Exposer son corps pour mieux l’aimer | Rencontre avec Rose Leroy

Dans un monde où les diktats de la mode sont plus au 36-38 qu’au 46-48, il n’est pas évident d’être « hors normes ». Grandir avec des formes, c’est subir le regard des autres. Beaucoup de jeunes filles en souffrent. Heureusement, il y a celles qui osent en parler. Celles qui osent a rencontré Rose Leroy, une jeune femme de 20 ans qui vient de créer son compte Instagram @happydeessegrecque. Puisqu’elle a du mal à aimer son corps, elle va le montrer aux yeux de tous pour apprendre à être indulgente envers elle-même. Une démarche assez paradoxale mais positive et encourageante pour les autres jeunes filles qui, comme elles, souffrent de ne pas s’aimer.

Grandir en se sentant différente

Rose est née le 11 février 2001 dans le 17e arrondissement de Paris. Elle a grandi avec des parents débordant d’amour. Toute petite déjà, Rose avait tendance à stocker facilement ce qu’elle mangeait. Quand ses copains de classe avaient des gâteaux au goûter, elle se régalait avec des abricots secs. Elle ne l’a pas mal vécu. En contrepartie, elle se faisait plaisir aux anniversaires et chez son grand-père.

Souffrir du regard des adultes

Dès l’école primaire, le regard des autres a commencé à être pesant. « J’adorais l’école parce que j’avais de la détermination et de l’ambition, mais j’aurais pu être définitivement dégoûtée. » Ce qui a le plus détruit Rose, ce ne sont pas les remarques des enfants de son âge, mais celles des adultes et notamment des médecins. Les médecins scolaires proposaient à ses parents des stages d’éducation nutritionnelle sans même connaître les habitudes alimentaires de la famille. Les premières questions des médecins se résumaient souvent à « Vous comptez perdre du poids ? » Malheureusement, le fait d’être « gros » est trop souvent associé à une maladie ou à de la malnutrition. La grossophobie est très ancrée dans le milieu médical. Paradoxalement, Rose a toujours voulu être médecin. C’est pour cela qu’elle s’accrochait tant à l’école. « J’avais énormément d’admiration pour les médecins et je buvais leurs paroles. » Peut-être qu’en réalisant son rêve, Rose participera à faire changer les choses. Personne ne s’imagine la force qu’il faut pour tenir face à cela.

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Entamer un combat avec soi-même

À la demande de Rose, ses parents l’emmènent chez le médecin. Elle veut comprendre. Vu ce qu’elle mange et la morphologie de ses parents, elle ne devrait pas avoir ces chiffres sur la balance. On lui parle alors de maladie hormonale. Encadrée par les médecins, elle entame un combat pour se sortir de cette situation de mal-être : acupuncture, prises de sang, sport intensif, régimes hyper restrictifs, etc. Bien que cette démarche provienne de sa volonté, avec le recul, Rose se dit qu’elle aurait pu tomber dans les troubles du comportement alimentaire ou psychiques. Bien que ce suivi médical ne lui ait jamais permis de perdre du poids durablement, elle y voit quand-même du positif. Cela lui aura permis d’apprendre les bons réflexes pour rester en bonne santé sur le long terme.

Se faire une place malgré le regard des autres

« Je pense qu’on ne s’imagine pas ce que quelqu’un de gros peut vivre ! »

Lien vers des formations en écriture digitale

Le regard des autres, en grandissant, on apprend à s’en blinder. Mais cela reste dur lorsque c’est répété. « Chaque jour, quand je déjeunais sur un banc dans les rues de Paris, je me faisais insulter par des passants. À l’école, j’ai été moquée, harcelée et même violentée. »

Pardonner et se pardonner

« On finit par penser qu’on aura de la valeur aux yeux des gens quand on aura perdu ce fameux poids. Peu importe ce qu’on accomplit. » Le manque de confiance en elle a eu un énorme impact sur la vie personnelle de Rose. Elle s’est mis une pression énorme pour réussir tout ce qu’elle entreprenait. Mais chaque réussite est ressentie comme une défaite. « À chaque fois que je réussissais, je pensais que c’était le fruit du hasard et non de mon travail. Peu importe ce que je réussissais, j’échouais dans ma mission principale qui était de perdre du poids. » Mais finalement, Rose s’est rendue compte que c’était elle qui était la moins indulgente envers elle-même, envers son corps. Petit à petit, elle apprend à pardonner aux autres mais aussi à se pardonner à elle-même. Elle laisse les souffrances derrière elle et pour cela, elle se fait aider via l’hypnose.

