Rencontre avec une artiste activiste : Katel

Katel, de son vrai nom Karen Lohier, est une artiste plurielle, à la fois auteure, compositrice, interprète, arrangeuse, réalisatrice, ingénieure du son, mixeuse et musicienne ! Elle est l’une des rares productrices françaises à posséder son propre studio d’enregistrement, avec Tatiana Mladenovitch, intitulé Mutterville. Elle a également créé son label Fraca !!! pour promouvoir la parité dans un domaine où les femmes sont minoritaires. Le 30 avril 2021, Katel sort son quatrième album, Mutants Merveilles, mêlant sonorités acoustiques et électroniques.

Coup de projecteur avec Celles qui Osent sur une artiste libre, mutante et engagée !  

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Une artiste engagée

Une âme d’artiste en quête de liberté

Karen grandit en Normandie. Issue d’une famille de parents instituteurs, elle se passionne pour la littérature « Je rêvais de devenir écrivaine et de raconter des histoires. Ce qui m’animait surtout, c’était l’envie de ne pas subir un vrai métier d’adulte quand je serais grande… et j’ai réussi. J’avais compris que l’art était l’endroit où il pouvait se passer quelque chose de différent, d’avoir une vie à côté, singulière.”

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Dès le lycée, à Deauville, elle rencontre sa future comparse de scène, Élodie, connue sous le pseudo Skye. Après son baccalauréat littéraire, Karen poursuit par un DEUG de Lettres et Arts du spectacle, qu’elle abandonne finalement. Avec son amie, elle monte des groupes et gagne rapidement sa vie grâce à la musique. Chanteuse, mais aussi musicienne autodidacte, son instrument favori est la basse, mais elle maîtrise aussi la guitare et les claviers. 

Proposer une musique alternative

Fin des années 90, il y avait beaucoup plus de lieux de concerts qu’aujourd’hui. Avec les lois contre l’affichage sauvage et les nuisances sonores, beaucoup de cafés-concerts ont dû fermer leurs portes. Les spectacles sont devenus beaucoup plus cadrés. Avec les scènes de musiques actuelles (SMAC) et leur programmation officielle, un nouveau maillage culturel s’est dessiné. Cette manière très normalisée de faire vivre la musique a fait disparaître celles plus alternatives, lissant ainsi les propositions musicales. ‘

Katel déplore que désormais, le passage par l’amateurisme soit moins visible. De plus, il n’est presque plus possible pour un artiste d’exister sans faire partie des réseaux sociaux et se créer soi-même sa propre médiatisation. 

Katel fuit cette logique marketing et préfère conserver la liberté de proposer sa musique. ‘Les droits d’auteurs et les diffusions en radio permettent encore de survivre, mais ces espaces sont souvent squattés par les mêmes personnes. Les concerts sont généralement réservés aux têtes d’affiche, car moins risqués économiquement. Je regrette qu’il n’y ait pas plus de places pour la création.’ 

Katel, fondatrice de son label FRACA !!!

Fin 2018, Katel fonde son propre label, FRACA !!!, avec deux autres artistes, Robi et Emilie Marsh, ainsi que les éditions Rospiko publishingQuand on fabrique des disques, c’est quasiment à perte. Nous le faisons presque pour la beauté du geste, l’amour de l’art.’ Son label, bénévole, a pour objectif de mieux rémunérer les artistes, de leur permettre une plus grande liberté artistique, mais aussi de promouvoir la parité. ‘S’entraider, développer des réseaux, plutôt que de conserver ses petits privilèges.’ 

La place des femmes dans la musique est extrêmement faible. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : 17 % de femmes auteures-compositrices-interprètes sont inscrites à la Société des Auteurs, Compositeurs et Éditeurs de Musique (SACEM) ; 5 % sont musiciennes ; 4 % techniciennes son et 4 % dirigent des labels. Engagée, l’artiste participe aux programmes de mentorat comme Mewem, intègre la nouvelle commission à l’Égalité femmes-hommes de la SACEM, et donne des conférences sur ces thèmes.  

FRACA !!! est la continuité d’un mouvement informel d’entraide entre femmes dans la musique qui se faisait elle aussi dans un esprit de fête et de partage. Nous avons voulu au départ mettre nos forces en commun pour produire nos albums, puis nous avons eu envie de les suivre jusqu’au bout, la fabrication, la promotion, l’image, être totalement libres artistiquement. Et la suite logique était d’en faire profiter tout le monde.

