Biographie de Nina Simone : artiste prodige et militante

Née dans une Amérique du privilège blanc, une petite fille noire est victime de ségrégation raciale. L’histoire semble tristement banale. Sauf qu’Eunice Kathlyn Waymon, musicienne à la colère et à l’oreille absolues, rêve d’un autre destin. D’enfant prodige à figure militante, la biographie de la chanteuse Nina Simone raconte le parcours inspirant d’une artiste incontournable. Celle qui a osé revendiquer son talent et se tenir debout face au racisme n’a jamais cessé d’osciller entre l’ombre et la lumière.

Éducation musicale : chant et cours de piano

Dès sa naissance, la vie d’Eunice Kathleen Waymon, alias Nina Simone, est remplie de musique. La chanteuse voit le jour en 1933, à Tryon, en Caroline du Nord. Elle est issue d’une famille afro-américaine de huit enfants. À la maison, on chante tout le temps. Les parents sont des méthodistes pratiquants. La mère exerce comme révérende et les messes gospel représentent aussi des occasions de chanter. Sensible aux mélodies, la petite fille s’essaie au piano à l’âge de trois ans. Elle rêve rapidement de devenir pianiste.

Touchés par la crise des années trente, les Waymon mènent une existence modeste. En plus de son activité religieuse, la mère travaille comme femme de ménage pour une riche famille de Blancs. C’est sa patronne qui remarque un jour les dispositions musicales d’Eunice. Elle décide de la prendre sous son aile et lui paie un an de cours de piano. Cette femme collecte aussi des fonds pour que l’enfant continue à se former. Au-delà des préjugés raciaux, les voisins se mobilisent. La jeune prodige reçoit ainsi une éducation musicale classique.

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À douze ans, elle donne un récital. Présents dans l’assistance ce jour-là, ses parents sont assis à l’avant. On leur demande de reculer pour laisser la place aux Blancs. C’est alors qu’Eunice se met en colère et pose son premier acte militant. Elle refuse de jouer tant que ses parents ne reviennent pas s’asseoir près de la scène. Les Blancs devront céder pour avoir la chance d’assister au spectacle… Et quel spectacle ! Les applaudissements fusent. Blancs ou Noirs, peu importe, tout le monde salue la performance.

Le destin contrarié d’Eunice et la naissance de Nina

Après des années de préparation, la jeune pianiste passe une audition au Curtis Institute de Philadelphie, grand centre d’enseignement de la musique classique. Elle pense avoir très bien joué, mais n’est pas admise dans le programme de l’école et passe à côté d’une bourse d’études. Convaincue que ce refus est raciste, celle qui voulait devenir la première concertiste noire du monde vit une immense déception. Qu’à cela ne tienne, Eunice improvise !

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À vingt-et-un ans, elle prend la route pour Atlantic City avec sa nouvelle amie, une prostituée. Elle va jouer dans un bar pour gagner sa vie. Au piano, elle offre au public une musique jazz tintée de sonorités gospel et classiques. Un jour, le patron lui demande de chanter pour attirer plus de clients. Désirant garder son emploi, elle s’exécute.

La mère d’Eunice ne sait rien de ses activités. Il vaut mieux que la femme pieuse n’apprenne pas que sa fille joue ce qu’elle considère comme « la musique du diable ». La chanteuse doit prendre un pseudonyme pour préserver son anonymat. Elle a un ami qui l’appelle la niña (petite fille en espagnol) et elle aime beaucoup l’actrice française Simone Signoret. Le nom de scène est trouvé : en 1954, Nina Simone est née ! Interprète impressionnante, elle a une voix de baryton qu’on peut confondre avec celle d’un homme et une tessiture assez large pour atteindre les aigus.

Sa mère connaît l’existence de l’artiste, mais elle ne sait pas encore qu’il s’agit de sa propre fille. C’est à travers les coupures de presse que celle-ci finit par lui envoyer qu’elle le découvre. Si madame Waymon n’est pas ravie au départ, elle s’habitue vite à l’idée. D’autant plus que les revenus de la chanteuse lui permettent d’aider financièrement sa famille. Son talent est déjà reconnu mondialement.

La chanteuse Nina Simone : quand l’artiste prête sa voix à la militante

Dans les années soixante, Nina Simone va oser combattre les discriminations. Elle commence à chanter ce qu’elle qualifie de « musique des droits civiques ». Son engagement donne un sens à sa vie artistique. C’est avec la chanson « Mississipi Goddman » qu’elle comprend la portée politique de son art. Le morceau évoque le meurtre d’un militant afro-américain commis par un opposant à l’intégration ethnique et l’attentat raciste d’une église baptiste, revendiqué par le Ku Klux Klan.

