Niki de Saint Phalle, une “nana” talentueuse et engagée

Connaissez-vous Niki de Saint Phalle ? Tour à tour mannequin, peintre, sculptrice et réalisatrice, l’artiste a illuminé le 20e siècle de son talent. La compagne de Tinguely est surtout célèbre pour ses Nanas, figures féminines optimistes et colorées. Mais celle qui puisait son inspiration dans sa vie personnelle a aussi créé des œuvres militantes. Elle dénonçait ainsi les injustices, les violences et l’oppression subies par les plus faibles. Ces quelques lignes éveillent votre curiosité ? Pour en savoir plus, lisez cette biographie de Niki de Saint Phalle, une “nana” talentueuse et engagée.

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Photo Artspert Magazine

Niki de saint Phalle, une nana insoumise

Une enfance chaotique

Catherine Marie-Agnès Fal de Saint Phalle voit le jour à Neuilly-sur-Seine, le 29 octobre 1930. Son père est né en France, sa mère aux États-Unis. Ainsi, Niki de Saint Phalle est de nationalité franco-américaine. Elle grandit dans un environnement bourgeois, de part et d’autre de l’Atlantique.  Niki de Saint Phalle est une jeune femme instable et turbulente. La raison ? Elle est violée par son paternel à l’âge de 11 ans. Ce drame la détruit, le traumatisme la poursuivra toute sa vie. Néanmoins, elle attendra d’avoir la soixantaine pour en parler dans un livre adressé à son unique fille. En 1948, alors âgée de 17 ans, Niki de Saint Phalle devient mannequin. Loin d’être une vocation, ce métier naît d’un concours de circonstances : elle rencontre par hasard le propriétaire d’une agence de modèles au cours d’un bal. Elle pose ensuite pour de prestigieux magazines comme Vogue, Elle ou Life, poussée par le peintre Hugh Weis.

La liberté en France

À 18 ans, elle épouse l’écrivain Harry Mathews. Entre-t-elle alors dans le moule forgé par ses parents ? Pas du tout ! Rapidement, son tempérament révolté s’exprime : Niki de Saint Phalle se rebelle. Elle rejette le puritanisme, les conventions et la place de femme au foyer. Elle critique le maccarthysme, se dresse contre les injustices et les inégalités. Un an après son mariage, elle donne naissance à une fille, et s’enfuit à Paris avec son époux. Elle poursuit sa carrière de mannequin jusqu’à ses 25 ans, puis l’abandonne pour se consacrer à l’art. Pourquoi un tel changement ? En 1953, elle endure une sévère dépression. Elle est hospitalisée à Nice. Elle peint pour échapper aux séances d’électrochocs. Ses créations lui permettent d’exorciser ses souffrances et deviennent son salut.

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Celle qui ose créer des œuvres d’art à coups de carabine

Une entrée tonitruante dans le monde de l’art

Les années suivantes sont plutôt mouvementées. Niki de Saint Phalle donne naissance à un fils en 1955, puis part en Espagne. Elle y découvre avec admiration le travail de l’architecte catalan Antoni Gaudi. Après, elle rentre à Paris et fait la connaissance de Jean Tinguely, un artiste suisse. Elle divorce et s’installe avec lui en 1960.

Dans l’atelier parisien du couple, Jean encourage Niki à exploiter ses idées. Il lui offre une carabine ; elle l’utilise pour façonner une série de Tirs qui la rendent célèbre.

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Pour réaliser ces compositions, Niki de Saint Phalle commence par construire des formes dans un panneau de plâtre. Elle les remplit de peintures teintées, et les recouvre de blanc. Puis l’artiste épaule son arme, et tire dans les poches de couleurs. La matière coule et se répand sur le support, créant des œuvres uniques.

Des tirs pour extérioriser l’injustice et les blessures

Mais que représentent les tirs de Niki de Saint Phalle ? Pourquoi utiliser un tel procédé ? Elle explique cette performance par son envie de faire feu sur la société, ses maux et ses injustices. Ces créations sont également un moyen pour Niki d’exprimer sa colère. Elle détruit ainsi son père, son frère, et tous ses malheurs. Pour les exorciser, s’en libérer.

En 1961, Niki de Saint Phalle expose ses œuvres d’art pour la première fois. Les tableaux choquent, scandalisent et font parler d’elle. Le succès est immédiat et international.

À cette période, Jean Tinguely intègre sa compagne au mouvement du Nouveau Réalisme. Il en est l’un des fondateurs avec Yves Klein, Pierre Restany et d’autres. Le concept ? Les artistes s’approprient le réel et le détournent pour créer des œuvres. Leur travail influence celui de Niki de Saint Phalle, seule membre féminine du courant.

