Les Victorieuses, rendre hommage aux femmes qui osent 

Engagement, parcours de vie, résilience, sororité et naissance d’une vocation. Les Victorieuses nous plonge au cœur de ces thématiques dans un texte court et puissant qui bouleverse et rend hommage aux femmes courageuses.

Lætitia Colombani est réalisatrice, actrice, scénariste et écrivaine. La Tresse, son premier roman, relatait les histoires contemporaines de trois femmes, séparées géographiquement, mais liées entre elles dans leur quête d’autonomie et de liberté. Le livre Les Victorieuses reprend ce schéma narratif alternatif, mais cette fois-ci, ce n’est plus l’espace qui sépare deux femmes, mais le temps. Ces femmes, ce sont Solène et Blanche. 

Solène, œuvrer pour les défavorisés

Solène a 40 ans. Avocate perfectionniste surinvestie dans son travail, elle se consacre entièrement à son métier et s’oublie. Son compagnon la quitte pour une autre. Quand elle assiste au suicide d’un de ses clients, qui se défenestre sous ses yeux après un verdict sévère, elle tangue, puis craque.

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L’excellente avocate perd pied et c’est le burn-out. La dépression s’installe, profonde, durable et sans issue. Son psychiatre lui conseille alors de se lancer dans le bénévolat pour s’extraire de ce vide abyssal. Trouvant d’emblée l’idée absurde, Solène la balaie d’un revers de main et s’enferme dans sa bulle. Elle veut dormir, dormir, et encore dormir. Néanmoins, dans un sursaut salvateur, elle répond un jour à la petite annonce d’une association : « Mission d’écrivain public. Nous contacter ».

 Cette mission fait ressurgir ses rêves d’écriture, trop longtemps enfouis sous des couches de conformisme et de résignation. Ordinateur portable sous le bras, elle part alors affronter le monde réel dans un foyer pour femmes à Paris : le Palais de la Femme.

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 Les premiers contacts y sont frais. Elle demeure invisible, au milieu de toutes ces femmes insaisissables qui ont traversé tant d’épreuves et vécu tant de drames. Elle vient, se pose et attend. Personne ne l’approche, elle n’est pas vraiment la bienvenue. Elle s’interroge sur l’utilité de sa présence, doute, mais persévère. Elle revient, se réinstalle docilement à sa table et peu à peu, des liens ténus se tissent. Elle apprend alors à ne pas juger, à ne pas forcer les choses, à respecter le rythme de chacune. Elle apprivoise et se laisse apprivoiser.

 Solène découvre des femmes aux parcours chaotiques. Elle rencontre Cvetana, Binta, Sumeya, Salma, Iris et la Renée. Solène devient lentement le témoin privilégié de leurs histoires d’abandon, d’errance, de pauvreté, de solitude, d’exclusion et de violence. Et elle, la working-girl qui ne connaît rien à la misère du monde, commence alors à changer. Elle apprend au contact des autres et se découvre elle-même.

 En faisant la connaissance de ces femmes abîmées et toujours debout, elle emprunte le chemin de Blanche Peyron, femme déterminée et infatigable qui a œuvré toute sa vie en faveur des défavorisé.e.s.

Blanche, loger les femmes sans-abris 

Blanche naît en 1867 à Lyon. Son engagement commence tôt : à 17 ans, elle plaque tout pour entrer dans l’Armée du Salut afin de venir en aide aux démuni.e.s. Allergique à toutes formes d’injustice, elle combat d’abord les quolibets de la bonne société qui s’amuse à traiter ces femmes soldats « d’hommes en jupons ». Elle s’en moque et va prouver à tous qu’une femme peut prêcher et agir efficacement contre la misère.

 Blanche se veut libre et indépendante. Elle va pourtant se lier avec un homme qui va partager son combat au sein d’un duo égalitaire exceptionnel pour l’époque : Albin Peyron.

Et Blanche, qui se voue au célibat pour ne jamais être asservie, répond ainsi à la demande en mariage d’Albin :

« Oui pour le chemin à deux

Oui pour le combat partagé

Oui pour être ton amie, ta partenaire, ton associée

Oui pour me battre avec toi, ma vie durant

Oui je le veux

En avant ! »

Mariés, parents de 6 enfants, Blanche et Albin vont consacrer leur existence à venir en aide à ceux qui souffrent au quotidien. Ils enchaînent les distributions de soupes chaudes, de couvertures et de vêtements aux sans-logis. Ils développent les collectes de fonds. Leurs projets prennent de l’ampleur et ils parviennent à faire construire des foyers sociaux un peu partout en France. Blanche multiplie les maraudes auprès des milliers de sans-abri de Paris. Elle tombe malade, mais peu importe, sa sensibilité et son empathie l’emportent sur son état de santé. Elle ne tolère plus l’indifférence et l’injustice.

 Venir en aide à ses sœurs tourne à l’obsession : mettre à l’abri les femmes livrées à la rue, les prostituées et les jeunes mères expulsées dans le froid avec leurs nouveau-nés deviendra son sacerdoce.

 Le 28 novembre 1925, elle tombe sur un article : un immeuble vide de 743 chambres est en vente. Elle reçoit cette nouvelle comme un signe du destin, une mission que Dieu lui aurait confiée : cet hôtel, il faut l’acheter pour y loger toutes les femmes sans-abri de Paris. Il vaut des millions ? Et alors, l’argent, elle ira le chercher ! Et cet endroit, elle en fera un palais.

Le Palais de la Femme, contre la précarité et l’exclusion

 Le Palais de la Femme fait office de troisième personnage du roman. Lieu emblématique, cœur de l’histoire, ce palais est le lien entre Solène et Blanche, le lien entre toutes ces femmes qui ont refusé de se résigner.

 Le Palais de la Femme est situé au 94 rue de Charonne dans le 11arrondissement de Paris. Propriété de l’Armée du Salut, il est dédié à la prévention de l’exclusion et à l’insertion.

Actuellement il comprend plusieurs dispositifs d’hébergement consacrés aux femmes seules, aux mères avec enfants, ou aux jeunes majeurs isolés. Tous les résident.e.s ont connu la précarité et l’exclusion.

 

Avec les Victorieuses, Lætitia Colombani sort de l’ombre un personnage historique admirable et injustement oublié : Blanche Peyron. Elle nous offre des portraits d’héroïnes fortes et déterminées, des combattantes, des victorieuses de la vie. Une lecture féminine et féministe qui ouvre les yeux sans jamais tomber dans le misérabilisme ou l’inconsistance. Ce roman nous interpelle et nous pousse à regarder l’autre, à oser l’aider et à contribuer à changer l’ordre immuable des choses.

 

 Christelle Bordet, pour Celles qui Osent

 

Extraits choisis : 

 « Les médias l’évoquent rarement, le viol des femmes sans-abri n’est pas un sujet présentable. Pas assez chic pour passer au journal de 20 heures, lorsque la France est à table. Les gens n’ont pas envie de savoir ce qui se passe en bas de chez eux lorsqu’ils ont fini de dîner et vont se coucher. Ils préfèrent fermer les yeux. »

  « Et Solène a souri, en songeant qu’elle ne serait peut-être jamais écrivain, jamais une grande romancière, mais qu’elle était une plume, oui, de cela elle était fière ; une plume de colibri, au service de ces femmes que la vie avait malmenées et qui gardaient la tête haute, toujours la tête haute… »

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