Madame ou Mademoiselle : deux civilités féminines qui font débat

Madame ou Mademoiselle : comment appeler une femme aujourd’hui ?

Madame ou Mademoiselle, comment faut-il appeler une femme que l’on ne connaît pas ? Si certains et certaines voient l’emploi du « Mademoiselle » comme un compliment, d’autres considèrent ce terme comme condescendant, voire discriminatoire. Débat relancé en 2012 par la circulaire du Premier ministre préconisant la suppression de la case « Mademoiselle » dans tous les formulaires administratifs, le choix de l’emploi d’une civilité ou d’une autre est encore difficile pour la majorité de la population, qu’ils soient hommes ou femmes.

Madame ou Mademoiselle : deux civilités pour un seul genre

Si tout garçon qui naît porte la civilité de « Monsieur » sur tous les papiers administratifs, il n’en est pas de même pour les filles. Jusqu’en 2012, ces dernières se voyaient attribuer automatiquement la civilité de « Mademoiselle », en raison de leur célibat et gardaient ce terme accolé à leur nom jusqu’à leur mariage. Le garçon, quant à lui, peut se faire appeler « Monsieur » de sa naissance à sa mort, sans que cela ne choque qui que ce soit. En toute logique, si celui-ci n’est pas marié, il devrait alors être défini comme un « Damoiseau », terme qui n’a pas perduré dans le temps et qui est aujourd’hui désuet. Alors, pourquoi avoir conservé le terme de « Mademoiselle » pour les individus de sexe féminin ?

L’évolution du « Mademoiselle » au fil des siècles

Selon un écrit de Daniel Elmiger, professeur associé de linguistique allemande et de didactique des langues étrangères à l’Université de Genève, le terme de « Mademoiselle » a connu des transformations d’usage et de signification importantes depuis le 15e siècle. Les titres de « Madame » et de « Mademoiselle » étaient utilisés pour les femmes issues de la noblesse, le « Mademoiselle » étant réservé à l’aînée des frères et des oncles du roi. La dénomination a ensuite été étendue pour les femmes et les filles de gentilhommes non titrés. C’est après la Révolution française que cette appellation a pris le sens de « femme non mariée » et s’est généralisée, laissant le titre de « Madame » aux femmes mariées et maîtresses de maison.

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Femme mariée ou célibataire : une civilité en fonction de son statut

Aujourd’hui, l’usage veut que le « Madame » désigne une femme mariée et le « Mademoiselle » une femme célibataire. Malgré la circulaire de 2012, de nombreuses administrations publiques et privées font cependant l’impasse sur cette directive et continuent d’apposer le « Mademoiselle » à toutes les femmes célibataires, qu’elles le souhaitent ou non, sous prétexte que le système informatique ne permet pas d’associer le « Madame » avec le statut de célibataire. Concernant les hommes, le problème ne se pose pas, étant donné qu’ils sont nommés « Monsieur » quel que soit leur statut marital. Ainsi, de nombreuses femmes en couple, et même avec enfants se voient obligées d’utiliser des chéquiers et des cartes bancaires avec leur nom précédé de « Mlle ». Pour beaucoup, cela n’est pas dérangeant, mais d’autres le voient d’un mauvais œil, à juste titre d’ailleurs,  sachant que le fait d’être mariée ou pas n’a aucune incidence sur le fonctionnement de leur compte en banque.

Jeune ou vieille, belle ou moche : une appellation en fonction de son apparence

Là où le bât blesse est que l’apparence compte dans l’appellation qui va être donnée à chaque femme. Ainsi, une femme d’apparence jeune et estimée comme jolie aux yeux de certains a plus de chances de se faire appeler « Mademoiselle » qu’une femme qui paraît plus âgée et/ou dont le physique est jugé comme plus « ingrat ». De ce fait, certaines femmes du même âge se verront appelées différemment en fonction de leur apparence. Ce n’est pas vraiment flatteur et plutôt vexant, quel que soit le cas ! Le titre de « Mademoiselle » n’est, en effet, pas toujours perçu comme un compliment. Souvent utilisé par les dragueurs un peu lourds dans le harcèlement de rue, le « Mademoiselle » implique que la dame est célibataire et ouverte à toute proposition galante. Pour les autres, elle peut désigner une petite jeune fille ingénue à qui il est difficile de confier des responsabilités dans le milieu professionnel. Difficile à accepter quand on a dépassé la trentaine, voire la quarantaine ! Et gare à celles qui font plus jeune que leur âge : elles doivent accepter cette appellation avec le sourire, et même remercier leur interlocuteur. Le comble !

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Le « Madame », quant à lui, incite au respect, même s’il est rejeté par certaines qui pensent qu’une dame est obligatoirement vieille et moins désirable. Objectivement, une appellation qui se base sur le physique d’une personne est discriminatoire.

