Biographie de Jade Goody | Une vie et une mort médiatisées

7 ans, voilà ce qu’aura duré la vie publique de Jade Goody. Jamais la notoriété d’une femme n’aura généré autant de polémiques. Des injures aux éclats de rire, Jade a toujours joué sa vie sur une partition aussi large que clivante. Découverte comme sale petite fille du peuple, elle a fini symbole du combat d’une mère pour ses enfants, luttant contre le cancer qui, paradoxalement, doit faire leur fortune. Entre téléréalité, scandale, maladie et morale, le parcours de Jade a bouleversé l’opinion britannique. La biographie de Jade Goody, chronique d’une mort médiatisée, rassemble tous les ingrédients d’une vie faite d’ambivalences. Suivez-nous dans cette destinée sans précédent.

La téléréalité comme ascenseur social

Une enfance à la Dickens

C’est dans le sud-est de Londres, à Bermondsey, quartier défavorisé, que la petite Jade Cerisa Lorraine Goody voit le jour le 5 juin 1981. Née d’un père délinquant et d’une mère handicapée, tous deux drogués, Jade endosse, dès l’âge de 5 ans, le rôle de maîtresse de maison. Les tâches de repassage et ménage se substituent à une vie d’écolière et de fillette, la privant de toute éducation digne de ce nom. Cette lacune lui vaudra le qualificatif, entre autres, d’écervelée et contribuera grandement à sa mauvaise réputation. Son père, qui cachait son arme sous le lit de Jade, mourra finalement d’une overdose dans les toilettes d’un Kentucky Fried Chicken en 2005.

Elle cumule les petits boulots, mais en 2002, l’addiction de sa mère à l’héroïne la décide à prendre son destin en main. Sortir de l’anonymat et de la pauvreté, coûte que coûte ! Elle voit alors, dans la téléréalité, la solution et participe à l’émission télévisée britannique Big Brother, version originale du Loft Story français.

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Éclosion d’une businesswoman

Sa personnalité trash et son net manque de culture la rendent immédiatement impopulaire auprès de l’opinion publique. En effet, elle pense que Saddam Hussein est un boxeur, le Portugal, une région d’Espagne et demande quelle monnaie est utilisée à Liverpool. Aux yeux des Britanniques, elle est le reflet de la stupidité et du sous-prolétariat. On entend même le terme de « Grande prêtresse de la salopocratie ». Mais, faisant fi de sa réputation, elle décide de profiter de cette notoriété et lance sa marque de parfum, ouvre son institut de beauté et propose des autobiographies dans lesquelles nombre de jeunes femmes se retrouvent. La fortune commence à lui sourire.

Une femme faite de scandales

Tandis qu’elle intègre une seconde fois les plateaux du talk-show Big Brother spécial célébrités en 2007, elle se fait de nouveau remarquer par ses propos racistes et discriminatoires. Elle insulte l’actrice indienne Shilpa Shetty, critique sa manière de se nourrir, se moque de son accent et lui suggère de retourner dans son pays. Pour le peuple, ce n’est que la confirmation de sa vulgarité. Mais, cette fois, l’onde de choc atteint les plus hautes sphères et active les tensions entre l’Angleterre et son ancienne colonie, l’Inde. Le Premier ministre, Gordon Brown, intervient alors personnellement et l’exhorte à présenter ses excuses. À titre de réconciliation, Jade accepte, en 2008, de participer à l’émission Big Boss, version indienne de Big Brother, organisée en Inde par Shilpa elle-même.

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Biographie de Jade Goody | Chronique d’une mort médiatisée

Un cancer diagnostiqué en direct, l’opportunité d’une médiatisation accrue

C’est sous le feu des projecteurs que, dès le deuxième jour de l’émission, Jade apprend son cancer de l’utérus. Elle a alors 27 ans, elle est mère de deux enfants, Bobby et Freddy, nés de son mariage avec Jeff Brazier. Immédiatement, elle quitte le jeu. Malgré elle, sa vie se déroule, une fois de plus, sur le devant de la scène.

Elle prend néanmoins conscience qu’elle peut mettre sa notoriété controversée au profit de l’avenir financier de ses fils. Elle veut, à tout prix, leur éviter l’inculture qu’elle a connue.

Dès lors, une seule idée la guide : amasser le plus d’argent possible pour assurer un avenir et une éducation à ses fils. Jade fait donc appel au mentor de la communication en la personne de Max Clifford. Spécialiste du scandale, il n’hésite pas à la faire filmer chauve, dans les moments les plus difficiles de ses traitements chimiothérapiques et l’encourage à écrire un maximum de livres.