Simone devient proche des grandes figures du militantisme. Elle veut inciter les Noirs américains à reprendre leur pouvoir et s’associe avec des poètes et autres paroliers pour écrire de plus en plus de textes engagés. La diva est en colère et même si elle prête sa voix à la lutte de Malcom X ou de Martin Luther King, elle n’adhère pas à leur idéologie de non-violence. Elle pense que les Afro-Américains doivent se faire entendre, et ce, par tous les moyens. Elle espère utiliser sa popularité d’artiste de variété pour permettre à son œuvre engagée d’avoir une résonance dans la population.

Ce changement de cap rencontre moins d’écho : le peuple blanc se détourne, préférant la cantonner à des titres populaires. En ce qui concerne sa vie personnelle, la chanteuse s’est mariée et elle a eu une fille avec un ancien chef de la police new-yorkaise. Son conjoint est également son impresario et il entend bien gagner un maximum d’argent grâce à elle. Il la pousse à travailler toujours plus.

Elle ne veut plus jouer de variété et refuse que l’on continue à qualifier sa musique de « jazz ». Elle affirme que c’est un mot inventé par les Blancs pour identifier les Noirs. L’artiste militante fait face au racisme et au sexisme dont la notoriété ne la protège pas. Elle mène la grande vie, mais souhaiterait travailler moins et surtout, être entendue.

Biographie de Nina Simone : une vie intense jusqu’à la fin

Diagnostiquée bipolaire et maniaco-dépressive, Nina Simone devient ingérable. Il lui arrive de tourner le dos à son public lors des concerts quand elle estime que son message ne passe pas. Elle préconise une révolution armée et une séparation des États-Unis en deux pour permettre aux Noirs de posséder leur propre pays. Les autorités américaines la surveillent de près.

Martin Luther King est assassiné et la guerre du Vietnam met fin à la militance pour les droits civiques. Dans ce contexte, Nina Simone ne se sent plus Américaine. Elle décide de quitter le pays qu’elle surnomme les « United Snakes ». En 1970, elle s’envole pour l’Afrique et met sa carrière entre parenthèses. À cette époque, elle se contente de jouer du piano chez elle. La militante comprend qu’elle ne changera pas le monde et la musicienne est toujours en colère de ne pas être devenue concertiste classique.

Quand elle finit par envisager un retour aux États-Unis, elle s’aperçoit que son impresario de mari a bien mal géré son argent. Elle traîne une dette envers le fisc. Plus douée en musique qu’en affaires, Simone avait par ailleurs cédé les droits de ses premiers titres phares pour une croûte de pain. En 1987, quand la chanson « My Baby Just Cares for Me » est utilisée pour une publicité Chanel, elle ne touche pas un sou.

À nouveau, la diva fait peau neuve et reprend la scène dans un club de jazz parisien. Au début des années deux mille, le public montre un grand regain d’intérêt pour son œuvre. L’avant-veille de sa mort, l’artiste reçoit un diplôme honorifique du Curtis Institute de Philadelphie, une reconnaissance tardive. Le 21 avril 2003, la partition s’arrête : Nina Simone décède des suites d’un cancer du sein à son domicile de Cary-le-Rouet, en France.

Très tôt, la petite fille de Caroline du Nord était consciente des injustices raciales, tout comme de son talent. Devenue adulte, la militante voulait mettre son art au service du peuple noir et aider les opprimés à se tenir debout. Excessive, bipolaire, elle regardait pourtant la violence de son époque avec lucidité. La biographie de Nina Simone révèle que même si la chanteuse n’a pas changé le monde, elle y a laissé l’empreinte nécessaire et précieuse d’une artiste intense et entière.

Delphine Petitjean

Sources :

https://www.franceculture.fr/emissions/les-nuits-de-france-culture/la-nuit-revee-de-jacqueline-caux-2015-39-une-vie-une-oeuvre-nina-simone-1ere-diffusion-08032014

https://www.youtube.com/watch?v=R5x6r7CWxNI&ab_channel=daimos300

https://www.youtube.com/watch?v=hMcTEA_uGcA&ab_channel=Brut

https://www.youtube.com/watch?v=cmr87pfjL6c&ab_channel=Alphi

https://fr.wikipedia.org/wiki/Nina_Simone

https://www.lepoint.fr/culture/nina-simone-la-diva-inconsolee-est-morte-il-y-a-dix-ans-18-04-2013-1656483_3.php

https://fr.wikipedia.org/wiki/Mississippi_Goddam

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