Stop au cyberharcèlement des gameuses !

Les premières victimes du harcèlement en ligne sont… des femmes. Le web n’est pas une exception aux violences perpétrées contre les femmes et les minorités. Les insultes y sont souvent sexistes, et le mépris de genre fréquent. Et le mal qui est fait n’est pas seulement virtuel. Les jeux en ligne sont, eux aussi, des territoires où règne la violence de genre. Depuis plusieurs années, de nombreuses gameuses, très suivies sur la plateforme Twitch, prennent la parole et dénoncent le cyberharcèlement qu’elles subissent quotidiennement. Le phénomène a pris une telle dimension que la ministre de l’Égalité femmes-hommes Isabelle Rome a déclaré vouloir ouvrir une concertation nationale sur le sujet.

Les jeux vidéos, le bastion des hommes

L’image clichée véhiculée autour des joueurs voudrait que ces derniers ne soient que des brutes épaisses, ou de gros geeks. Pas de place pour les personnes dites « normales » ou « équilibrées », et encore moins les femmes. Pourtant, les faits sont tout autres, et les a priori de l’opinion publique sur les jeux vidéos ont tendance à diminuer. Selon le dernier bilan du Sell, le Syndicat des éditeurs de logiciels et de loisirs, la moitié des joueurs sont des femmes, un chiffre qui atteindrait même les 58 % quand on prend également en compte les « casual gamers », les « joueurs occasionnels ». Autre donnée : selon Sony, 41 % des propriétaires de PlayStation 4 ou 5 dans le monde sont des femmes. Bref, le monde du jeu vidéo se féminise de plus en plus.

Et pourtant… Les femmes sont sous-représentées en tant que personnages dans les jeux vidéos, et quand elles existent, elles sont, le plus souvent, hypersexualisées. En 2015, la journaliste Madeline Messer a réalisé une enquête sur la représentation des femmes dans les jeux mobiles. Et parmi les 50 jeux les plus populaires au monde, 98 % d’entre eux proposent aux joueurs d’incarner des personnages masculins par défaut, car gratuits. Autrement dit, incarner une femme dans un jeu mobile est soit plus cher, soit impossible, puisque les joueurs n’ont tout bonnement pas le choix. Aussi, seulement 14 % des producteurs de jeux vidéos sont des femmes. S’est ainsi créé un microcosme, celui des jeux vidéos, où la culture misogyne règne en force, car favorisée par une sous-représentation des personnages féminins qui sont, la plupart du temps, hypersexualisés.

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Le cyberharcèlement des gameuses : entre colère et lassitude

Le 24 octobre dernier, Maghla, une vidéaste spécialiste de jeux vidéos, publie un témoignage glaçant sur Twitter. Elle y dénonce les commentaires et messages sexistes, à caractère sexuel, qu’elle reçoit tous les jours, captures d’écran à l’appui. Des montages sexuels la mettant en scène reviennent fréquemment, ainsi que des remarques sur sa manière de se vêtir (crop tops, décolletés…) :

« Je suis fatiguée et il est temps que je vous explique. Des années que je streame et j’ouvre ma gueule sur 10 % max du problème, parce qu’apparemment faut ignorer pour que ça passe. (…) Je fais tout ce que je peux pour être tranquille, je mets une fois un décolleté je prends ce genre de détraqué je suis épuisée. J’ai tout sauf envie que des gens viennent parce que je les excite sur mes lives. »

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Après la publication de ce tweet, d’autres vidéastes, notamment très présentes sur la plateforme Twitch, prennent la parole et dénoncent, elles aussi, les violences subies. Une autre vidéaste, Baghera Jones, déclare quant à elle :

« On est toutes épuisées de tout ça, on passe notre temps à entendre parler des progrès qui sont faits et non des choses immondes, mais normalisées qui nous arrivent au quotidien. »

Des condamnations ont déjà eu lieu contre des harceleurs, mais les gameuses décrivent un sentiment de lassitude, face à l’étendue du phénomène. Ultia, une autre streameuse, est elle aussi victime de cyberharcèlement. En 2020, lors du Z Event, un projet caritatif réunissant les streameurs francophones, elle dénonce en direct les propos sexistes tenus par l’un de ses confrères. Cela lui vaut des mois de cyberharcèlement par la communauté de ce dernier. Dans une interview accordée au Monde, celle-ci explique :

« Je fais tout supprimer depuis trois ans des sites pornos : deepfake, clips qui reprennent des extraits de mes lives, des photos qui viennent de mon Instagram. Il faut en parler, c’est sûr, mais quelle sera l’issue ? C’est quoi le plan ? Passer cinq heures au commissariat avec des captures d’écran ? »

Bientôt une loi pour cesser la haine en ligne

Si jamais vous êtes victime de cyberharcèlement, il est primordial de sauvegarder les messages/commentaires/mails que vous avez reçus et dont le caractère est insultant, voire menaçant. Ce sont les principales preuves. Ensuite, vous pouvez signaler votre harceleur aux plateformes qui hébergent son compte, comme Twitter ou Instagram. Il est également possible de le signaler à Pharos, la plateforme du gouvernement de lutte contre la haine en ligne. Enfin, vous pouvez aller voir un avocat spécialisé en droit de la presse ou droit du numérique. La Commission nationale de l’informatique et des libertés recommande également de ne pas s’isoler, et d’en parler à des personnes de confiance autour de vous. Bien que virtuel, le cyberharcèlement peut s’avérer traumatique, notamment lorsque des données confidentielles comme une adresse ou un numéro de téléphone sont divulguées.

À la fin du mois d’octobre, en ouverture de la Paris Game week, le ministre délégué à la transition numérique Jean-Noël Barrot a affirmé, aux côtés d’Isabelle Rome, ministre déléguée à l’égalité femmes-hommes, réunir « tous les acteurs concernés dans les prochains jours (…) afin de faire cesser cette haine en ligne inacceptable ».

Vous avez aimé cet article ? Vous pouvez retrouver un autre sujet, « Le cyberharcèlement : de “sale pute” à l’affaire Mila », sur notre site.

Victoria Lavelle pour Celles qui Osent

Celles qui osent instagram
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