« Femmes, vie, liberté » : en Iran, les femmes risquent leur vie en enlevant leur voile

Mi-septembre, Masha Amini, jeune Iranienne de 22 ans, a été arrêtée par la police à Téhéran parce que son voile « n’était pas mis correctement », selon les autorités. Peu après son arrestation, elle est tombée dans le coma, et a été transférée à l’hôpital pour « problèmes cardiaques », où elle est décédée, sans aucune explication de la police des mœurs. Depuis, de violentes manifestations ont éclaté en Iran, et les Iraniennes enlèvent leur voile, en pleine rue, en criant « Femmes, vie , liberté » afin de protester contre le régime théocratique…

Avec la révolution islamique, le voile devient obligatoire en Iran

Pour comprendre le contexte actuel, il faut remonter en 1941, date où le dernier shah d’Iran, Mohammad Reza Pahlavi, prend la tête de la monarchie iranienne, et sera par la suite aidé par les Américains pour consolider son pouvoir. Mais la corruption du monarque et la violence exercée par ses services secrets font naître de nombreuses contestations, notamment religieuses. En 1964, l’Ayatollah Khomeiny, l’un des leaders de l’opposition religieuse, est arrêté puis contraint à l’exil par le régime. Les manifestations s’intensifient, et sont de plus en plus réprimées par la monarchie. Conscient de l’augmentation du nombre d’opposants religieux, le Shah prend plusieurs mesures pour faire cesser l’influence de l’islam sur l’Empire, en accordant par exemple  le droit de vote aux femmes. Mais les manifestations s’intensifient, et la famille impériale est contrainte de quitter l’Iran. L’Ayatollah Khomeiny en profite pour revenir à Téhéran, et forme un gouvernement provisoire.

Ainsi, depuis la révolution islamique, en 1979, le voile est obligatoire pour toutes les filles, dès la puberté, et ce dans tous les lieux publics. Il va de pair à une tenue vestimentaire stricte, pouvant faire l’objet de contrôles réguliers de la part de la police des mœurs, ce qui est arrivé à Mahsa Amini. Ce contrôle du corps des femmes n’a subi aucun changement depuis 1979, et s’applique aussi aux relations entre les deux sexes. Par exemple, un homme et une femme non mariés ne peuvent s’adresser la parole en public sans une raison bien précise, et cela peut faire l’objet de contrôles par la police. Dans une interview accordée au Figaro, Suzanne Almayesh, écrivaine française dont les parents sont iraniens, et réfugiés en France, affirme que le retrait du voile est une condition de la liberté des femmes en Iran :

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« Tant que le voile sera imposé aux femmes, tant que leur tenue vestimentaire sera codifiée, surveillée, tant qu’elles seront contrôlées et réprimées en fonction de la manière dont elles se maquillent et s’habillent, elles ne seront pas libres. »

Tahéreh Qorrat ol-Eyn, première Iranienne a avoir enlevé son voile

Tahéreh Qorrat ol-Eyn est née en Iran, en 1817, dans une famille religieuse. Son père éduque les mollahs et les garçons dans une école, et donne des cours particuliers à sa fille, faisant d’elle une femme lettrée. Elle développe ses savoirs sur l’Islam, et apprend le perse et l’arabe. À l’âge de 13 ans, elle est mariée de force à un cousin conservateur, avec qui elle a trois enfants. Après la naissance de ses enfants, elle commence à s’opposer à sa famille, et entame une correspondance avec Sayed Kazem Rashti, un penseur réformateur, contestataire du pouvoir, et la tête d’une école religieuse. Tahéreh Qorrat ol-Eyn quitte alors sa famille pour l’actuel Irak, pour rencontrer Sayed Kazem Rashti. À son arrivée, après un long voyage, ce dernier est décédé, et ses disciples proposent à Tahéreh Qorrat ol-Eyn de prendre sa place.

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Ses cours deviennent subversifs : elle revendique ouvertement l’égalité hommes-femmes et critique la loi islamique. Elle répudie officiellement son mari, mais devient la cible de nombreuses critiques. Lors d’une conférence religieuse organisée en 1848, où elle est la seule femme, elle décide d’enlever son voile, pour renvoyer le pouvoir tyrannique à sa propre hypocrisie. Peu de temps après, elle est emprisonnée, et écrit ses plus beaux poèmes durant sa captivité. Impressionné, le tout jeune shah d’Iran la demande en mariage, ce qu’elle refuse. Elle est alors condamnée à la peine capitale à l’âge de 35 ans, et prononce ces paroles prophétiques avant de mourir : « Vous pouvez me tuer quand vous voulez, mais vous ne pouvez pas arrêter l’émancipation des femmes ».

Le destin tragique de Mahsa Amini, morte pour avoir enlevé son voile

Depuis sa mort, Mahsa Amini est devenue un symbole de l’oppression des femmes en Iran, mais aussi celui d’une société régie par un pouvoir rétrograde et archaïque. Sa disparition a réveillé une rage présente chez les Iraniennes et un sentiment de lassitude causé par le pouvoir en place. En 2017, Vida Movahed, une Iranienne de 31 ans, avait enlevé son foulard en pleine rue. Debout, sur un compteur électrique, la jeune femme avait agité son foulard blanc dans l’air, à la manière d’un drapeau de la paix, dévoilant sa chevelure brune et bouclée. Elle avait été emprisonnée, puis relâchée quelques semaines plus tard à l’issue de manifestations ayant secoué le pays. Une trentaine de femmes avaient alors suivi le mouvement, ensuite muselé par le gouvernement.

Selon l’association Iran Human Rights, 304 personnes, dont 41 enfants, seraient mortes dans les manifestations, actuellement fortement réprimées par le pouvoir en place. Les dernières émeutes, datant de 2019-2020, avaient environ 1500 morts. Internet a été coupé par le régime autoritaire pour éviter que les Iraniens ne se rendent sur les réseaux sociaux. Les manifestants, hommes et femmes, se rassemblent lors de rassemblements pacifistes durant lesquelles ils crient les mots « Femmes, vie, liberté ». Selon The Guardian, les révoltes actuelles sont la plus grande menace que n’ait jamais connue le régime au pouvoir, depuis la révolution islamique de 1979.

Victoria Lavelle pour Celles qui Osent

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