ;
- les châtaignes, à consommer crues, qui donnent force et joie ;
- le fenouil, qui rend le cœur joyeux ;
- le psyllium, qui réjouit l’esprit des hommes ;
- Les épices chaudes, comme le gingembre, la cannelle et le clou de girofle, car elles ont des propriétés stimulantes pour les fonctions de digestion ;
- le néflier, qui purge le sang ;
- l’huile de noix, qui donne la joie à l’esprit ;
- le poivre, qui, lui aussi, donne un esprit joyeux.
De nombreux autres aliments sont décrits par Hildegarde de Bingen. Elle les classe notamment en fonction de :
- subtilité, ou vertus curatives ;
- viridité, ou la vigueur de l’aliment ;
- l’état de santé de la personne et de sa corpulence.
Ainsi, bien avant l’avènement des médecines dites alternatives et loin des régimes à la mode, Hildegarde a décrit une alimentation saine, basée sur un bon sens naturel. Elle préconisait le discernement et la juste mesure. Sans instrument d’auscultation ou d’analyse, son esprit aiguisé a décelé les effets néfastes de la suralimentation :
« Tu remplis tellement ton ventre que tes veines en sont malades jusqu’à la folie ».
Elles restent (très) peu médiatisées, mais certaines femmes ont réussi à passer le tamis du temps et des garde-fous de leur époque pour faire entendre leur voix. On vous présente des femmes philosophes qui, comme Hildegarde de Bingen, ont marqué l’histoire de la pensée.
Les enseignements d’Hildegarde de Bingen pour le monde contemporain
L’importance de la nature et de la spiritualité dans l’œuvre d’Hildegarde de Bingen
Hildegarde de Bingen a consacré une grande partie de son œuvre à la nature et à la spiritualité. Elle croyait que la nature correspondait à une manifestation de la divine sagesse et que l’homme devait vivre en harmonie avec elle pour rester en paix avec lui-même et avec Dieu.
Dans ses mémoires, elle décrit en détail la nature qui l’entoure, ses forces, ses propriétés curatives et établit des liens entre l’environnement et le corps humain. Elle a également exprimé son amour pour la nature à travers ses créations poétiques et musicales.
Sa spiritualité était centrée sur la vision mystique, qu’elle semble avoir expérimentée dès l’âge de 3 ans, et l’expérience directe de Dieu, qu’elle considérait comme une source de sagesse et de guérison. Son dialogue constant avec la déité l’a guidée dans toutes ses entreprises.
Hildegarde de Bingen a, sans le savoir, ouvert la voie des femmes vers les domaines scientifiques, notamment médicaux. Continuons à ouvrir cette voie à nos filles en luttant contre les stéréotypes de genre dans les domaines scientifiques et mathématiques.
Les pratiques de santé naturelles et holistiques d’Hildegarde de Bingen
Hildegarde de Bingen était connue pour ses pratiques de guérison naturelles et holistiques. Elle croyait que la santé physique, émotionnelle et spirituelle était étroitement liée au lien équilibré que chaque individu pouvait entretenir avec la nature et avec Dieu.
Ainsi, elle a utilisé des plantes médicinales, des régimes alimentaires, des bains et des massages pour soigner les maladies et promouvoir la santé, à une époque où les habitudes varient entre bourgeoisie et paysannerie, entre ville et campagne.
Elle propose de nombreux préceptes qui sont repris tout au long du moyen-âge (et qui ressemblent curieusement aux principes d’autres médecines ancestrales comme l’ayurveda), tel que :
- commencer par manger chaud ;
- ne pas manger trop chaud ;
- éviter les crudités ;
- choisir des aliments peu transformés ;
- épicer tous ses plats ;
- etc.
