Amrita Sher-Gil est une artiste peintre, pionnière de l’art moderne en Inde. Elle est née en 1913 à Budapest, d’un père indien, et d’une mère hongroise. Son style est marqué par des influences européennes, qu’elle mélange aux traditions picturales indiennes, conférant à ses toiles un caractère unique. Elle a largement contribué au rayonnement de l’art indien à travers le monde, et inspira toute une génération d’artistes, grâce à son avant-gardisme. Son travail a également modifié la représentation des femmes dans l’art pictural, jusque-là majoritairement peintes par des hommes, et donc empreint d’un certain male gaze.
Une enfance privilégiée, dans une famille d’artistes et d’intellectuels
Amrita Sher-Gil est née en 1913, à Budapest. Sa mère, hongroise, est chanteuse d’opéra, et son père, indien, est originaire du Penjab, un État du nord de l’Inde. Il enseigne le perse et le sanskrit à l’université. Ses parents se sont tous deux rencontrés un an plus tôt, alors que sa mère Marie-Antoinette Gottesman était venue visiter l’Inde. Elle grandit, avec sa sœur âgée d’un an de moins qu’elle, à Budapest, dans un cadre bourgeois et intellectuel. Elle est notamment encouragée par son oncle Ervin Baktay, prestigieux Indologue hongrois, à se perfectionner dans les arts plastiques, après avoir remarqué le talent de sa nièce, alors âgée de 13 ans.
En 1921, la famille est contrainte de déménager en Inde, à Shimla, dans l’Himalaya, en raison de difficultés financières. Passionnée de peinture depuis ses 5 ans, Amrita Sher-Gil commence à apprendre les bases académiques autour de ses 8 ans, et prend pour modèles les servantes de sa famille. Cette dernière étudia les grands maîtres italiens pendant un an, lors d’un séjour à Florence avec sa mère, avant de retourner en Inde puis de repartir pour l’Europe, pour intégrer les Beaux-Arts de Paris dans les années 30. C’est en France qu’elle découvrit les œuvres de Gauguin et de Cézanne. Paris, alors en pleine ébullition artistique et intellectuelle, plaît à la jeune Amrita de 16 ans, qui y expérimente également la liberté amoureuse, en ayant des relations bisexuelles.
Amrita Sher-Gil, une vie d’artiste entre l’Europe et l’Inde
Les premières œuvres d’Amrita Sher-Gil sont donc fortement influencées par l’art européen, en raison de ses différents séjours en Occident. Elle s’entraîne beaucoup à peindre dans les cercles bohémiens du Paris des années 30, et sa peinture à l’huile Young Girls la fait connaître auprès des académiques, puisqu’elle gagne la médaille d’or du Grand Salon de Paris en 1933. On peut y voir deux jeunes filles dénudées, en train de discuter et de s’apprêter. Le style est largement influencé par les traditions réalistes et postimpressionnistes françaises. Cependant, après quatre ans passés à Paris, Amrita Sher-Gil se lasse petit à petit de l’Europe, et revient en Inde pour y développer son art à la fin de l’année 1934.
De retour en Inde, elle s’intéresse d’abord à la peinture mohgol et à la tradition des miniatures, puis part voyager dans le sud du pays. Elle y peint des scènes de la vie de tous les jours et propose des toiles colorées et joyeuses, loin des représentations miséreuses que l’on retrouve dans certaines peintures dont les personnages sont indiens. Dans une lettre adressée à l’une de ses amies, Amrita Sher-Gil écrit :
« I can only paint in India. Europe belongs to Picasso, Matisse, Braque…. India belongs only to me » (je ne peux peindre qu’en Inde. L’Europe appartient à Picasso, à Matisse, à Braque… L’Inde n’appartient qu’à moi) ».
Elle décide alors de s’installer dans le pays de son père sur le long terme.
Amrita Sher-Gil, une œuvre féministe ?
L’œuvre d’Amrita Sher-Gil est-elle féministe ? L’artiste ne s’est jamais proclamée comme telle, mais ses toiles sont révolutionnaires à bien des égards. Elles montrent les Indiennes dans leur vie de tous les jours, sans les sexualiser ni en proposer une vision orientaliste. L’Inde rurale est également un thème qui lui est cher. Amrita Sher-Gil s’est également rapprochée du parti du Congrès et de Jawaharlal Nehru, leader de l’indépendance, avec qui elle partageait des convictions progressistes, sur les conditions des femmes et des personnes issues de milieux ruraux.
Amrita Sher-Gil a contribué à répandre et populariser des représentations de femmes dans leur quotidien de tous les jours. Par exemple, Bride’s Toilet (la toilette de la mariée) montre une Indienne à demi nue, aidée par d’autres femmes à se préparer avant son mariage. Il arrive souvent que ses sujets féminins soient nus dans ses toiles, mais leur représentation est rarement érotique, et vise à désexualiser le corps de ses personnages. Elle s’éloigne également des peintures coloniales, et propose une vision intimiste et juste de ses sujets. Amrita Sher-Gil, ouvertement bisexuelle, a également peint des couples de femmes, dont le tableau Two Women, est supposé la représenter avec l’une de ses amantes. Elle mourut précocement, à l’âge de 28 ans, d’une maladie dont on n’a jamais réussi à déterminer la cause. La majorité de ses toiles sont exposées à la National Gallery of Modern Art de Delhi.
Victoria Lavelle pour Celles qui Osent
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