Mitra Hejazipour, exilée iranienne et championne d’échecs

C’est une histoire à la Netflix, que l’on aurait pu retrouver dans la série Le jeu de la dame. Mitra Hejazipour, d’origine iranienne, à tout juste trente ans, a été sacrée championne de France le 27 août dernier. Une victoire qui survient cinq mois après sa naturalisation française. Mais Mitra Hejazipour, c’est aussi un destin iranien, marqué par l’exil en 2019, pour avoir refusé de porter le voile.

Les échecs : une passion familiale

Mitra naît en 1993 à Mechhed, au nord-est de l’Iran. Elle découvre les échecs à l’âge de six ans dans la cellule familiale, et parvient à battre les adultes contre lesquels elle joue dès ses 7 ans. Ses parents décèlent un don, et l’encouragent à poursuivre sa passion pour les échecs. Elle joue près de six heures par jour, et ces heures passées à s’entraîner payent : en 2003, elle participe aux championnats du monde des moins de 10 ans, et remporte la médaille d’argent.

En 2012, à seulement 19 ans, Mitra Hejazipour devient championne féminine d’Iran, puis championne d’Asie en 2015. La même année, elle s’impose définitivement sur la scène mondiale des joueurs d’échecs, car lui est décerné le très prestigieux titre de « grand maître international » par la Fédération. Il rassemble les meilleurs joueurs au monde et est décerné à vie. Mitra Hejazipour est la deuxième Iranienne à être sacrée grand maître, à seulement 22 ans.

annonce sortie livre Patiente de Violaine Berlinguet

Mitra Hejazipour, paria iranienne

En 2016, le championnat du monde d’échecs féminin se tient à Téhéran, mais ce dernier est boycotté par une joueuse américaine qui refuse de porter le voile lors de la compétition, et lance une pétition. Bien qu’anti-voile, Mitra Hejazipour s’oppose au boycott, et évoque un « championnat très important pour les femmes iraniennes « , qui constitue une occasion « pour que nous montrions nos forces », dans une interview accordée au quotidien anglais The Guardian.

Trois ans plus tard, en 2019, l’Iran est à feu et à sang. Les Iraniens manifestent dans la rue contre la hausse du prix du carburant, et sont très violemment réprimés. Près de 200 personnes perdent la vie au cours des manifestations. Mitra Hejazipour, alors à Moscou pour les championnats du monde d’échecs, refuse de jouer voilée. Elle confie dans une interview accordée à France Info :

Lien vers des formations en écriture digitale

« Cela faisait presque vingt ans que je jouais pour l’équipe nationale d’Iran, et dans tous nos voyages, des agents nous accompagnaient et nous obligeaient à nous habiller comme ils voulaient. J’en avais marre de tout ça. La liberté est la chose la plus importante pour moi et les femmes en Iran. »

Mitra Hejazipour est aussitôt exclue de l’équipe iranienne d’échecs. Deux ans plus tôt, Dorsa Derakhshani avait également été exclue de l’équipe nationale pour avoir refusé de porter le hijab.

L’exil en France, dans un club d’échecs à Brest

Mitra Hejazipour intègre le club d’échecs de Brest, après avoir été accueillie dans le Finistère, et obtient l’autorisation de concourir en France. C’est Reza Salami, adjoint au maire de la ville, iranien d’origine et également joueur d’échecs classé, qui la convainc de rejoindre le club local. Elle apprend le français, et s’inscrit en licence d’informatique. Une fois sa licence achevée, la joueuse iranienne quitte la Bretagne pour Paris, où elle intègre un master dans une école d’ingénieurs. Mitra Hejazipour obtient la nationalité française en mars 2023, puis remporte le titre de championne de France cinq mois plus tard.

En septembre 2022, l’Iranienne Mahsa Amini décède après avoir été arrêtée par la police des moeurs pour un motif relatif à sa tenue. Depuis, des actions de désobéissance civile se multiplient à travers le pays, et la répression envers les Iraniens et les Iraniennes s’est accentuée. Dans une interview accordée sur France info, Mitra Hejazipour s’enthousiasme devant la révolte menée par les femmes de son pays  :

« Quand je vois les images et les vidéos de l’audace des femmes iraniennes devant les armes des forces de l’ordre, c’est extraordinaire ce mouvement ! Son ampleur est inédite et témoigne de la maturité de la société. »

Victoria Lavelle pour Celles qui Osent

Celles qui osent instagram
Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.