La deuxième moitié du XXe siècle a vu émerger une personnalité féminine influente dans le domaine artistique avant-gardiste. Celle-ci a développé une aptitude croissante à la diversification de ses activités, jusqu’à devenir incontournable. D’un tempérament fort, elle a su s’imposer, non seulement dans son pays d’origine, mais également au Royaume-Uni et aux États-Unis. Cette femme artiste, en avance sur son temps, n’est autre que Yoko Ono. Évidemment, son nom ne laisse pas indifférent, car on l’associe inéluctablement à celui de John Lennon, avec lequel elle a formé un couple mythique. Mais sa vie ne se limite pas à cet état de fait. C’est une artiste contemporaine avant tout, une militante activiste et une mère aimante. Découvrez dès à présent la biographie de Yoko Ono, une femme hors du commun.
Yoko Ono : les débuts d’une artiste d’avant-garde au féminin
Un style inspiré par le mouvement Fluxus
Née le 18 février 1933 à Tokyo, au Japon, Yoko Ono grandit dans une famille aisée qui l’initie très tôt aux arts et à la musique. Ses parents émigrent aux États-Unis en 1952, dans l’état de New York. Yoko Ono s’intéresse alors à toutes les disciplines artistiques, et s’essaie au théâtre et à la musique. Elle décide d’étudier dans une université d’enseignement libéral où elle rencontre un compositeur japonais, Toshi Ichiyanagi. Ils se marient en 1957 et partent vivre à Manhattan. Là, ils côtoient de nombreuses personnalités qui gravitent autour de l’avant-garde artistique et musicale. Plasticienne engagée dans la musique expérimentale, Yoko Ono participe activement au mouvement Fluxus, récemment apparu aux États-Unis. Cette nouvelle forme d’art moderne prône le caractère éphémère d’une œuvre, la rend vivante et participative. En parallèle, elle présente des performances et des expositions en tant qu’artiste indépendante.
Cut piece : un modèle de revendication féministe
En 1962, Yoko Ono divorce et retourne vivre au Japon, à Kyoto. Durant 2 ans, elle réalise des spectacles et des concerts. Elle rencontre alors Anthony Cox, un promoteur d’art américain, et se marie avec lui en 1963. Cette même année, ils ont une fille, Kyoko Chan. L’année suivante, elle présente pour la première fois Cut piece, une performance audacieuse qui s’imposera comme l’un de ses plus grands succès. Elle se met en scène, face au public, assise à même le sol et portant une robe. Les spectateurs sont invités, les uns après les autres, à découper un morceau de son vêtement à l’aide de ciseaux. Elle reste ainsi jusqu’au bout du processus, impassible, au point de devoir tenir son soutien-gorge pour ne pas finir nue. Cela démontre l’image de la femme en tant qu’objet sexuel, vulnérable face aux violences sexistes et à la domination sociale de l’homme. Cette performance sera reproduite en 1965 à New York, puis en 2003 à Paris.
En 1966, la famille Cox déménage en Angleterre, à Londres. C’est là, durant le vernissage de l’une de ses expositions, que Yoko Ono fait la connaissance du célèbre guitariste des Beatles, John Lennon.
Rencontre avec John Lennon : un couple mythique engagé
Un appel à la paix lancé par les deux artistes
Yoko Ono et John Lennon se rapprochent naturellement. Tout d’abord, parce qu’ils ont en commun un goût prononcé pour l’art et l’écriture. Ensuite, parce qu’en 1968, ils collaborent ensemble sur un album expérimental. Tous deux mariés, des tensions apparaissent dans leur couple respectif et ils finissent par divorcer. C’est alors qu’ils deviennent inséparables et s’unissent officiellement en 1969. Lors de leur lune de miel à Amsterdam, ils réalisent un bed-in. Cela consiste à passer une semaine en pyjama, assis dans leur lit, en compagnie de la presse, d’artistes et de spectateurs. Pour le couple, c’est l’occasion de manifester son désaccord concernant la guerre au Vietnam et revendiquer la paix dans le monde. Ils renouvelleront cette expérience la même année à Montréal.
