Playboy | Une histoire sexiste

Qu’on le lise ou non, tout le monde connaît Playboy, le magazine américain destiné à un public masculin, fondé en 1953. Hugh Hefner, son créateur, décédé en 2017, aurait « révolutionné la presse » et « la culture du sexe aux États-Unis », d’après de nombreuses nécrologies ayant été publiées à sa disparition. Mais une série produite par Canal + intitulée La face cachée de Playboy révèle que plusieurs femmes, ex-conjointes ou anciennes employées ont subi des violences sexistes et sexuelles lors de leur collaboration avec le magazine. Retour avec Celles qui Osent sur l’histoire de Playboy et son sexisme dérangeant…

Le Playboy des années 1950 : un magazine de « divertissement pour hommes »

En décembre 1953 paraît le premier numéro de Playboy. L’idée d’un magazine destiné aux bachelors branchés naît en 1949 dans le cerveau de Hugh Hefner, un diplômé en psychologie originaire de Chicago, et collaborateur pour différentes revues de l’époque comme Esquire. C’est Marilyn Monroe, alors considérée comme une icône ultime de la féminité, que l’on voit poser sur la Une du premier numéro, vêtue d’une robe dos nue rouge au décolleté plongeant. En dessous du titre du magazine, un slogan : Entertainment for men (divertissement pour hommes) et à l’intérieur de la revue : des photos de la star en petite tenue. Le succès est immédiat, et les courbes dénudées de l’idole d’une génération plaisent au lectorat masculin. Playboy est lancé ; Hugh Hefner est en phase de devenir l’un des hommes les plus connus du monde médiatique.

Petit à petit, le magazine développe ses pages fictions, et ajoute une rubrique philosophie, cherchant à correspondre à un certain standard. Plusieurs essais et œuvres littéraires de qualité sont ainsi publiés, parmi lesquels on retrouve John Le Carré, Vladimir Nabokov ou encore Ray Bradbury. Playboy défend même des sujets sociaux comme les droits des femmes et des personnes LGBTQ+, et étonne par son progressisme. Hugh Hefner devient alors une sorte de « féministe », en faveur de la libération sexuelle des femmes et de leur émancipation.

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Mais en 1968, lors du concours Miss America, des manifestantes féministes jettent symboliquement plusieurs produits dans des poubelles, dont des magazines Playboy, considérés alors comme des instruments du patriarcat. Le célèbre magazine est accusé d’entretenir le mythe de « Madonna and the whore combination », autrement dit, celui de « la maman et la putain ».

Playboy, une histoire sexiste

Ce qui devait être à l’origine, une revue destinée aux gentlemen ouverts d’esprit devient le magazine de charme le plus prospère au monde. Films, société de production, téléréalité, vêtements, bijoux : l’empire Playboy devient une marque bien plus qu’une simple revue. Les célèbres Unes mettant en scène, tous les mois les « playboys playmates », des mannequins, chanteuses, actrices posant nues (parmi lesquelles Pamela Anderson ou Madonna), contribuent à son immense popularité.

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En 2016 pourtant, le magazine annonce mettre fin à ces fameux shootings photos de nus, expliquant qu’ils ne sont plus pertinents en raison de la quantité d’images pornographiques consultables en ligne (décision sur laquelle la rédaction reviendra un an plus tard, justifiant son choix par le fait que les photos de femmes nues constitueraient malgré tout l’essence du magazine…).

Playboy n’a pas été uniquement de la presse masculine érotique. Hugh Hufner a également organisé des soirées et événements sponsorisés par le journal, censés correspondre au contenu éditorial du magazine. Lors de ces cocktails et fêtes, voulus élitistes par l’homme d’affaires, les serveuses surnommées bunnies étaient habillées, fidèles au logo de playboy, en petites lapines — bustier, culotte et pompon sur les fesses. Car, il faut le rappeler, malgré ses prétendus idéaux progressistes, le magazine a largement contribué à entretenir les représentations hypersexualisées des femmes et les diktats correspondant aux fantasmes masculins.

Une série dénonçant la face cachée des soirées Playboy

La série Canal + La face cachée de Playboy, réalisée par Alexandra Dean révèle plusieurs cas de maltraitances physiques subies par des employées et des femmes de l’entourage d’Hugh Hufner. Les bunnies, serveuses qui animaient les soirées Playboy, devaient impérativement respecter de très strictes consignes telles que l’interdiction de boire, de fumer, d’être en couple ou de prendre du poids.

« Quand vous aviez deux kilos de plus, vous receviez un avertissement. Et si vous ne les aviez pas perdus le mois suivant, vous étiez suspendue jusqu’à les perdre ».

Hugh Hufner logeait certaines playmates et bunnies dans son manoir et les témoignages qui se succèdent devant la caméra d’Alexandra Dean sont accablants. Certaines femmes expliquent avoir été violées par Hugh Hufner lui-même ou avoir été forcées à prendre de la drogue. Holly Madison, l’une des anciennes compagnes de l’éditeur, avoue avoir eu trop peur de le quitter par crainte qu’il ne diffuse des photos d’elle nue, en guise de revenge porn. Des situations d’emprise, similaires à celles que l’on retrouve dans les sectes, ont également été décrites par certaines femmes.

Si Playboy a joué un rôle indéniable dans la pop culture de la seconde moitié du 20e siècle, le magazine a grandement contribué à l’hypersexualisation et l’objectification des modèles féminins. Son fondateur Hugh Hufner, accusé d’avoir humilié et maltraité sexuellement des dizaines de femmes, demeure loin d’être un précurseur de la libération des femmes…

Victoria Lavelle pour Celles qui Osent

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