Interview de la fondatrice de Touk Touk Magazine

Touk Touk est une revue jeunesse trimestrielle qui souhaite transmettre la culture française aux enfants avec ses héros Tim, Gaïa et Touk​. Les enfants de 3 à 7 ans découvrent leurs racines, la beauté de la planète et de ses peuples. Sa fondatrice, Florie Deswaziere de Castro, vit en Asie depuis maintenant une quinzaine d’années, avec son conjoint franco-portugais et son fils Anton. Celles qui Osent a décidé d’en savoir plus sur la vie d’expatriée française et l’aventure entrepreneuriale d’une nouvelle revue dans la presse jeunesse francophone.

Florie Deswaziere de Castro : sa vie d’expatriée en Asie

Des études dans le commerce international du vin 

Florie Deswaziere de Castro grandit dans le sud de l’Ardèche, à côté de Vallon Pont d’Arc. « Le sud de la France restera toujours mon port d’attache, mes racines. » Elle rêve de faire de l’humanitaire, passe un baccalauréat économique et social puis s’oriente finalement vers un BTS commerce international. Elle sait déjà qu’elle veut voyager et découvrir le monde.

Épicurienne, très attachée au terroir, elle ne boit pas beaucoup de vin, mais entreprend pourtant un master international de la vigne et du vin avec l’OIV Organisation Internationale de la vigne et du Vin. Les élèves sélectionnés constituent une promotion hétéroclite, un mélange multiculturel et pluri-générationnel. En un an, elle réalise le tour des vignobles du monde entier et découvre plus de vingt-trois pays. Le milieu est passionnant. Son palais neutre, sans a priori, est une force : elle se fie à ses sens, affine son analyse sensorielle. Son périple se termine en Chine. « Ce n’était pas le pays que je préférais, mais il y avait de belles opportunités d’emplois ». Elle rentre donc en France pour valider son diplôme, puis y retourne quelques mois plus tard. 

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Un début de carrière prometteur en Chine 

« J’arrive seule en Chine, sans argent, dans une auberge de jeunesse, avec un visa de trois mois. Je trouve rapidement du travail dans une grosse société d’importation de vins : je ne parle pas chinois, et un mauvais anglais. » Cette première expérience professionnelle dure un an et demi. Florie Deswaziere de Castro poursuit sa carrière dans une autre compagnie spécialisée dans la vente de cognac en Asie. Entrepreneure dans l’âme, elle fonde deux années plus tard Luxia, un concept mêlant le jeu et le vin. « Lors des manifestations festives, les Chinois viennent, mais repartent souvent très/trop vite. Ma mission était de faire en sorte qu’ils ne s’évadent trop rapidement des évènements, en les amusant. »  Les jeux d’argent sont interdits en Chine, alors elle s’inspire des casinos et développe des tables de jeux autour du vin, pour les faire apprendre tout en jouant et les divertir. Son idée séduit ; elle signe des contrats avec de grands groupes comme Grazia ,Ferrari, les disciples d’Escoffier. Peu de temps avant de rencontrer l’homme qui partage sa vie, elle crée aussi un bar à vins. « Shanghai est un monde à part : c’est la fête tous les soirs. La communauté francophone est importante. Personnellement, j’y ai passé des moments inoubliables. » 

Départ par amour pour la Corée

Le conjoint de Florie Deswaziere de Castro est muté en Corée, alors les amoureux se marient. Par amour, elle se sépare de ses sociétés et le suit. « Mon souhait est alors de fonder une famille avec mon mari. » En Corée, elle se heurte à la difficulté de trouver un emploi. « La Corée devient un pays à la mode. Tout le monde veut venir ici, mais la réalité est tout autre. La vie quotidienne est extrêmement chère, du fait qu’une majorité de denrées sont importées et les loyers restent à des prix élevés. » Florie ajoute que les femmes coréennes sont les plus diplômées au monde, mais souvent, après leur mariage, elles ne travaillent plus. Elle profite donc pleinement de sa grossesse et c’est ainsi qu’à Séoul, elle donne naissance à leur fils Anton. « Cela a bouleversé ma vie. Je me suis demandé comment j’allais pouvoir transmettre à mon enfant ma culture, ses racines franco-portugaises. Comment faire en sorte qu’il s’adapte au changement de pays, s’ouvre naturellement aux autres ? » 