Dans le même ordre d’idée, Hildegarde de Bingen a également développé une gamme de produits de santé naturels tels que des toniques et des onguents, à préparer au moment où les ingrédients sont disponibles dans la nature. Par exemple :
- l’électuaire aux poires correspond à une purge à prendre en automne ;
- la boisson à la violette, qui lutte contre la dépression saisonnière, se prépare et se consomme entre mars et avril ;
- la boisson l’absinthe, qui assainit l’organisme, se prépare entre mai et octobre ;
- etc.
Les leçons féministes que nous pouvons tirer de la vie d’Hildegarde de Bingen
Hildegarde de Bingen était une femme exceptionnelle de son temps, qui a réussi à se faire une place dans un monde dominé par les hommes. Elle reste un exemple inspirant de l’émancipation féminine, car elle a œuvré ardemment pour faire entendre sa voix dans un monde qui ne l’écoutait pas toujours.
L’une des leçons les plus importantes à tirer de la vie et de l’œuvre d’Hildegarde de Bingen reste qu’il est possible pour les femmes de prendre la parole et d’avoir une influence sur la société, même dans des conditions difficiles. Elle a suivi sa vocation de religieuse et de guérisseuse tout en menant une vie intellectuelle active, ce qui était rare pour les femmes de son époque.
Hildegarde de Bingen a également montré l’importance de la persévérance et de la détermination pour atteindre ses objectifs. Elle a travaillé pour étudier, écrire et partager ses connaissances, même si cela impliquait de défier les normes sociales de l’époque. Elle a persévéré malgré les obstacles et les critiques et a fini par devenir une figure respectée pour son érudition et ses conseils avisés.
La moniale érudite a montré que la connaissance de soi reste essentielle pour trouver sa voie. La sienne est passée par l’expression de sa foi, mais chacune peut trouver son domaine d’expression et se révéler. Ainsi, Hildegarde de Bingen reste un exemple inspirant pour les femmes qui cherchent à s’émanciper et à trouver leur chemin dans un monde qui leur est souvent hostile.
Enfin, avec sa vision holistique de la santé et les liens permanents qu’elle tisse entre la nature et l’organisme humain, Hildegarde de Bingen semble être la première écoféminisme. Ce mouvement, né en 1980, regroupe des écologistes et des féministes engagés dans le mouvement international antinucléaire. L’écoféminisme est défini par une philosophie qui propose une vision compréhensive et unifiée de la vie, où chaque personne et chaque force vitale est dépendante de l’autre. L’écoféminisme vise ainsi à dépasser les conflits entre les genres, tout en se concentrant sur la sauvegarde de la planète.
En conclusion, Hildegarde de Bingen reste une figure emblématique de la culture médiévale européenne tout en cultivant une vision du monde en accord avec les préoccupations de ce début de XXIe siècle. Sa vie et son œuvre ont laissé une marque indélébile dans de nombreux domaines, comme la musique, la théologie, la médecine et la pharmacopée. Son travail met également en avant l’importance de la nature et de la spiritualité dans le maintien de la santé. Devenue une icône, Hildegarde met en avant la nécessité de reconnaître les contributions des femmes à l’histoire de la pensée et de la culture.
Hildegarde de Bingen laisse derrière elle de nombreux ouvrages essentiels, tels que Scivia et Liber Vitae Meritorum, qui continuent d’influencer et d’inspirer de nombreu-ses créateurices et artistes contemporain-nes, tous domaines confondus. Ainsi, son héritage va au-delà de ses écrits et rejoint les préoccupations actuelles de préservation de l’environnement et de vie en harmonie avec l’environnement.
Perrine Nicolas, rédactrice Web SEO, La rédac’ bien-être
Sources :
https://www.editionsleduc.com/produit/2768/9791028524364/ma-bible-hildegarde-de-bingen
https://www.radiofrance.fr/franceculture/hildegarde-de-bingen-guerisseuse-visionnaire-7866364
https://www.liberation.fr/france/2017/12/09/l-ecofeminisme-c-est-quoi-au-juste_1614544/