Une vie et une mort devant les caméras

Quand elle comprend l’incurabilité de son cancer désormais généralisé, elle décide de pousser la médiatisation à son paroxysme. « J’ai vécu devant les caméras, je mourrai devant. Je sais que cela dérange des gens, mais maintenant je ne me préoccupe plus de ce qu’ils pensent, mais de ce que je veux ». Elle s’offre un mariage de rêve avec une ancienne star de la téléréalité, Jack Tweed. Elle en négocie les droits d’image pour la coquette somme d’un million de livres. Mais, elle vend aussi et surtout le tournage de son agonie : son dernier souffle aura lieu en direct live.

Elle paie d’avance le collège privé pour ses deux enfants jusqu’à leurs 16 ans. Elle n’est désormais plus qu’à un mois de l’échéance fatale.

Elle s’éteint finalement le 22 mars 2009, jour de la fête des mères en Grande-Bretagne, dans sa maison d’Upshire, propriété estimée à 1 million de livres et léguée à sa mère. C’est à la chaîne de télévision Living TV qu’elle avait vendu le film de ses derniers instants. Personne ne sait aujourd’hui si l’enregistrement a eu lieu ou non. Il n’a, en tout cas, jamais été diffusé.

Ce jour-là, sans que leur père ait besoin de leur expliquer, ses enfants ont demandé « si l’étoile qui brillait dans le ciel était leur maman. »

Ils héritent finalement de 4 millions de livres, qui seront dégrevés des différentes taxes et créances. Son mari, quant à lui, ne reçoit rien, il le savait et comprenait cette décision.

Après sa mort, the show must go on. Jade avait personnellement organisé ses funérailles. Des écrans géants retransmettent la cérémonie sur le parvis de l’église Saint John The Baptist. Le cortège funèbre part volontairement de son quartier natal pour rejoindre Buckhurst Hill où elle repose désormais. La foule émue est au rendez-vous pour ce dernier hommage.

De méprisée à modélisante dans la prévention du cancer de l’utérus

Starlette de la trash TV, Jade représentait, à ses débuts, le symbole de la classe pauvre et inculte. Chaque jour, son nom apparaissait sur les différents tabloïds, écrans ou journaux. La foule n’aura eu de cesse de renchérir d’épithètes dégradantes : tumultueuse, injurieuse, ignorante, écervelée, méprisante, scandaleuse, etc.

Les analystes, comme Johann Hari, considèreront plus tard qu’elle n’était que le reflet d’une société inégalitaire, une occasion pour la nation de déchaîner sa haine contre la pauvreté qu’elle ne voulait pas assumer. En somme, lui trouver des défauts justifiait sa position sociale.

Mais, peu à peu, le combat d’une malade et d’une mère a pris le dessus et les consciences ont changé. « Elle est en train de mourir et nous nous sentons mal à l’aise comme face à un jouet cassé », commentera India Knight, journaliste au Sunday Times.

C’est alors comme porte-parole d’une noble cause qu’elle a défrayé la chronique. Désormais, largement soutenue, elle était même devenue l’icône de la lutte pour la prévention du cancer de l’utérus. Entre 2008 et 2009, on comptabilisait 500 000 dépistages supplémentaires.

À l’instar de sa vie, sa réputation aura balancé d’un extrême à l’autre. Alors qu’en 2007, le Prime Minister himself lui avait imposé un retour au calme, c’est également lui qui, dès 2008, accompagnait et portait la ferveur nationale en saluant son « courage dans la vie et dans la mort. Le pays tout entier a admiré sa détermination à assurer un bon avenir à ses enfants », déclarait-il après son décès.

L’apothéose de cette célébrité fulgurante se trouve, sans conteste, dans l’entrée du nom de Jade Goody dans l’éminent Oxford Dictionary of National Biography. Là encore, elle a fait polémique. Car si le collège de 450 experts l’a choisie, personne, en revanche, n’a voulu écrire sa biographie. C’est finalement l’éditeur Lawrence Goldman qui a dû s’en charger. Aux détracteurs, il répondait que l’ouvrage « essaie d’être le reflet de la nation telle qu’elle est aujourd’hui ». Hasard alphabétique ou ironie du sort, Jade se trouve aux côtés de Hugh Goodyear, puritain réformateur.

Véritable ange de la téléréalité, Jade Goody a fait voler en éclats toute la bienséance et les barrières entre vie publique et vie privée. Mais, au-delà d’un acte macabrement réfléchi ou désespéré selon les avis, c’est aussi le rôle de la téléréalité elle-même qui interpelle dans cette histoire. Amélie Nothomb, dans son livre Acide sulfurique, soulève cette épineuse question et interroge sur le vrai fautif entre un participant souvent naïf, un organisateur vénal et un public voyeur.

Envie de découvrir une autre destinée hors normes ? Celles qui osent sont nombreuses et Angela Davis en fait partie.

Article rédigé par Christelle Lorant, pour Celles qui Osent

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