Lien vers des formations en écriture digitale

Le petit Anton, à l’aire de jeux pour enfants, subit parfois une forme de rejet, de « racisme envers l’étranger » de certains Coréens, qui ne souhaitent pas qu’il joue avec leurs enfants. « Il était primordial pour moi de lui inculquer l’acceptation des différences ». Ressent-elle parfois le mal du pays ? « Grâce aux nouveaux moyens de communication, je parle chaque jour à ma famille, si je le souhaite. La gastronomie française me manque, mais c’est surtout l’isolement lié à la Covid19 qui est difficile actuellement. Ne pas pouvoir voyager ou sortir du pays. Au bout de cinq années ici, j’ai désormais envie de changer de pays… et pourquoi pas me rapprocher de la France ? Nous cultivons malgré tout le goût du voyage et je ne pense pas que nous poserons définitivement nos valises un jour ! » 

Fonder son magazine jeunesse : une volonté de transmission

La nécessité d’entreprendre et de transmettre ses valeurs

Jeune maman, Florie Deswaziere de Castro cherche des magazines à lire à son fils.

« Je trouvais la littérature jeunesse proposée presque un peu bébête, avec un vocabulaire généralement nivelé par le bas… Les revues pour enfants sont souvent très généralistes, avec souvent des animaux anthropomorphes (imitant les humains), que je trouvais éloignés de la réalité. C’est à ce moment-là que j’ai eu l’idée de créer un magazine pour enfants différent, qui parlerait de la culture française, du multiculturalisme, de l’acceptation de l’autre, des voyages, de la bienveillance et de la protection de l’environnement. À mes yeux, dès le plus jeune âge d’un enfant, il est important de lui faire connaître ses racines, mais aussi celles des autres, afin de mieux vivre ensemble. J’ai à cœur de transmettre l’amour de notre planète aux plus petits et d’éveiller leurs consciences pour mieux la préserver. »”

Pendant un an et demi, elle travaille bénévolement pour un petit magazine associatif local en Corée ; elle se forme seule à des logiciels de mise en page comme Indesign, « complètement autodidacte, je n’ai aucune formation dans l’édition. Je pense que tout au long de notre vie, nous devons apprendre de nouvelles choses. J’adore les livres pour enfants et le fait d’apprendre en jouant. » 

Touk Touk, un magazine illustré francophone 

Florie Deswaziere de Castro met en place un questionnaire pour plus de 300 familles pour cibler leurs attentes, puis investit son argent personnel pour fonder son propre magazine, dans un secteur très concurrentiel. Elle contacte des illustratrices, des imprimeurs, et prend conscience peu à peu de tout l’aspect législatif : les mentions et le dépôt légal, la gestion des droits, la commission paritaire des publications et agences de presse (CPPAP)… « J’ai clairement sous-estimé l’ampleur du travail… ».

En juin 2019, aidée par d’autres mamans expatriées en reconversion, Florie lance une campagne Ulule : 15 000 euros de financement participatif qui lui permet de lancer son premier numéro. Depuis, Touk Touk a approfondi sa ligne éditoriale, en augmentant peu à peu le nombre de pages. Les héros Tim, Gaya et Touk ont fait leur apparition. « Maintenant, Touk Touk c’est aussi un podcast, des hors-séries, des kits d’activités, le blog et le groupe privé Facebook pour les abonnés, la tribu Touk Touk… Nous développons différents supports sur les différents réseaux. » L’équipe éditoriale est essentiellement constituée de femmes. Les parutions sont lues et validées par l’équipe, mais aussi par deux enseignantes et une orthophoniste. « Nous tenons à éviter les clichés. Touk Touk ose parler de sujets délicats, comme les religions. Nous veillons à ne jamais employer un ton moralisateur. » Florie Deswaziere de Castro travaille avec une proche collaboratrice, Inga Penverne et une illustratrice principale, Alexandra Michel, basée à Lille (qui a fait des études… de médecine !) et une dizaine de dessinatrices jeunesse différentes afin d’apporter plus de variété graphique. 