Niki de saint Phalle, une nana féministe et engagée

Sculpter des corps pour célébrer la féminité

En 1964, l’artiste opère un virage à 180°. Lasse de tirer sur des toiles, elle abandonne la carabine et investit un univers plus féminin. Niki de saint Phalle crée des sculptures monumentales, les Nanas. Ces œuvres joyeuses et colorées représentent des dames sans yeux aux formes arrondies. Elles se déclinent dans des postures légères et inattendues, lançant un vrai défi à la pesanteur.

Ces sculptures féminines sont une ode à la liberté et à l’indépendance. Elles se dressent contre le patriarcat et la domination masculine. À l’inverse, elles symbolisent l’émancipation des femmes, leur puissance et la beauté de leur corps.

“Pour moi, mes sculptures représentent le monde de la femme amplifié, la folie des grandeurs des femmes, la femme dans le monde d’aujourd’hui, la femme au pouvoir. ”
Niki de Saint PhalleDe Niki de Saint Phalle / l’ORTF, dans l’émission Dim Dam Dom, 1965

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Dénoncer les violences par l’expression artistique

En parallèle, Niki de Saint Phalle crée des œuvres plus sombres. En 1964, son Autel des femmes représente des dames à vendre. Son objectif ? Dénoncer la condition féminine et l’absence de libre arbitre. La plasticienne s’insurge contre le fait d’élever les jeunes filles dans le seul but de se marier et procréer.

Artiste talentueuse et polyvalente, Niki de Saint Phalle réalise également un film en 1972-1973. Elle travaille en collaboration avec un cinéaste influent, Peter Whitehead. Cette production féministe, intitulée Daddy, s’attaque à la figure paternelle. La réalisatrice y règle ses comptes avec son propre père, à la suite du viol subi dans son enfance. Elle prolonge ainsi la dénonciation du schéma familial amorcée avec ses précédentes créations.

Non contente de militer pour le droit des femmes, Niki de Saint Phalle s’engage également contre la ségrégation raciale. En 1965, la sculptrice façonne une Nana à la peau noire. L’œuvre s’intitule My Heart belongs to Black Rosy, probablement en référence à Rosa Parks.

Niki de Saint Phalle et Jean Tinguely, un couple créatif et moderne

Hon, leur première œuvre commune

En parallèle de son travail personnel, Niki de Saint Phalle réalise des œuvres avec son conjoint. La première d’entre elles, baptisée Hon, voit le jour en 1966. Cette pièce monumentale représente une femme couchée sur le dos. Les visiteurs y pénètrent par l’entrejambe, et découvrent d’autres installations à l’intérieur.

Cette statue gigantesque est un hymne à la féminité et à la reproduction. Elle est implantée dans le hall du Moderna Museet, à Stockholm. Le projet est tenu secret jusqu’au lancement de l’exposition, et connaît un succès retentissant.

Niki et Jean, deux artistes complémentaires

Le succès du duo vient d’un mélange de passion, d’émulation et de complémentarité. En plus de leurs travaux communs, ils participent souvent aux projets de l’autre. Ingénieur de formation, Jean Tinguely apporte son savoir-faire et sa maîtrise technique à Niki. En contrepartie, cette dernière amène son talent créatif et un univers unique. Cette collaboration engendre de nombreuses œuvres d’art, parmi lesquelles :

  • le Cyclope, fabriqué par Tinguely avec l’aide de sa compagne ;
  • le Golem, une aire de jeux pour enfants commandée par Jérusalem à Niki ;
  • la fontaine Stravinsky, à Paris.

La réalisation du rêve de Niki

Le couple collabore également sur la plus grande œuvre de Niki de Saint Phalle. Le Jardin des Tarots (1979-1993) est situé à Capalbio, en Italie. Jean crée les structures, Niki les recouvre de matériaux polychromes. Le résultat : des statues monumentales évoquant les cartes du célèbre jeu. Jean Tinguely meurt en 1991. Niki se bat alors pour faire reconnaître le travail de celui qu’elle avait épousé 20 ans plus tôt. Elle meurt en 2002, à San Diego, d’une insuffisance respiratoire, due à l’inhalation de vapeurs toxiques pendant toute sa carrière.

Vous venez de découvrir la vie de Niki de Saint Phalle, une nana hors du commun. L’artiste laisse derrière elle une œuvre polymorphe, profondément féministe et engagée. Aujourd’hui, ses créations sont visibles dans le monde entier, entre places publiques, musées et expositions diverses. Pour les admirer à votre tour, rendez-vous au MAMAC de Nice. Ce musée propose une collection permanente incroyablement riche. 

Pour continuer la visite passionnante dans la vie et l’oeuvre de Niki de Saint Phalle :

 

Pour découvrir la première biographie dessinée de Niki de Saint-Phalle, l’une des figures les plus marquantes de l’art du XXe siècle, illustrée par la talentueuse dessinatrice Sandrine Martin, c’est ici

Vous aimez les portraits d’artistes libres et inspirantes ? Lisez la biographie de Camille Claudel, sculptrice de génie ou celle de la performeuse Yoko Ono  !

Delphine Jouenne Saliou, pour Celles Qui Osent

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