Celles qui osent sensibiliser aux souffrances de l’endométriose

Saviez-vous que 51 % des femmes sont mal à l’aise lorsqu’elles doivent parler de leur santé intime ? Nombreuses sont celles qui se privent alors de soins appropriés. Pour lutter contre ce tabou, l’entreprise anglaise Bodyform s’engage à informer les femmes sur le sujet. En mars 2021, elle crée la campagne « Pain Story » dédiée à une maladie très répandue et pourtant sous-diagnostiquée : l’endométriose. Des documents informatifs ont été rédigés et 14 artistes internationales atteintes de la maladie se sont réunies pour apporter leur témoignage visuel aux souffrances de l’endométriose. Brisons le silence autour de cette pathologie.

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C’est quoi l’endométriose ?

Cette maladie consiste en la prolifération de tissus semblables à ceux utérins (appelés « endomètres »), en dehors de la zone utérine. Comme les autres muqueuses, ces tissus provoquent des écoulements de sang, mais ceux-ci n’ont pas d’issue. Ils font alors leur chemin vers différents organes, dans les cas les plus graves parfois même jusqu’au cerveau, puis déposent sur leur passage :

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  • des réactions inflammatoires ;
  • des lésions ;
  • des nodules ;
  • des kystes ;
  • des tissus cicatriciels et adhérents entre les organes.

Ainsi, contrairement à ce qu’on croit, l’endométriose n’est pas seulement localisée dans la région pelvienne, mais affecte notre santé globale. Les douleurs se propagent en plus d’être très intenses.

La maladie touche en moyenne 10 % à 20 % des femmes : « Si toutes les 180 millions de femmes estimées en être atteintes formaient leur propre pays, ce serait la 8ᵉ nation la plus large du monde, plus grande que la Russie » nous dit Shannon Cohn, réalisatrice du documentaire « Endo Quoi ? », lors de son TEDx.

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Le plus terrible, c’est que les médecins ne parviennent pas à identifier la souche de cette pathologie. Il y a autant de formes de la maladie que de femmes, et autant de différentes possibilités sur son origine. Difficile de définir contre quoi il faut lutter. Elle est donc à ce jour incurable. Il existe bien quelques traitements, mais ce sont des mesures extrêmes, comme par exemple les antalgiques ; les contraceptifs types pilule bloquant l’apparition des règles ; la chirurgie ou encore la ménopause artificielle.

Une maladie sous-diagnostiquée et peu reconnue, bien que très courante

The Global Study of Women Health, une étude fondée sur 10 pays différents, cherche à savoir à quel moment les femmes se rendent compte qu’elles ont des problèmes de santé intime. D’après les résultats, ⅔ cherchent de l’aide avant trente ans et 65 % ont des symptômes dès leurs premières règles. Pourtant, le diagnostic de l’endométriose prend en moyenne 7 ans et demi pour être prononcé. Pourquoi tarde-t-elle tant à être décelée ? D’une part, la pathologie est difficile à localiser puisqu’elle se disperse dans différents endroits. D’autre part, certains appareils médicaux ne permettent pas de la détecter. Les IRM par exemple peuvent ne rien révéler. Mais le problème principal vient de médecins peu sensibilisés à la maladie : ces derniers s’en tiennent aux premiers résultats d’analyse pour affirmer que les patientes ont simplement des règles douloureuses. Règle numéro un : se diriger vers un professionnel médical connaissant l’endométriose.

Dans sa campagne, Bodyform a rassemblé de nombreux témoignages attestant d’un déni de ces souffrances. Cela révèle une croyance problématique : on pense que la douleur féminine est normale et qu’il faut faire avec. Entre les règles et l’accouchement, elle est considérée comme naturelle. Si bien que celles qui « osent se plaindre » sont jugées comme faibles ou hystériques. Notre société accuse les femmes de n’être pas assez fortes, alors qu’elles sont malades. Il n’y a qu’à voir le vocabulaire français, avec des adjectifs tels que « douillettes », « femmelettes », « chochottes », etc. On imagine bien qu’ainsi reçues elles se recroquevillent et traversent cette épreuve en silence, se privant des soins nécessaires. Il est temps qu’on reconnaisse les souffrances de l’endométriose et qu’on les accueille.

Oser parler des souffrances de l’endométriose et en montrer la réalité à travers l’art

Techniquement quelles sont les douleurs que la maladie provoque ? La plus connue est celle qui a lieu pendant la phase menstruelle : la dysménorrhée, et malgré les traitements 59 % continuent d’avoir des règles très douloureuses. Même en dehors de cette période, 60 % ont mal dans la région pelvienne et dans les zones touchées par les foyers d’endométriose. Une autre douleur, la dyspareunie, est la souffrance lors des rapports sexuels, qui touche 56 % d’entre elles. 80 % déplorent avoir dû changer leur comportement sexuel, en interrompant ou en évitant carrément les rapports. Le pire ? La pathologie étant incurable, les souffrances de l’endométriose ne cessent jamais vraiment.

Mais ces termes scientifiques ne sont pas très évocateurs. Impossible de décrire cette réalité sans la comparer à quelque chose qui puisse être compris par les autres. Pour communiquer des situations complexes, on a besoin d’images et métaphores. Bodyform a mis au point un « Pain Dictionary », dictionnaire des douleurs, afin d’aider les femmes à poser des mots sur leur vécu.

