Marie Lou est une consommatrice éclairée « lambda » : pas zéro déchet ni 100 % bio ou made in France. Toujours partagée entre « ce qu’il serait mieux de faire pour la planète » et « la réalité de la contrainte budgétaire », elle n’est pas une accro au shopping : « j’achète en fonction d’un besoin. Rares sont les achats impulsifs et j’ai besoin d’un droit de rétractation. » Depuis 2019, avec son site Grand Déballage, Marie Lou ose dénoncer les pratiques commerciales trompeuses, sensibiliser les consommateurs sur leurs droits, ainsi que valoriser aussi les marques engagées pour l’environnement, la santé et l’humain.
Grand déballage : militer pour une consommation plus responsable
Marie Lou, blogueuse militante
Il y a quatre ans, en pleine remise en cause de ses habitudes de consommation, Marie Lou décide d’écrire un blog pour partager ses expériences, « J’entendais parler du zéro-déchet. Je voulais abandonner les cosmétiques conventionnels pour ceux plus naturels, et songeais à l’alimentation bio, mais tous ses changements ne me semblaient pas aussi simples qu’il n’y paraissait. »
En 2019, son site prend une autre tournure : « Je lance des investigations sur les placements de produits des influenceurs et les publicités commerciales des réseaux sociaux. Si ces techniques commerciales sont une manne financière pour certains, c’est parce qu’ils séduisent des consommateurs… qui ne sont pas tous avertis ! ». Elle invente Marie Lou, un pseudonyme, pour rester anonyme. « Quand j’ai lancé mon blog, j’ai communiqué anonymement pour la tranquillité, la distanciation avec l’image numérique, et la sécurité. Je souhaite maîtriser ma réputation sur le net, et je ne souhaite pas que mon activité personnelle puisse impacter ma vie professionnelle. Lorsque vous dénoncez des marques publiquement, vous ne vous faites pas que des amis. Il m’arrive de recevoir des menaces car mon blog pénalise leur business. »
Stop au marketing de manipulation
Pourquoi alors prendre le risque de dénoncer des enseignes qui pour certaines semblent « intouchables » et « toutes-puissantes » ?
« J’ai toujours détesté être dupée ou me faire avoir commercialement : c’est malhonnête. Je fais partie des gens vigilants et informés sur leurs droits en tant que consommateur, mais ce n’est pas le cas de tout le monde. Beaucoup se font avoir par les marques sans même s’en rendre compte ou ne se défendent pas. Cela me gêne d’autant plus qu’avec la montée en puissance des influenceurs sur les réseaux sociaux, les plus jeunes les idolâtrent et leur vouent une confiance aveugle. On parle de marketing d’influence, mais pour moi il est aussi question de marketing de manipulation quelque part. »
Les dérives du marketing d’influence
« Le marketing d’influence peut avoir une portée très positive. Les influenceurs sont devenus des prescripteurs et les réseaux sociaux un vrai canal de communication (souvent plus accessible pour de jeunes marques). Moi-même, sur Internet, je lis d’abord les avis des consommateurs sur un article avant de l’acheter. Le problème est que les influenceurs relaient seulement les discours des enseignes et les fausses promesses qui vont avec. Combien de fois ai-je entendu ces personnes parler d’une marque ayant soi-disant cinq ans d’ancienneté alors qu’elle n’existe que depuis 15 jours ou de produits made in france tandis qu’ils proviennent de Chine, d’une société à Dubaï ? Certaines vantent les effets de crèmes volumatrices pour le fessier et la poitrine, sans mentionner le fait qu’elles ont eu recours à la chirurgie esthétique, pour une augmentation mammaire et un lipofilling fessier. C’est scandaleux. »
Marie-Lou ne contacte pas les influenceurs directement pour les dissuader de soutenir les entreprises malhonnêtes. Les clients qui ont utilisé leurs codes promo et ont rencontré un problème avec leurs commandes, eux, le font.
« Je pense que beaucoup d’influenceurs font l’autruche et continuent les placements de produits malgré les alertes. Ces techniques sont devenues une telle source de revenus que beaucoup ne voient pas l’intérêt d’être sélectifs. Contester des placements de produits revient à refuser de l’argent, pour certains, le calcul est vite fait. »
Oser dénoncer les pratiques commerciales trompeuses
Des enquêtes sur le net
Les enquêtes sont menées là où tout se passe : sur Internet. Les marques qu’elle dénonce ont principalement recours à la vente en ligne en utilisant le marketing d’influence pour gagner en notoriété.
« J’enquête principalement sur les marques dont les candidats de télé-réalité font la promotion, car c’est un vrai vivier ! Les sujets d’investigation sont nombreux. »
Sur Instagram ou Snapchat, elle utilise un autre compte pour suivre les influenceurs en placements de produits frauduleux. « Il m’arrive aussi de contacter les marques en me faisant passer pour un acheteur lambda. J’observe ainsi les manières dont les marques répondent à leurs clients. »
Avec le temps, elle a appris à repérer les arnaques courantes.
« Dès lors que j’identifie un site marchand suspect, j’effectue des recherches depuis Internet pour connaître l’ancienneté de la marque ou encore pour vérifier si elle est réellement déclarée. J’analyse ensuite le site à la loupe afin de repérer les failles.
Plusieurs éléments peuvent alerter comme l’absence de mentions légales, de service client téléphonique ou encore l’utilisation de code promotionnel. On a aussi souvent affaire à des produits aux promesses miraculeuses… Une technique rapide et redoutable est la recherche image. En quelques clics, vous pouvez par exemple vérifier si les produits sont vendus ailleurs. »
Grand Déballage, un support d’aides aux victimes
Marie Lou n’a jamais et ne sera jamais cliente de leurs produits. « Je n’ai jamais été victime d’un achat effectué sur Internet non plus. Mon périmètre d’action pour venir en aide aux consommateurs trompés est limité. Je ne suis pas avocate et Grand Déballage n’étant pas mon métier, je ne peux m’occuper des litiges commerciaux. » Les résultats d’enquête mis en ligne sur mon blog peuvent servir de support à un consommateur dupé qui souhaite engager des poursuites avec un avocat ou une association.
Il est possible de dénoncer les enseignes via le site de la DGCCRF*. « Si cette action peut faire en sorte que ces sites ferment, cela ne règle pas les problématiques de produits non livrés ou de prise en charge des remboursements. La DGCCRF manque cruellement de moyens. Ils ont mis cinq mois à répondre à un de mes signalements. Vous imaginez bien qu’en 5 mois, la marque a le temps de se mettre en règle ou disparaître… »
Derrière Grand Déballage, il n’y a que Marie Lou. « Les articles du blog n’engagent donc que moi. J’attache une grande attention à la véracité des informations publiées. Je n’affirme rien sans preuve. Je pense que collaborer avec l’INC, 60 millions de consommateurs, l’UFC que choisir ou encore la CCA contribuerait à faire bouger les choses. » Celles qui Osent salue cette initiative militante, qui ose dénoncer les pratiques trompeuses et malhonnêtes.
Violaine B. — Celles qui Osent
*Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes