Adèle Haenel, actrice féministe : une affaire de lutte et de cinéma

Si je vous dis cinéma, féminisme, #MeToo, guerrière, peut-être me répondrez-vous : Adèle Haenel ?
Le nom de cette actrice vous dit en tout cas sûrement quelque chose. Tête d’affiche du superbe film Portrait de la jeune fille en feu de Céline Sciamma en 2019, son nom a plus tristement résonné lors de « l’affaire Adèle Haenel ». Dans la lignée du mouvement #MeToo, l’actrice a dénoncé les attouchements et le harcèlement sexuel dont elle a été victime de la part du réalisateur Christophe Ruggia.
Mais ce que l’on retient d’elle, c’est aussi une image qui a fait le tour des médias : une femme forte, debout, criant : « La honte ! » C’était lors de la 45e cérémonie des César, après la remise d’un prix à Roman Polanski.
Au-delà des polémiques, suivez Celles qui Osent pour ce portrait d’une jeune fille en feu. Découvrons une actrice féministe talentueuse et une combattante déterminée.

Une actrice féministe à la filmographie engagée

Les débuts

Née en 1989 à Paris, Adèle est repérée par Christophe Ruggia à seulement onze ans. Elle tourne alors dans son film Les Diables.
On la retrouve cinq ans plus tard, en 2007, dans Naissance des pieuvres, premier film de Céline Sciamma. Elle y incarne une adolescente capitaine d’une équipe de natation synchronisée qui vit ses premières histoires d’amour avec d’autres jeunes filles. Nous voilà déjà dans le grand bain : un film réalisé par une lesbienne qui parle d’amours lesbiens. Il lui vaut d’être nommée au César dans la catégorie Meilleur espoir féminin.
Elle ne cesse ensuite de tourner et enchaîne les succès.

Confirmation d’un parcours engagé

Parmi les œuvres illustrant le mieux son parcours féministe et engagé, on peut citer Les combattants, de Thomas Cailley, sorti en 2014. Adèle est Madeleine. Elle souhaite intégrer l’armée et se retrouve à devoir survivre dans la forêt. Une combattante donc, qui joue dans une cour habituellement réservée aux garçons. Adèle obtient le César de la Meilleure actrice.

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En 2017, elle incarne un petit rôle dans 120 Battements par minute, réalisé par Robin Campillo. Le film raconte les débuts de l’association de lutte contre le VIH, Act-Up. Il remporte le Grand Prix du Festival de Cannes et la Queer Palm.
En 2018, elle est une femme du peuple révolutionnaire dans Un peuple et son roi, de Pierre Schoeller.

La consécration

Enfin, en 2019, c’est à nouveau devant la caméra de Céline Sciamma qu’elle crève l’écran dans Portrait de la jeune fille en feu. Le film est résolument féministe et révolutionnaire, tant sur le fond que sur la forme. Il raconte l’histoire d’amour impossible entre une jeune peintre indépendante et une jeune aristocrate (Adèle Haenel) promise à un mariage arrangé. Une œuvre qui est une ode au cinéma et à la peinture, mais aussi aux femmes et à la sororité. Elle est largement saluée par le public et la critique. Le film obtient notamment le Prix du scénario et la Queer Palm au Festival de Cannes, ainsi que le César de la meilleure photographie.

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Les choix de films d’Adèle Haenel ne sont pas anodins. Ses rôles engagés nous crient que les femmes ont une place à prendre, au cinéma comme dans la vie. Aucun doute : Adèle est une actrice féministe et le fait savoir.

L’affaire Adèle Haenel : une actrice féministe qui lutte contre le patriarcat

La plainte contre Christophe Ruggia

Deux mois après la sortie du film de Céline Sciamma et dans la lignée du mouvement #MeToo, débute « l’affaire Adèle Haenel ». Dans un long entretien filmé accordé à Mediapart, elle accuse le réalisateur de son premier film, Christophe Ruggia, d’attouchements et de harcèlement sexuel. Les faits se sont déroulés alors qu’elle avait entre 12 et 15 ans, suite au tournage.

Elle explique qu’elle n’a pas porté plainte à l’époque, car selon elle, la justice est défaillante dans ce genre de cas : il y a « une violence systémique faite aux femmes dans le système judiciaire ». « La justice nous ignore, on ignore la justice », assène l’actrice féministe.

