Rachel Keke à l’Assemblée Nationale : « la voix des sans-voix »

Elle est l’une des porte-parole de la grève des femmes de chambre de l’hôtel Ibis des Batignolles, entamée en 2019, et considérée comme la mobilisation la plus longue de l’histoire de l’hôtellerie française. Rachel Keke est aujourd’hui députée à l’Assemblée nationale, élue aux élections législatives de 2022 dans la 7e circonscription du Val-de-Marne. Au moment de son investiture en tant que députée, elle a été la cible de nombreuses injures racistes de la part de la classe politique et médiatique. Celles qui Osent revient sur la vie et l’engagement de Rachel Keke, de l’hôtel Ibis à l’Assemblée nationale.

Rachel Keke, une Ivoirienne au parcours de « guerrière »

Rachel Keke naît en 1974 en Côte d’Ivoire, dans une famille modeste : sa mère cout des vêtements, son père conduit des autobus. Elle a 12 ans lorsque sa mère décède, et dès ses 16 ans, enchaîne des petits boulots : coiffeuse, caissière, ou aide à domicile pour personnes âgées. Elle s’occupe seule de ses frères et sœurs. C’est en 2000, à 26 ans, qu’elle arrive en France, pays dans lequel son grand-père a combattu lors de la Seconde Guerre mondiale, à la suite du coup d’État en Côte d’Ivoire. Pendant trois ans, Rachel Keke travaille dans le salon de coiffure de son oncle, puis prend un emploi en tant que femme de chambre à l’hôtel Ibis des Batignolles de Paris. Elle y enchaîne les contrats précaires et les temps partiels.

En 2015, Rachel Kéké, mère de cinq enfants, est naturalisée française. Son parcours lui a permis de se définir comme « une féministe » et une « guerrière ». Elle a souvent revendiqué son appartenance à la tribu des Bétés, un peuple d’insurgés vivant dans le centre ouest de la Côte d’Ivoire. Rachel possède la lutte en elle. Dans une interview accordée à Jeune Afrique, elle est revenue sur les attaques dont elle a été victime, et affirme :

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« Je m’attends à être attaquée, mais j’ai l’habitude. Quand on est noire et femme de chambre, on sait se défendre seule ».

La porte-parole emblématique des femmes de chambre de l’hôtel Ibis des Batignolles

Fin mai 2021, Rachel Keke célèbre, auprès de ses 19 collègues, sa victoire acquise au bout de deux ans de combat contre l’hôtel Ibis des Batignolles, où elle a travaillé pendant près de 20 ans. En temps partiel pendant quinze ans, ses demandes pour un emploi à temps plein n’ont abouti qu’en 2017. Deux ans plus tard, le 17 juillet 2019, une vingtaine d’employées de l’hôtel Ibis se mettent en grève pour une durée illimitée. Elles dénoncent leurs mauvaises conditions de travail et les cas de sous-traitance exercés par le groupe Accor. Fréquemment victimes de racisme et de tentations d’agressions sexuelles, ces femmes, pour la plupart noires et précaires, osent se révolter.

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La mobilisation se solde par des augmentations de salaire, la revalorisation des qualifications, la prise en compte des heures supplémentaires et la prime repas. Durant ces mois de lutte, Rachel Keke et les femmes grévistes subsistent grâce à une cagnotte mise en place par des syndicats et alimentée par des donateurs anonymes. Plusieurs personnalités publiques et politiques ont par ailleurs soutenu ces femmes de chambre, devenues des symboles de la lutte sociale en France.

Rachel Keke à l’Assemblée Nationale : « la voix des sans-voix »

Lors de son investiture en tant que députée issue de la France Insoumise à l’Assemblée nationale, Rachel Keke prononça les paroles suivantes :

« Je suis la voix des sans-voix. Je suis femme de chambre, femme de ménage, agent de sécurité, aide-soignante, aide à domicile : je suis tous ces métiers invisibles. Et à l’Assemblée nationale, ces métiers seront visibles ! »

Avant l’élection présidentielle de 2022, Rachel Keke rejoint l’Union populaire, un mouvement visant à soutenir la campagne de Jean-Luc Mélenchon, tête de file de la France Insoumise. Elle participe activement à sa campagne, et intervient souvent lors de réunions auprès d’autres députés. Le 7 mai 2022, elle prend publiquement la parole, et accentue l’importance de la représentation des travailleurs et travailleuses précaires à l’Assemblée nationale. Elle est alors investie par la France Insoumise, et candidate dans la septième circonscription du Val-de-Marne, aux élections législatives, une circonscription plutôt à droite. Elle est élue au second tour et récolte 50,33 % des voix.

Aujourd’hui, Rachel Keke met toute son énergie à combattre la réforme des retraites, contre laquelle elle s’oppose farouchement, elle qui a lancé au nez des députés :

« Vous mentez à la France, parce que vous ne savez pas ce qu’est un métier pénible ».

Dans une interview accordée à Libération, elle explique, en référence à son combat pour les femmes de chambre de l’hôtel Ibis et à la réforme des retraites menée par le gouvernement Macron :

« Nous avons discuté avec les patrons dans les bureaux durant des jours et ça ne bougeait pas. Les choses ont changé quand nous avons mené des actions fortes. C’est quand ils ont eu peur de perdre des clients qu’ils sont venus à la table des négociations. C’est pareil aujourd’hui. Nous discutons à l’Assemblée, mais c’est dehors que ça se passe, le peuple doit mener des actions fortes pour que le gouvernement s’installe à la table des négociations. »

Victoria Lavelle pour Celles qui Osent

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