La culture drag s’est démocratisée, et fait aujourd’hui partie de nos représentations culturelles. On retrouve des spectacles de drag queens partout dans le monde, et des émissions comme RuPaul’s drag race sont devenues des phénomènes globaux. Le monde des drags artistes ne se limite plus au monde de la nuit, et dispose aujourd’hui d’une large visibilité. Mais d’où vient la culture drag ? Depuis combien de temps existe-t-elle ? Celles qui Osent revient sur l’histoire des drag queens.
La culture drag : des racines dans le théâtre
La culture drag trouve certaines de ses racines dans le théâtre, où le travestissement, terme employé à dessein, était courant. Par exemple, durant l’Antiquité, les hommes jouaient des rôles de femmes, ces dernières étant exclues des planches. On retrouve également cette situation dans le théâtre shakespearien, vers la fin du XVIe siècle, et le début du XVIIe. Le pouvoir de l’Église était alors très étendu, et la censure était chose courante. Ainsi, les couples hétérosexuels étaient toujours joués par deux hommes, pour éviter un potentiel scandale.
L’étymologie du mot « drag » est difficile à déterminer. Elle remonterait à la fin du XVIIIe siècle, et au terme « grand rag », signifiant un bal masqué. Une autre explication voudrait que le mot « drag » date en réalité du théâtre shakespearien, quand les femmes ne pouvaient se produire sur scène, en référence aux robes portées par les acteurs masculins, « that would drag on the floor » : « qui trainaient au sol ». Certaines figures de la culture drag sont d’ailleurs issues du monde du théâtre. C’est par exemple le cas pour Julian Eltinge, première personne à se proclamer « drag queen » au Royaume-Uni, dans la première moitié du XXe siècle. Julian Eltinge vient du vaudeville, ou « théâtre de boulevard », où le travestissement était, ici aussi, populaire. À la fin de ses pièces, ce dernier retirait sa perruque et révélait son sexe au public, qui demeurait incrédule.
Un moyen d’affirmation et d’émancipation
Certaines figures précurseuses de la culture drag en fait bien plus qu’une simple culture du travestissement, et l’ont transformé en moyen d’affirmation et d’émancipation. C’est par exemple le cas de William Dorsey Swann, un militant afro-américain, en faveur des droits LGBTQ+. Il est le premier, aux États-Unis, à s’identifier comme « drag queen ». Ancien esclave, il organise, dans les années 1880-1890 des bals costumés à Washington, durant lesquels il porte des robes, et où sont présents une majorité d’hommes, souvent des anciens esclaves. Ces rassemblements, illégaux, sont secrets. Il est arrêté plusieurs fois pour travestissement, puis est condamné en 1896 à dix mois de prison.
Cette tradition des bals renaît à New York, dans les années 1970. Durant ces bals, les participants étaient appelés à défiler, vêtus de leurs plus belles tenues, devant des juges qui leur remettaient des trophées en fonction de la qualité de leur prestation. C’est ainsi que les familles de drag queens sont nées. Les « drags mothers » guidaient les nouvelles recrues, et les aidaient à trouver leur propre style. En cas d’incompréhensions de la part de la famille, ce sont elles qui accueillaient les drags victimes de discriminations ou de violences. En parallèle, la lutte pour les droits des personnes LGBTQ+ av ait commencé aux États-Unis. Les descentes de police dans les bars gays, à la fin des années 1960, étaient courantes, et certaines drag queens se mêlaient aux émeutes. Le « gay libération front » fût ainsi créé, et les drag queens américaines trouvèrent leur place dans la communauté LGBTQ+.
Une culture populaire, devenue « tendance »
Aujourd’hui, les drag queens sont rentrées dans la culture populaire. Par exemple, en 2019, le thème du MET gala était « camp », un style vestimentaire inspiré de la culture drag, que la militante Susan Sontag définit par « l’amour de ce qui n’est pas naturel : l’artifice et l’exagération ». Il y a également l’émission de télé RuPaul Drag Race, créée en 2009 par RuPaul, une figure de la culture drag des années 1990. L’émission est devenue extrêmement populaire, et des tournées mondiales sont organisées avec les drag queens les plus talentueuses.
Aujourd’hui, des tendances comme le maquillage flashy et le contouring exubérant, ou le vogguing, une danse effectuée par des hommes portant de très hauts talons, sont directement issues de la culture drag. Pour certains, les spectacles de drag queens sont considérés comme un art à part entière, et de nombreux clubs et cabarets en ont d’ailleurs fait leur spécialité, sans que les revendications politiques n’y soient forcément présentes.
Si cet article vous a plu, je vous invite à lire notre article sur l’histoire des luttes LGBT+.
Victoria Lavelle pour Celles qui Osent