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Un nouvel album : Mutants Merveilles

Son dernier album, Mutants Merveilles, a été écrit durant le printemps 2020, pendant le premier confinement. “Peu prolifique, j’écris un album tous les cinq ans ; j’ai besoin d’isolement pour pouvoir écrire, d’être dans ma bulle.”

Plasticienne du son, l’artiste alterne les rythmes enjoués, saccadés et heurtés et brasse de nombreuses influences telles que le trip-hop, la pop sixties ainsi que le trap actuel. Katel se joue des expérimentations sonores à travers sa musique éclectique, troublante, mais apaisante. 

La thématique du corps est au centre de cet album : Corps mutants (‘Rosechou’), corps soumis aux violences policières (‘Sauf qu’on l’arrête’), corps des femmes constamment menacé (‘En chasse’), corps confinés coupés des autres (‘Ni mal d’amour’), corps plus légers d’être amoureux (‘Par la place’). 

 Nous avons connu les mouvements #Metoo, Black Live Matters, les Gilets jaunes. Il y a eu les manifestations contre les violences policières et le réchauffement climatique. Tous ces mouvements étaient des cris du corps. Soudain, nous avons été contraints de rester enfermés, pour des questions de survie, sans débat possible. C’était d’une violence inouïe et cela continue de l’être. Les luttes essentielles, en cours, se retrouvent sur pause et peinent aujourd’hui à redémarrer.’ 

 Militante des droits LGBTQIA+, son single Rosechou, manifeste queer, opte pour une joie éclatante et un postulat radical : l’euphorie d’être un corps différent, libéré des carcans du ‘vieux monde tout mort’. Le clip, gratté et peint sur pellicule, a été réalisé par Clifto Cream. 

‘être rose et pousser dans les choux, être rose flou ou rien du tout, et on vous emmerde.’ 

Fan de musique médiévale, indienne et de gnawa, Katel invite sur son album le duo Bonbon Vodou dans Je t’aime déjà, une boucle musicale lancinante, influencée par le maloya réunionnais. Cette sorte de cérémonial vaudou raconte les multiples facettes de l’amour. Les dessins du clip sont signés Julie Gasnier.

Une réalisatrice d’albums anticonformiste 

Réalisatrice d’albums, Katel produit, enregistre, mixe, sa musique ou celle des autres. Elle a collaboré avec Franky, Gogo, Super Bravo ou Maissiat.  “J’aime trop faire de la musique pour ne promouvoir que la mienne ! J’ai besoin de travailler avec les autres, de me nourrir de leur créativité. Ne pas être centrée sur soi est nécessaire pour avoir des choses à dire.’ 

Katel écrit aussi de la musique instrumentale à destination de podcasts. C’est une musicienne exigeante, qui refuse de se cantonner à un genre défini en s’adressant avant tout aux émotions. Chacun de ses albums possède une couleur propre : guitare et voix habitées pour Raides à la ville (2008), expériences sonores plus sophistiquées dans Decorum (2010), travail des chœurs et des claviers pour Élégie (2016).

Le succès l’importe peu. Le parcours pour y accéder l’intéresse davantage. ‘J’ai découvert des démarches très inspirantes outre-Atlantique. Les deux albums que j’écoute le plus en ce moment sont ceux de Damn de Kendrick Lamar et Anti de Rihanna. Je n’ai rien contre les musiques qui cartonnent !’

 

Les deux femmes qui l’inspirent sont celles qui ont eu la force de caractère de prendre des risques. Kate Bush, créatrice ultra complexe, n’a jamais cédé sur ses convictions, et PJ Harvey musicienne, grande déesse du rock, a toujours su se renouveler. ‘Les femmes qui osent pour moi sont celles qui cherchent à s’échapper du savoir-faire, car c’est le plus grand danger créatif. Le geste artistique ne réside pas dans la maîtrise et la perfection, mais plutôt dans l’énergie du mouvement, la proposition innocente, parfois même ratée.’ Allergique à la routine et aux ronronnements, résolument militante, Katel cultive son originalité, sa singularité, avec convictions. Une ‘merveille mutante’ qui ose… 

 Violaine B — Celles qui Osent 

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