De manière universelle, elles utilisent beaucoup d’expressions faisant référence au champ lexical de la guerre : couteaux plantés, ciseaux enfoncés, frapper, écraser, éclater, tirer une balle, etc. Les termes ayant trait au feu sont aussi très nombreux : brûlant, lave, feu, bouillant, etc. Elles font encore usage de mots qui évoquent la violence : pressant, lancinant, torture, aiguilles, épingles, etc.

Mais malgré tous ces termes, les images parlent encore mieux. C’est pour cela que des artistes se sont rassemblées pour exprimer l’indicible à travers la peinture. Voici celles qui ont osé répondre à la question « ça ressemble à quoi les douleurs de l’endométriose ? » : Augustine Cerf, Lauren Peters, Nadja Lossgott, Em Cooper, Alicja Pawluczuk, Ellie Pearce, Venus Libido, Jenny Jokela, Dana Robinson, Victoria Villasana, Carine Khalife, Selby Hurst, Lyla Ribot et Holly Warburton.

Un impact sur la santé générale

L’endométriose affaiblit la santé générale et augmente les probabilités d’attraper d’autres maladies :

  • 37 % de risques supplémentaires de développer un cancer ovarien ;
  • 38 % pour une tumeur endocrinienne ;
  • 26 % pour un cancer du rein ;
  • 33 % pour un cancer thyroïdien ;
  • 27 % pour une tumeur au cerveau ;
  • 23 % pour un mélanome malin.

D’après une étude du Collège américain de cardiologie, c’est encore :

  • 62 % de probabilités supplémentaires de crise cardiaque.
  • Un risque très important de cancer du sein après 40 ans du fait de l’exposition à de très grandes quantités d’œstrogène.

Un haut risque de stérilité

30 % à 40 % de celles atteintes sont également infertiles. Nombreuses sont les patientes qui ont eu affaire à des médecins faisant preuve d’un manque d’empathie outrageant à leur égard. Ils leur présentaient la chirurgie ou la ménopause artificielle comme solution à la maladie. Bien que toutes les femmes n’aient pas envie d’avoir des enfants, et si certaines voulaient quand même essayer d’en avoir ?

Un rapport douloureux au corps

Du fait des hormones et de tous les déséquilibres que la maladie entraîne, il est courant que les femmes prennent du poids. En voyant leur corps changer, elles perdent souvent extrêmement confiance en elles et se sentent moins attrayantes. De plus, le rapport au désir n’est plus le même du fait de ce mal. Pour peu que certaines s’efforcent de répondre aux envies de leur partenaire malgré les douleurs de la pénétration, leur corps n’est plus source d’aucun plaisir féminin.

Une santé mentale fragile

Cette pathologie est incurable. Quand on sait qu’on ne sera jamais guéri, il y a de quoi se sentir désemparé. Quand les femmes ne se sentent pas abandonnées par le système médical ou par leurs proches, elles sont tout du moins dans une réelle détresse psychologique et exténuées. Dans les pires cas, on retrouve des dépressions sévères…

Des répercussions dans l’environnement social

Une vie professionnelle handicapée

Victoria Williams, chercheuse dans la santé des femmes, a mené une étude auprès de 7 000 personnes issues de 52 pays, afin de constater les dégâts collatéraux de la maladie sur la vie professionnelle. 40 % ont dû quitter leur travail, ou l’ont tout simplement perdu. Elles loupent en moyenne 10,8 heures de travail par semaine, à cause du mal-être les empêchant de faire quoi que ce soit. Il devient impossible de se réaliser dans une carrière, et elles se retrouvent en détresse financière. Elles sont privées de 6 684 euros de revenu par an en moyenne. Alors bien souvent, elles préfèrent souffrir en silence afin de garder leur emploi.

Des relations personnelles qui se détériorent

Les proches ne font pas toujours preuve de soutien. C’est qu’ils héritent des conceptions selon lesquelles les douleurs des femmes sont banales. Comme elles ne sont ni reconnues ni soutenues, elles doivent vivre dans le secret et se comporter comme si de rien n’était. Ces personnes se retrouvent très seules, particulièrement pendant les périodes de crise où elles doivent s’isoler. La culpabilité s’ajoute encore pour celles qui sont mères, n’arrivant pas à tenir leur rôle et être présentes pour leurs enfants.

Il est très important de sensibiliser l’ensemble de la société au sujet de cette maladie. Il faut pouvoir faire preuve d’empathie et aider ces femmes qui endurent tant d’épreuves. Encourageons-les à persévérer dans leurs examens médicaux lorsque les professionnels de santé eux-mêmes n’y croient plus. Qu’elles ne soient plus jamais vues comme hystériques ou encore faibles. Sachons lutter contre les paradigmes et reconnaissons les souffrances de l’endométriose. Non, la douleur des femmes n’est pas normale.

 

Léa Pablo, pour Celles qui Osent

Sources :

https://www.instagram.com/bodyformuk/ 

https://fr.wikipedia.org/wiki/Endom%C3%A9triose

https://libresse-images.essity.com/images-c5/699/322699/original/pain-report-final-pdf.pdf

https://alicjapawluczuk.medium.com/overthinking-female-chronic-pain-how-im-playing-the-socially-constructed-role-of-a-sensible-e00fad53d8d6

https://www.itsnicethat.com/news/amv-bbdo-libresse-painstories-advertising-040321

Celles qui osent instagram
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