S’habiller comme on en a envie

La grand-mère et la maman de Rose travaillent toutes les deux dans le monde de la mode. Elles ont toujours conseillé Rose pour qu’elle trouve des vêtements adaptés à sa morphologie. Mais alors que ça partait d’une bonne intention, ce n’était pas forcément adapté à une jeune fille de son âge. « Je ne rentrais pas dans le moule sociétal, ni par ma morphologie, ni par mon style vestimentaire. J’étais habillée avec des jupes et des blazers alors que mes copines étaient en jean troué et en sweat-shirt. » Rose s’est trop longtemps interdit de porter certains vêtements sous prétexte que ce n’était pas fait pour elle. Aujourd’hui, grâce à une boutique en ligne qui propose des vêtements à sa taille, elle porte ce qui lui plaît. Elle a commencé un processus de reconquête d’amour de son corps depuis qu’elle a décidé de s’habiller sans restriction ni interdits. « Vous faites du 48 et vous voulez porter un legging en cuir, c’est OK ! »

Devenir indulgent avec soi-même

En septembre 2020, Rose réussit son concours de première année de médecine. Elle décide qu’il est temps de « comprendre son problème ». Elle voit un endocrinologue, puis deux, puis deux nutritionnistes. Tous arrivent à la même conclusion : il n’y a pas de problème ! Rose est en parfaite santé. C’est plutôt une bonne nouvelle et pourtant… elle s’écroule ! Elle pensait qu’avec le temps et ses connaissances en médecine, elle trouverait une raison à sa maladie. Mais elle n’a pas de maladie. Sa morphologie est juste différente de celle de ses parents et elle a une très grande masse musculaire et osseuse. C’est difficile à accepter. « À 20 ans, vivre avec des vergetures, des cicatrices et des bourrelets, ce n’était pas du tout ce que j’avais prévu plus jeune. Je m’étais imaginée pleine de confiance en moi, profitant de mon corps fuselé de jeune déesse pour faire tomber les mecs comme des mouches en buvant plein de cocktails. » Rose se demande alors comment faire de sa souffrance une force.

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Exposer son corps pour mieux l’aimer

En France, la diversité des corps est de plus en plus représentée grâce à certaines marques, mais il y a très peu de mannequins hors normes massivement connues. Aux États-Unis, des femmes comme Ashley Graham et Sarah Nicole Landry (@thebirdspapaya) font un carton sur Instagram. Elles partagent sans détour leurs formes, vergetures et cicatrices de grossesse. Ces femmes qui ont inspiré Rose pour son propre compte Instagram @happydeessegrecque. « En septembre 2020, j’ai traversé une période très difficile et, pour m’en sortir, j’ai repris une thérapie avec une hypno thérapeute. Je lui ai parlé de toutes ces femmes que j’admirais uniquement parce qu’elles avaient un courage incroyable de se montrer telles qu’elles sont. De là, est venue l’idée de faire la même chose. Il ne s’agit pas d’acceptation, mais d’indulgence envers moi-même et de valorisation de l’enveloppe qui va m’accompagner toute ma vie. »

Pourquoi happydeessegrecque ?

Pour Rose, une déesse grecque est une fille qui rêve d’une société nouvelle et qui se bat pour une nouvelle définition de la beauté et pour s’aimer. « On peut voir ce compte Instagram comme une sorte de thérapie personnelle. Mais, à travers mes publications, je souhaite également m’adresser aux femmes (jeunes ou pas) comme moi. Je désire faire passer des messages d’indulgence. Je voudrais également mettre en lumière des marques de vêtements et de lingerie que j’aime. Et pourquoi pas, si mon compte prend un certain essor, apporter ma participation au basculement des codes sociaux et à la normalisation des défauts du corps. »

Quel conseil donnerait Rose à une jeune fille mal dans sa peau ?

« Je lui dirai que l’on est souvent notre propre harceleuse. Il ne s’agit pas de s’accepter, mais d’être indulgente envers soi-même. Ne vous empêchez jamais de faire ce dont vous avez envie parce que cela n’est pas convenable ou accepté par une majorité de personnes. Si vous voulez porter un haut moulant alors que vos bourrelets dépassent, portez-le ! C’est ainsi que l’on bouscule les codes. Plus on provoquera la curiosité et l’étonnement des gens, plus la norme s’élargira. Les défauts que vous fixez sans cesse devant votre miroir, exhibez-les ! Dans quelques années, ils seront à la mode. Il y a quelques temps, les roux étaient souvent complexés par leurs taches de rousseur, maintenant il existe des tatouages et du maquillage pour les adopter. Qui sait, peut-être qu’en 2030 on se fera tatouer des vergetures ? »

Encore un très grand merci à Rose pour ce magnifique témoignage. Espérons que celui-ci puisse aider de nombreuses jeunes filles à devenir plus indulgentes envers leur corps. Espérons également que ce récit ouvrira les yeux de certaines personnes sur l’impact que peuvent avoir les remarques et les mots désobligeants envers des personnes que l’on juge « différentes ». Comme le dit si bien Rose, bousculons les codes ! N’hésitez pas à suivre Rose Leroy sur son compte Instagram @happydeessegrecque.

Charlotte Blieck pour Celles qui osent

Celles qui osent instagram
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