La Société des réalisateurs de films entame une procédure de radiation à l’encontre de Christophe Ruggia et le parquet s’autosaisit de l’affaire. Une fois auditionnée, Adèle décide finalement de porter plainte. Christophe Ruggia est mis en examen.

Un engagement pour toutes les femmes

Beaucoup estiment que la prise de parole d’Adèle Haenel constitue un événement pour l’émancipation des femmes dans le cinéma et au-delà. Les principales instances du cinéma français et certains de ses plus grands représentants lui apportent leur soutien. Si elle a décidé de témoigner, c’est parce que l’actrice appelle à une libération de la parole des victimes de violences sexuelles. C’est bel et bien un engagement féministe et politique, contre le patriarcat qui règne dans ce milieu comme dans la société.

Déjà en février 2018, elle co-fonde le collectif 50/50 qui se bat pour une meilleure égalité femmes-hommes ainsi que plus de diversité dans le cinéma et l’audiovisuel. Le féminisme, dit-elle, est « une question fondamentale, qui porte sur l’humanité ».

Ses autres prises de position

Notons que son engagement politique ne se limite pas à la sphère du féminisme et qu’il a toujours été présent dans sa vie. L’actrice a beaucoup manifesté pendant ses années lycée, a pris part au mouvement Nuit Debout et a signé une tribune dans Le Monde pour défendre la ZAD de Notre-Dame-des-Landes. En 2020, elle participe également à la manifestation contre les violences policières organisée par le comité de soutien à Adama Traoré.

Enfin, elle témoigne dans le documentaire Regard Noir, d’Aïssa Maïga, qui pose la question de la représentation des femmes noires à l’écran.

Roman Polanski reçoit un césar, Adèle Haenel « se lève et se casse »

L’affaire Roman Polanski

Le témoignage d’Adèle Haenel pour Mediapart rejaillit indirectement sur le réalisateur Roman Polanski. En effet, quelques jours plus tard, Valentine Monnier prend à son tour la parole et l’accuse de viol. Celui-ci a déjà fait l’objet de nombreuses autres accusations de violences sexuelles et est poursuivi par la justice américaine. Il est considéré comme fugitif par Interpol pour des faits d’abus sexuels sur mineure.

César du Meilleur réalisateur

Le 28 février 2020 se tient la 45e cérémonie des César. Roman Polanski n’obtient pas moins de douze nominations pour son film J’accuse. Il se retrouve face aux nombreuses protestations de ceux qui voient là une indécente provocation à l’encontre de ses victimes. Il renonce alors à assister à la cérémonie. Adèle Haenel est bien présente, elle, au côté de Céline Sciamma, toutes deux venues défendre le superbe Portrait d’une jeune fille en feu.

Dehors, des manifestants protestent contre la nomination de Roman Polanski. Sur scène, la maîtresse de cérémonie Florence Foresti multiplie les allusions aux accusations dont il fait l’objet.

Alors que s’ouvre la catégorie du Meilleur réalisateur, le César est attribué à… Roman Polanski ! Adèle, en actrice féministe engagée, se lève, pointe le doigt vers la scène, crie « La honte ! La honte ! » et part. Elle est suivie par Céline Sciamma et quelques autres actrices.

Désormais « on se lève et on se casse »

C’est alors Virginie Despentes, écrivaine et autre grande figure du féminisme, qui exprime le mieux ce qu’il s’est passé, dans une tribune pour Libération : « Adèle se lève et elle se casse. Ce soir du 28 février on n’a pas appris grand-chose qu’on ignorait sur la belle industrie du cinéma français par contre on a appris comment ça se porte, la robe de soirée. À la guerrière. Comme on marche sur des talons hauts : comme si on allait démolir le bâtiment entier, comment on avance le dos droit et la nuque raidie de colère et les épaules ouvertes. […] Le monde que vous avez créé pour régner dessus comme des minables est irrespirable. On se lève et on se casse. C’est terminé. »

Adele Haenel actrice féministe part de la cérémonie des César
Suite au César remis à Roman Polanski, Adèle Haenel se lève et part de la cérémonie des César

Désormais, Adèle Haenel et son engagement féministe ne vous sont plus inconnus et les derniers mots de Virginie Despentes résonnent peut-être encore en vous… Je vous invite à lire sa poignante tribune dont est extraite la citation.

Vous en voulez encore ? Alors, rendez-vous dans notre rubrique Stories, à la rencontre de celles qui ont osé !

Emilie Ringuet, pour Celles qui Osent

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