Il n’y a pas d’anthropomorphisme, car pour elle, « il est important de donner aux enfants des repères, un certain réalisme pour qu’ils s’identifient aux héros. »

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Elle imagine d’abord que le magazine Touk Touk sera lu surtout par les expatriés ; la majorité des abonnés vivent pourtant en France. À travers des histoires, des jeux, des animations sonores et des documentaires, les enfants découvrent avec plaisir les traditions locales, les monuments emblématiques, les spécialités culinaires, le patrimoine et les paysages français. « La vision de la France à l’étranger nous rappelle ô combien nous sommes chanceux. La France est tout de même un pays merveilleux, riche de son histoire, de son patrimoine et d’une gastronomie extraordinaire. »  

De la presse éco conçue pour les écocitoyens de demain

Touk Touk Magazine est intégralement fabriqué en France, par la société Hippopo Éditions, petite maison d’édition indépendante, dont le siège social est situé à Saint-Mitre-les-Remparts, à côté de Marseille. « Même si le coût est légèrement plus élevé, il faut être cohérent sur la provenance du magazine et l’éthique ». Engagé dans une démarche de qualité environnementale, le magazine n’est pas présent en kiosque, afin d’éviter le gaspillage du papier et la destruction des invendus. « Nous imprimons, avec des encres végétales, seulement les quantités de magazines nécessaires. »

Florie Deswaziere de Castro me l’avoue : « je suis loin d’être un modèle de femme écolo, j’essai de m’améliorer. J’achète parfois des jouets en plastique, mais je tente à mon niveau de transmettre des valeurs écocitoyennes. »”

Touk Touk : une aventure entrepreneuriale semée d’embûches 

Le magazine est de plus en plus présent dans les écoles, « même si nous avons encore beaucoup de travail de communication pour nous faire connaître. » 

L’entreprise se heurte au quasi-monopole des gros sites de presse. « Nous n’avons pas les mêmes moyens que les leaders du marché, pourtant nos demandes de subventions à la presse ont été refusées par le gouvernement C’est assez injuste. »

« Je voulais diriger ma société pour être plus présente pour ma famille. Finalement, je travaille 14h par jour et ne me verse pas encore de salaire. Cette entreprise me tient à cœur : je suis vraiment passionnée , et je crois que les gens se dirigeront vers des entreprises plus humaines et éthique». Avec plus de 3000 abonnés et 10 000 écoutes de podcast par mois, Florie Deswaziere de Castro espère que sa société perdurera le plus longtemps possible. « Dans notre famille, depuis des générations, les femmes sont fortes et font ce qu’elles ont envie de faire. Et j’ai la chance d’avoir aussi un mari qui me soutient.

Des femmes qui osent ? « J’ai lu le livre de Michèle Obama et j’écoute beaucoup de podcasts tels que Le Gratin ou J’peux pas j’ai business avec Aline Bartoli, coach d’affaires chez TheBBoost. L’histoire de la fondatrice de Tartine et Chocolat, Catherine Painvain ou le parcours incroyable de Colette Barbier de la Fondation entreprise Ricard m’ont vraiment interpellée. »

Florie souligne cependant un triste constat : « à parcours égal, les femmes ont très souvent un salaire inférieur à celui des hommes. Il est aussi plus difficile pour une femme de trouver des investissueurs pour sa levée de fond et les montants sont inférieures, et cela m’agace profondément.

 

Le magazine jeunesse Touk Touk transmet aux futures générations l’envie de prendre soin du monde qui les entoure, nourrit leur curiosité et les ouvre sur le monde. Si vous êtes des parents souhaitant contribuer à ce que vos enfants deviennent les éco-citoyens du monde, suivez Touk Touk magazine sur insta ou sur leur site internet 

Violaine B — Celles qui Osent 

Celles qui osent instagram
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