Madame : un titre obtenu après le mariage

Pour autant, le titre de « Madame » est couru par de nombreuses femmes qui souhaitent « évoluer » dans la société et passer un cap. Le seul moyen pour elles de se voir nommées ainsi est de se marier. En réalité, ce n’est pas le cas car, d’après une publication du Sénat datant de 2006, le garde des Sceaux autorise explicitement toute femme de plus de vingt et un ans, mariée ou non, à être appelée « madame », et ce, depuis 1972.

Passer de l’autorité du père à celui du mari

Bien souvent, les femmes qui se marient quittent leur nom de naissance (qui est bien souvent celui de leur père) pour emprunter le nom de leur époux. Le fait est que beaucoup le font de leur plein gré, soit parce qu’elles ont l’impression d’être enfin devenue femme, soit parce qu’elles souhaitent porter le même nom que leurs enfants. L’emprunt du nom du mari doit rester un choix, pas une obligation. D’ailleurs, la loi stipule dans chaque livret de famille français que « le mariage est sans effet sur le nom des époux, qui continuent chacun d’avoir pour seul nom officiel celui qui résulte de leur acte de naissance ». Si le fait que la femme utilise le nom de son mari ou que ce nom lui soit souvent attribué automatiquement (et parfois sans son consentement), il faut savoir que le mari peut légalement se faire appeler par le nom de sa femme.

Le problème est que l’on présente le « changement de nom » de l’épouse comme une promotion sociale, alors que l’éventuel « changement de nom » de l’époux est perçu comme une rétrogradation qui en fait rire plus d’un. De plus, le nom de naissance de l’épouse se voit régresser au « nom de jeune fille » ce qui implique que celle-ci n’était pas adulte avant son mariage, même si elle s’est mariée à 40 ans.

Le mariage : un passage quasi-obligatoire

Qui ne connaît la Sainte Catherine, une fête traditionnelle, qui consistait à mettre en avant des femmes qui avaient atteint l’âge canonique de 25 ans en vue de les marier ? Héritage archaïque d’un modèle patriarcal, cet événement se déroulait parfois le même jour que la fête agricole, pendant laquelle on pouvait également assister à un concours de cochons ! À une certaine époque, pas si lointaine, il était impensable qu’une femme reste célibataire, sans quoi elle devenait une « vieille fille » et était pointée du doigt par les gens bien-pensants. Cette règle inventée de toute pièce par une société basée sur le patriarcat existe encore dans certains pays. La femme ne peut pas vivre seule, mais doit être chapeauté par un homme : soit son père, soit son mari et parfois son frère !

Bien sûr, en France, cela fait longtemps que le mariage n’est plus obligatoire et que bon nombre de couples vivent sans être mariés (ni jugés). Cette époque ne remonte toutefois pas à si longtemps. Comme le dit si bien Laurence Waki dans son ouvrage « Madame ou mademoiselle ? », la petite fille bercée par des histoires de Cendrillon et de Blanche-Neige dont le seul but dans la vie était d’attendre la venue du prince charmant, n’étaient pas élevées pour construire une carrière et devenir indépendante, mais pour fonder une famille. Combien d’entre elles ont arrêté leurs études ou n’en n’ont pas suivi du tout jusqu’à leur mariage ? De plus, celles-ci devaient rester vierges jusqu’au Jour J. Mieux valait ne pas attendre trop longtemps. Ainsi, le célibat était signe de jeunesse, ce qui explique certainement le glissement entre le fait de faire jeune et le « Mademoiselle ».

Si le « Mademoiselle » ne devrait plus être d’usage aujourd’hui, c’est parce qu’il perpétue l’existence d’une société patriarcale dans laquelle il faut préciser si une femme est mariée ou non, car cela modifie ses droits, et son statut dans la société, comme l’explique Anne Le Draoulec, chercheuse en linguistique au CNRS, lors d’une interview de BFMTV.com. De nos jours, il n’a plus lieu d’être et ne fait que marquer une différence entre les femmes. Si le « Madame » pique encore la langue de certaines personnes, il est nécessaire de garder en tête qu’il n’est pas synonyme de vieille femme mariée et que le « Mademoiselle » ne désigne pas obligatoirement une jeune femme.

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Lisa Larchères, rédactrice web SEO et copywriter freelance formée par Lucie Rondelet

Sources :

Daniel Elminger, la longue vie de mademoiselle, Langues et cité

Assemblée Nationale, fiche question.

Marie Claire, Pourquoi fête-t-on encore les célibataires à la Sainte-Catherine ? Par Emmanuelle Ringot. « Mademoiselle »: dix ans après la circulaire qui déconseille son emploi, où en est l’utilisation de ce terme ?

Essai : Madame ou mademoiselle – Laurence Waki

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