Ils s’installent ensuite à New York où ils composent des chansons et enregistrent des albums ensemble. C’est alors qu’ils créent le groupe Plastic Ono Band, dans lequel John Lennon interprète Imagine, un hymne pacifiste, co-écrit avec sa femme. Parallèlement, Yoko Ono publie Fly, un album dédié à la recherche de l’équilibre et de la complémentarité entre corps et esprit, masculin et féminin. Un appel à la liberté, à la condition féminine, sujets récurrents dans ses œuvres antérieures…
Une vie privée ébranlée par le tumulte de la vie
Sa carrière professionnelle d’artiste éclectique lui permet de s’épanouir pleinement. Cependant, dans sa vie privée, Yoko Ono doit faire face à une tragédie familiale : l’enlèvement de sa fille Kyoko, alors âgée de 8 ans. En effet, le droit de garde de l’enfant est un sujet de discorde pour ses parents qui se battent pour elle depuis leur séparation. Mais, à la fin de l’année 1971, le père accapare Kyoko et l’emmène loin de sa mère, sans laisser d’adresse. John et Yoko ne cesseront de la chercher par tous les moyens, sans succès.
En 1975, Yoko Ono donne naissance à un fils, Sean Taro. Cet évènement signe le retrait du couple de la scène médiatique. Il se consacre alors à son engagement pour la paix dans le monde tout en continuant à travailler sur une grande variété de projets artistiques. Leur retour sur la scène publique a lieu en 1980, mais il est de courte durée : John Lennon est assassiné en pleine rue quelques mois plus tard, sous les yeux de sa femme.
La fin d’une vie publique fondée sur des valeurs bien ancrées
Une artiste toujours en éveil
La période qui suit ce nouveau drame dans la vie de Yoko Ono va malgré tout lui apporter un peu de réconfort. En effet, elle reçoit enfin une lettre de son ex-mari et de sa fille, alors âgée de 17 ans. Ils lui témoignent leur sympathie suite à cet évènement tragique, mais aucune adresse n’est mentionnée. Plus tard, le destin permettra tout de même à la mère et la fille de tisser les liens que Yoko Ono a tant voulu renouer.
Entre 1981 et 1984, l’artiste sort trois albums. Elle continue également à promouvoir la paix et s’impose comme l’une des figures les plus importantes du mouvement Peace & Love. Puis, elle s’éloigne de la musique afin de se consacrer à l’activité plastique, son premier domaine de prédilection.
En 1995, elle cherche à perpétuer le souvenir de son mari, chose qui lui tient particulièrement à cœur depuis sa disparition. En effet, elle contacte Paul McCartney, un ancien membre des Beatles, afin de mettre au jour une chanson posthume. Chaque ancien membre du groupe y ajoute sa touche personnelle, ce qui permet, en quelque sorte, de les réunir à nouveau. Free as a bird, écrit par John Lennon en 1977, est alors révélé au public.
Un fils présent à chaque instant
L’année suivante, elle collabore sur un album avec son fils, Sean, guitariste du groupe IMA. Comme toujours, elle y intègre une touche avant-gardiste, mouvement qui a forgé sa personnalité artistique. D’ailleurs, une rétrospective lui rend hommage à ce sujet, à New York, en 2001. Elle est intitulée Yes Yoko Ono et met l’accent sur la première partie de sa vie d’artiste. En effet, cette exposition explore sa position au sein de l’avant-garde internationale d’après-guerre et son influence. Elle met également en lumière son rôle précoce et central dans le mouvement Fluxus.
17 ans plus tard, elle reprend Imagine, chanté par John Lennon en 1971. Cette prestation rappelle son désir d’immortaliser le souvenir de son défunt mari et son irréductible besoin d’œuvrer pour la paix dans le monde.
Aujourd’hui très âgée, Yoko Ono a cessé toute activité publique. Elle vit encore aux États-Unis, épaulée par son fils, lui aussi artiste et militant, avec qui elle a toujours été très proche.
Durant toute sa vie, Yoko Ono a été une femme indépendante aux valeurs fortes. Elle a su mettre en avant ses idées à l’aide d’une multitude de profils artistiques. Ses œuvres et ses agissements reflètent le caractère audacieux d’une femme prête à aller au bout de ses convictions. Son combat pour la paix a été un engagement de toute une vie. Elle reste d’ailleurs, aux yeux de beaucoup, une référence du militantisme des années 1970 et 1980.
Mais, derrière l’artiste reconnue, se cachent une épouse et une mère dont le destin a durement touché les personnes qu’elle chérissait le plus.
Cet ensemble d’événements a sans doute contribué à lui forger une personnalité souvent controversée. Cependant, elle demeure l’une des femmes artistes engagées les plus éclectiques de notre époque, à l’image de Yayoi Kusama.
Delphine Robin, pour Celles qui Osent
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